La crise? Quelle crise? Quelle que soit leur taille, petite, moyenne ou issue d'un grand groupe, les agences de Rhône-Alpes ne sont pas du genre à s'épancher sur la conjoncture déprimée.

Contre la déprime, le discours est offensif et parfois même raille la morosité ambiante. «La crise, j'ai l'impression de n'avoir connu que ça depuis 1992», lance d'emblée Vincent Sorgues, cofondateur dirigeant de l'agence lyonnaise WR&S, également implantée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône/Paca). Même son de cloche du côté de Philippe Mauchamp, de Groupe 361, qui conteste l'idée d'une double peine subie par les agences aux avant-postes de la crise économique et qui subiraient en priorité la réduction voire la suppression de budgets de communication: «C'est une vieille façon de voir les choses, la communication d'avant a vécu. Elle a su s'adapter au bouleversement complexe et en profondeur pour prendre le tournant du digital.» Parole d'un patron à la tête d'une agence moyenne employant une trentaine de personnes à Lyon et Paris (3 millions d'euros de marge brute) et qui s'exprime aussi en tant que représentant de l'Association des agences-conseils en communication (AACC) Rhône-Alpes.

Christophe Fillâtre, dirigeant de Publicis Activ Lyon et de Carré noir ne dit pas autre chose: «Il est inutile d'en faire des tonnes sur une situation structurellement en crise et qui nous incite depuis toujours à nous adapterLe dirigeant de la plus grosse agence de la région (130 salariés) reste lucide et humble: «Il y a du volume qui nécessite de travailler dans l'urgence et de s'adapter en permanence. Notre objectif est clairement d'offrir puissance et proximité à nos clients.»

Lionel Cuny, ancien directeur général de TBWA Corporate, revenu à Lyon en décembre dernier pour prendre la tête de Kaelia/Insign (cinq agences regroupant 98 personnes et 10 millions d'euros prévus en 2013) affiche également un franc optimisme: «Il y a beaucoup de consultations où les grands réseaux sont souvent contactés spontanément. Du fait de notre taille, nous devons nous battre sans arrêt et nous y allons sans état d'âme. Heureusement, beaucoup de clients et de prospects ont compris que la communication n'est pas une dépense mais un investissement.» Une tendance relevée aussi par Marc Marynower, codirigeant de MMAP, qui note un tassement du marché, mais avec des comportements différents: «Il y a les clients qui gèrent dans une logique franco-française et se mettent en retrait en baissant le ton. Et ceux qui osent davantage “à l'anglo-saxonne”, qui investissent et forcément en profitent.»

Une vitalité surtout due au digital

Aux dires donc des principaux intéressés, le marché de la communication du grand bassin d'emploi couvrant Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne semble avoir limité les dégâts en cette période de crise. Même si certains ajustements ont dû être opérés. Publicis a ainsi fermé son agence à Clermont-Ferrand. «Il n'y avait plus de marché viable pour nous», estime Christophe Fillâtre. Mais le groupe mise sur son bureau d'Annecy, en synergie avec les ressources du groupe. A contrario, DDB Nouveau Monde et Havas (ex-Euro RSCG), présents à Lyon, ont mis un terme en 2011 aux activités de leur agence respective dans la capitale haut-savoyarde.

Côté annonceurs, Eric Vernusse, directeur de la communication de la Banque Rhône-Alpes et président du Club de la communication de Lyon, exprime un avis très nuancé: «Au mieux, les dircoms ont sauvé leurs budgets en 2012, mais beaucoup sont à la baisse et on a du faire des arbitrages.» Avec une priorité donnée à la communication interne: passage aux webzines, recours accru aux ressources internes plutôt qu'aux agences, maximisation des actions commerciales «à forte valeur ajoutée».

En fait, si les agences affichent toujours une certaine vitalité, c'est grâce au digital et souvent hors du marché rhônalpin. «Les nouvelles pratiques et compétences issues du digital ont ringardisé bon nombre de comportements», assène Philippe Mauchamp, de Groupe 361. Ce dernier a beaucoup investi et pris le tournant de la stratégie digitale en 2008, avant de se renforcer dans le monitoring Internet et l'e-réputation il y a deux ans, et aujourd'hui dans la mobilité. Résultat: une progression de l'activité de 15 à 20% par an.

De leur côté, Kaelia et Visual Link, respectivement positionnées dans le conseil stratégique et le digital, ont uni leurs forces en 2010, sous la marque ombrelle Insign, avant d'intégrer l'an dernier des agences spécialisées pour compléter leur offre: Taxi Brousse en marketing opérationnel, Smartfingers Media pour le mobile et Komunote pour les réseaux sociaux et le Web 2.0.

Intégration des compétences

Pour sa part, Publicis Activ Lyon a procédé en décembre dernier au rachat de Diplomatic Cover (22 personnes), qui est devenue «l'expertise digitale» du réseau. Le nouvel ensemble en a profité pour mettre en œuvre une nouvelle organisation où créatifs et commerciaux travaillent en direct avec les experts de Diplomatic Cover au sein d'un grand «open space». «Nous proposons une offre complète, avec neuf métiers sous le même toit autour du triptyque publicité-digital-design. On a pris un vrai coup de jeune dans une ambiance start-up», s'enthousiasme Christophe Fillâtre.

L'intégration des compétences est aussi d'actualité parmi les agences de taille plus modeste comme en témoigne Le Monde change (17 personnes), groupe constitué début 2013 à l'initiative de WR&S (publicité et marketing opérationnel), qui comprend cette dernière, La Fabrique Marketing (stratégies de marque), Adgensite (webmarketing), Twin Team (packaging et identité) et Ontario (événementiel). Pionnier en la matière, Jean Vasseur Communication a mis en place depuis 1999 un modèle réunissant sur un même plateau une cinquantaine de personnes de quinze sociétés différentes, qui affiche une croissance de 10% cette année. «Au-delà des synergies, c'est déjà l'occasion de profiter d'un voisinage intelligent et convivial», s'amuse Jean Vasseur. Une attitude positive qui semble refléter l'état d'esprit d'une majorité d'acteurs de la région, bien loin des plaintes récurrentes que l'on entend à Paris.

 

(sous papier)

Lyon-Paris: le digital bat le TGV par 2.0

Lyon a-t-elle les moyens de rivaliser avec Paris? «C'est un débat complètement dépassé, on fait 80% de notre activité à Paris», déclare Philippe Mauchamp, de Groupe 361. Par nature, le digital s'affranchit des frontières, il ne se régionalise donc pas et taille des croupières au centralisme parisien. Selon Philippe Mauchamp, grâce à Internet, les clients cherchent une compétence, pas une adresse. Exemples: son groupe est chargé de la stratégie d'Heinz dans les réseaux sociaux en Franceet de la veille des consommateurs internautes en Europe et aux Etats-Unis pour une marque de cosmétiques.

De son côté, Publicis Rhône-Alpes joue les synergies entre structures parisiennes et lyonnaises. En témoignent les gains de clients communs entre Carré noir et Diplomatic Cover. «Nous faisons un travail sur le digital énorme pour accompagner nos clients à l'international, comme Sanofi, Merial ou Norbert Dentressangle, avec sa filiale en Chine », précise Christophe Fillâtre.

Les agences lyonnaises moyennes ne sont pas en reste, avec souvent une implantation étoffée à Paris comme Diplomatic Cover, Visual Link, Kaelia. La petite agence MMAP, spécialisée en communication des territoires, travaille principalement hors de Rhône-Alpes, de Paris, notamment pour la région Ile-de-France dont la marque sera lancée au printemps prochain, jusqu'à… l'île de Saint-Barthélemy (Petites Antilles).

 

Chiffres clés

719 millions d'euros. Investissements publicitaires 2012 en Rhône-Alpes.

200 agences. Un ensemble qui comprend les grands réseaux (Being, Havas 360, Nouveau Monde DDB, Publicis Activ, TBWA Rhône-Alpes-Auvergne).

170 millions d'euros. Chiffre d'affaires 2012 pour la région Rhône-Alpes, dont 63 millions réalisés par les dix premières agences.

2 000. Nombre de personnes employées dans les agences de communication.

(Source: Intermédia)

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