La conférence «Réputation War» qui se tient le 17 janvier à Paris, et dont Stratégies est partenaire, a pour thème cette année «les foules sentimentales».

«On nous inflige des désirs qui nous affligent. On nous prend, faut pas déconner, dès qu'on est né pour des cons, alors qu'on est des foules sentimentales avec soif d'idéal…» Christophe Ginisty, créateur de la conférence annuelle «Réputation War», avec le Syntec RP, a été inspiré en intitulant «Foules sentimentales» (titre d'une chanson d'Alain Souchon), sa deuxième édition, qui se tiendra à Paris le 17 janvier et dont Stratégies est partenaire.

La mise en pâture de la vie privée du président de la République à la suite de la révélation, le 10 janvier par Closer, de sa liaison avec l'actrice Julie Gayet, en est la preuve la plus récente. Cette affaire, à la veille de sa conférence de presse, a mis la presse en émoi. Car si un sondage Ifop, réalisé les 10 et 11 janvier pour Le Journal du Dimanche, indiquait que pour 77% des Français, il s'agit d'une «affaire privée qui ne concerne que François Hollande» et laissait penser que les Français se désintéressent du sujet, les ventes du magazine people Closer ont bel et bien explosé. La diffusion payée de l'hebdomadaire est en passe de doubler à 700 000 exemplaires tandis que la fréquentation du site internet (1,4 million de visites le 10 janvier) a augmenté de 800% et ses ventes d'exemplaires numériques ont été multipliées par 8 sur kiosk.com.

La décision de Valérie Trierweiller, compagne de François Hollande, de divulguer l'information de son hospitalisation pour «choc émotionnel» a tendu une perche à la presse d'information, qui a pu se tricoter une légitimation à en parler et transformer cette donnée privée – qui ne devrait pas la concerner – en information d'intérêt général relatif à la fonction de «Première Dame». Libération s'est donc senti tout à fait légitime pour titrer le 14 janvier, matin de la conférence de presse du président, «Première Dame, une affaire de statut» et y consacrer plusieurs pages.

Sans être dupe de la manœuvre politique de Jean-François Copé, le président de l'UMP, le simple fait que le chef de l'opposition ne se soit pas abstenu de tout commentaire et ait considéré au contraire que cette affaire privée est «désastreuse pour l'image de la fonction présidentielle [et de] la France» confirme, pour le sociologue Gérald Bronner, invité à la conférence «Reputation War», que «les digues ont cédé et qu'il n'y a plus de zones d'étanchéité dans cette guerre de la réputation, qui touchent aujourd'hui, tous ceux qui ont une notoriété, les politiques, les experts scientifiques comme les entreprises ou les marques» Et d'ajouter, « débordés par Internet, les journalistes des médias traditionnels qui jouaient, par le passé, le rôle de « gate keeper » contrôlent de moins en moins le flux d'information ».

Innombrables opinions publiques

Blogs, forums, réseaux sociaux, mais aussi commentaires et avis d'internautes. Pour Christophe Ginisty, «l'émergence, puis la généralisation des médias sociaux fait de la foule connectée un média à part entière. Les marques, les organisations, les personnes interagissent aujourd'hui directement au contact de ces foules, qui sont le cœur de l'influence, mais aussi du commerce. Leurs sentiments vont dicter l'adoption ou le rejet d'une proposition et leur puissance virale devenir prépondérante dans la gestion de la réputation, forçant les marques, les entreprises, les organisations et les personnalités à adopter des comportements plus responsables et prudents.»

Ainsi, le thème générique de la conférence invite à comprendre l'importance croissante de ces phénomènes de foules sur Internet dans la gestion de la réputation. «Foules» au pluriel, car la notion d'opinion publique qui formerait une sorte de bloc compact et cohérent n'a plus grand sens. Internet et les médias sociaux ont permis aux cibles de se segmenter et de se retrouver entre elles sur des espaces spécifiques. Il y a des opinions publiques innombrables qui interagissent avec les marques, les entreprises et les personnalités en fonction de leurs centres d'intérêt. «Sentimentales», pour mettre l'accent sur le fait que les publics réagissent de plus en plus en plus au gré d'émotions qui prennent le dessus sur les informations qu'ils reçoivent.

«Les sentiments des foules vont être les inspirateurs, les guides et les baromètres des campagnes menées, affirme l'ancien conseiller Internet de François Bayrou durant la présidentielle 2007. Ce sont également ces sentiments qui vont conditionner l'ampleur des crises lorsque celles-ci surviendront.» «L'enjeu est tel, à la croisée de nombreux métiers, que rien ne dit que ce sont les RP qui vont conserver cette gestion des opinions, poursuit Christophe Ginisty. Les directions du marketing comme les directions commerciales ou des services aux consommateurs sont sur les rangs et rien n'est arbitré à ce stade».

Les croyances des foules, leurs émotions et leur capacité à se regrouper pour faire entendre leur voix, sont les trois axes de la conférence. «Ce n'est pas nouveau le fait que les gens croient, aient des émotions ou se mobilisent, les foules sentimentales existent depuis toujours, rappelle l'organisateur. C'est la dimension “sociale” du partage de l'information et son expression directe qui est le marqueur prépondérant et modifie la relation. Et cela, les RP habitués à travailler avec les médias intermédiaires ne l'avaient pas anticipé!»

L'irruption des parties prenantes

Reputation War donne la parole à de grands annonceurs, à des auteurs et experts internationaux. A cet égard, lors de la séquence «croyances», le ministre égyptien du Tourisme va expliquer comment il tente de restaurer la réputation internationale de son pays dans un contexte de crise politique. Pour que la croyance d'un danger pour les touristes ne se transforme pas en principe de précaution de la part des Etats, qui vont déconseiller les déplacements, et avoir pour effet que les assurances ne prendront plus en charge le tourisme de groupe, en berne actuellement en Egypte.

Pour sa part, Eric Walter, secrétaire général de la Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), structure stigmatisée par les internautes, a mis en place une stratégie pour gérer sa réputation personnelle (compte Twitter, prise de position sur des sujets sociétaux…) et s'extraire de cette image de «Dark Vador de l'Internet». Le rugbyman Philippe Spanghero, fondateur de Team one, expliquera comment il a utilisé son compte Twitter pour restaurer l'honorabilité de sa famille, qui a vendu il y a vingt ans l'entreprise accusée en 2013 d'avoir utilisé de la viande de cheval en lieu et place de celle de bœuf, dans des plats préparés. Grace à son réseau de twittos sportifs, l'information a fini par remonter dans les médias.

Dans la séquence «émotions», Total, SFR et Oasis présenteront leur stratégie pour gérer le lien émotionnel avec les parties prenantes. Denis Pingaud, auteur de L'Homme sans com' (éditions du Seuil, 2013), soulignera l'importance du «storytelling» pour créer de l'attachement en dehors de toute manipulation de l'opinion.

Concernant la séquence «activisme», Robert Phillips, ex-CEO d'Edelman EMEA et fondateur de Jericho Chambers, hostile à tous les artifices de communication, insistera sur la nécessité de développer la confiance pour asseoir une réputation. Paul Hilder, vice-président de Change.org, rappellera le poids du fait pétitionnaire à l'ère d'Internet, convaincu que la participation peut rénover la démocratie et les marchés. Adrien Sergent, initiateur du mouvement Les Poussins (auto-entrepreneurs), livrera son retour d'expérience à l'instar d'Audrey Bourolleau, de l'association Vin & Société, qui, en utilisant exclusivement les logiques de mobilisation sur les réseaux sociaux, en lieu et place d'un lobbying direct et classique, a fait reculer le gouvernement.

Pour Christophe Ginisty, comme pour bon nombre d'experts en communication corporate, se profile une démocratie inspirée par ce que disent les parties prenantes, ou comme le défendent certains, tels Benoît Viala, patron du pôle influence chez Havas Paris, et Benoît Thieulin, président de La Netscouade, l'idée que l'avenir est à la coconstruction. Tout en restant vigilant pour ne pas tomber dans les travers d'une démocratie de l'opinion ou d'une instrumentalisation non avouée des parties prenantes. La réputation, c'est la confiance!

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