Le digital a bouleversé les modes de consommation et la distribution n’y échappe pas. Aujourd’hui, les points de vente doivent rivaliser d’innovation pour regagner leur place dans cet environnement connecté en jouant sur leur principal atout : l’échange humain.

Bien installé dans un canapé, un ordinateur sur les genoux et une tasse de café chaud dans la main, quoi de plus agréable que le shopping en ligne pour s'offrir un cadeau un jour de pluie? Certainement pas se déplacer jusqu'au magasin le plus proche, révèle l'étude «Les Français et les points de vente connectés» menée par l'Ifop pour le groupe Wincor Nixdorf et publiée en octobre. Ainsi, seuls 30% des Français apprécient d'effectuer leurs courses en grandes surfaces alors qu'ils sont 71% à prendre du plaisir à les faire en ligne. Sans contraintes de temps ni d'espace, ils trouvent plus agréable de dégainer leur carte bancaire sur des sites d'e-commerce que de faire la queue en point de vente, et ce ne sont pas les 30,1 millions de Français qui ont effectué un achat sur Internet en 2011 qui diront le contraire.

Mais si Internet permet d'optimiser l'acte d'achat, les points de vente physiques ont encore un atout à faire valoir: l'humain. A l'heure où 80% des Français (72% en 2010) déclarent avoir systématiquement recours aux vendeurs, le besoin de conseil ne semble pas en voie d'être comblé par un avatar dématérialisé. Jérôme Gonzalez, cofondateur de Cy-play, une start-up qui développe un service mobile permettant aux vendeurs en points de vente d'avoir accès aux informations des consommateurs, affirme que le conseiller est devenu le pilier de la fidélité des clients aux magasins: «La différence majeure entre le commerce physique et le commerce sur Internet, c'est que les sites n'arrivent pas à fidéliser leurs clients. Il faut que la culture évolue et que l'on accepte le fait que ce sont les vendeurs qui ont un très fort pouvoir de fidélisation.»

 

Nouer une relation client-vendeur durable

Certaines marques s'attachent ainsi à faire de la relation client-vendeur un moment privilégié. Une tendance forte qui redonne ses lettres de noblesse au vieil adage «le client est roi» et qui se développe, selon Martine Ghnassia, directrice du département planning stratégique de l'Ifop: «Une marque doit chercher à se rendre utile dans le quotidien des individus, tant en amont de l'acte d'achat que pendant celui-ci ou après et ce, en développant une posture servicielle, complémentaire de son coeur d'activité.»

Neiman Marcus, géant américain de l'habillement, l'a bien compris et a développé l'application NM service à destination de ses vendeurs et clients. A l'image des services de conciergerie premium, elle permet à l'utilisateur de consulter le planning des vendeurs présents en magasin et d'entrer en contact avec eux. Ainsi, il pourra demander, à distance, au conseiller de son choix de lui préparer des tenues en fonction de ses goûts et fixer un rendez-vous pour venir les essayer. Sur simple activation de l'application, l'utilisateur est ensuite reconnu lorsqu'il franchit les portes de l'enseigne. Le vendeur peut alors le géolocaliser, avoir accès à sa photo ainsi qu'à ses données. Par ce biais, le client n'est plus un anonyme parmi d'autres et il bénéficie des offres personnalisées auxquelles il a d'ordinaire accès en ligne. De quoi nouer une relation client-vendeur durable. My Sephora est le pendant français de Neiman Marcus. Déployée depuis le début de l'année, cette application permet un traitement très ciblé de la clientèle en magasin (voir encadré).

Sans appareil mobile, le vendeur peut se trouver démuni face à un consommateur, qui, smartphone en main, a accès à une source incroyable d'informations. Selon l'étude, 18% des Français trouvent les conseils des vendeurs moins utiles que ceux trouvés sur Internet, et 14% trouvent même qu'ils sont contradictoires. Pour permettre à son personnel d'être à armes égales avec des clients hyperconnectés, la chaîne de magasins But a fourni à ses vendeurs une tablette. En un clic, ils peuvent ainsi avoir accès au catalogue en ligne, à la disponibilité et au prix des articles mais aussi effectuer des recherches multicritères pour proposer le bon produit au client et l'accompagner jusqu'à l'encaissement. Un système qui permet de vendre des produits même lorsqu'ils sont indisponibles en magasin, tout comme un site pourrait le faire, symptôme que la frontière entre les modes en ligne et hors ligne tend à s'amenuiser.

La relation client est donc aujourd'hui moins transactionnelle que conversationnelle; elle est aussi moins intrusive. Pour Martine Ghnassia, il est nécessaire que les marques «essaient de se plier à l'humeur, au temps et au caractère du client». La marque de cosmétiques Clinique a ainsi développé un système de bracelet de couleur «Service as you like it» pour permettre à la cliente de signifier de manière ostensible si elle souhaite se faire aborder ou non par une vendeuse. Elle a ainsi la possibilité de décider de la nature de la relation qu'elle souhaite entretenir avec la vendeuse: «vert» si elle désire se faire conseiller, «blanc» si elle est ouverte à de brefs conseils, «rose» si elle ne veut que regarder. Une prise en compte du client qui montre qu'il y a eu un rééquilibrage de la relation de pouvoir entre la marque et les clients mais aussi que tout est sujet à être marketé, y compris les relations humaines.

 

Sous-papier

 

Le conseil sur mesure de My Sephora

 

L'enseigne de cosmétiques Sephora a développé My Sephora, une application accessible aux vendeurs en magasins équipés de l'Ipod Touch de l'enseigne (800 à ce jour). Cette innovation, en test depuis juillet 2011 et déployée graduellement en France depuis le début de l'année dans les quelque 300 magasins de l'enseigne, permet aux vendeurs d'avoir accès aux données des clients qui se présentent à eux avec leur carte de fidélité. Que ce soit la date de naissance, le nombre de points, les préférences produits ou encore l'historique des achats, le conseiller peut instantanément obtenir une salve d'informations qui lui permettent de personnaliser son approche du consommateur. L'application se base aussi sur son propre moteur de recommandation personnalisée: «Ma playlist Sephora», qui pourrait ressembler à une sélection Genius Itunes sélectionnant des morceaux en fonction de vos goûts, propose à chaque client de découvrir des produits exclusivement sélectionnés pour lui en fonction de ses habitudes d'achat et de son profil. En ce qui concerne la sécurisation des données qui pourraient poser au problème aux plus sourcilleux, le réseau Wi-Fi privé nécessaire à l'obtention des informations est sécurisé par un mot de passe, tout comme l'est l'Ipod Touch. Le client peut aussi à tout moment interdire l'accès à ses données via un système d'opt-in/opt-out accessible en ligne.

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