Le fait d'être d'origine française est-il un atout pour un produit, une marque, une entreprise ou encore une institution ? Oui, sans doute, selon l'étude « France Forward » de BETC. Mais il y aurait encore tant à faire...

A l'heure où l'on ne parle que de la défense du «made in France», le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg en tête, l'image de notre pays est-elle toujours aussi attractive et, surtout, fait-elle vendre? En la matière, mieux vaut semble-t-il se méfier de ses plus proches amis. Selon une typologie établie par une récente enquête «France Forward» menée par BETC dans dix pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Turquie, Etats-Unis, Australie, Inde, Chine, Mexique, Brésil) auprès de plus de 10 000 personnes, parmi les «sceptiques», ceux qui jugent la France enfermée dans le passé, on retrouve l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Australie.

Mais la France peut compter, selon Marianne Hurstel et Pietro Cirsone, responsables du planning stratégique de l'agence et auteurs de l'étude, sur les Chinois, les Indiens et les Mexicains constituant le groupe des «enthousiastes» mais aussi, dans une moindre mesure, sur les Brésiliens et les Turcs, qualifiés de «fans to handle with care».

Sans surprise, les points forts de la France sont les secteurs de la beauté, du raffinement et du design. Plus intéressant, l'Hexagone est jugée porteur d'un business model centré sur l'humain, peu lié au monde de la finance et respectueux du travail et des cultures étrangères. «La France est perçue comme un modèle qui valorise le travail des collaborateurs. C'est un vrai atout pour séduire les pays émergents», souligne Marianne Hurstel.

Silicon Paris

La puissance culturelle de la France est également reconnue à l'unanimité et repose sur sa capacité à influencer la culture mondiale contemporaine. «La France devrait jouer davantage cette carte-là et passer du mode “culture by the way” à “culture first”», selon Pietro Cirsone, qui estime pourtant que la France renvoie l'image d'un pays qui ne casse pas suffisamment les codes établis. «Si certaines marques, comme Jean Paul Gaultier, savent miser sur une créativité disruptive, la France se doit d'être davantage dans le dynamisme que dans la nostalgie. Mieux vaut laisser la dolce vita aux Italiens et miser sur l'aspect Silicon Paris», poursuit-il.

A noter, à ce propos, que 72% des répondants déclarent que le monde des affaires a autant de légitimité que les gouvernements pour participer au changement de société. Ils attendent des entreprises qu'elles aient une vision.

Mais la France n'est pas reconnue pour son sens de l'innovation, alors même qu'elle investit des sommes considérables en R&D. Sans doute car la recherche ne croise pas suffisamment l'application. D'ailleurs, de nombreuses marques positionnées sur le créneau de la technologie, comme Ubisoft, ne mettent pas en avant leur identité française et préfèrent entretenir le doute, de peur que cela ne les desserve. De même, Critéo, la success-story française du digital outre-Atlantique, reste discrète sur son identité.

Qualité française

En matière de qualité, la perception des marques françaises n'est pas non plus toujours excellente. On attend d'elles des gages de réassurance, car elle font un peu pâle figure par rapport à la célèbre «deutsche Qualität» ou à l'«American know how». Seule exception: l'industrie du luxe et son «savoir-faire».

«Nous accompagnons beaucoup de marques dans le secteur de la mode et du luxe, et clairement, le fait d'afficher son appartenance française sur ces sujets est un plus. Par exemple, la marque de vêtements Rudsak a été très séduite par le fait que nous travaillons déjà avec Zadig & Voltaire. C'est presque un sésame», avoue Pierre Laromiguière, à la tête d'Armstrong, une agence digitale.

«Nous sommes présents à Montréal et à New York. Notre nom n'est pas spécifiquement français. Initialement, nous nous appelions Baobaz. Puis j'ai pris un associé américain et nous avons changé notre nom», explique-t-il.

Laurent Darrigrand, à la tête d'une structure qui fabrique des gants de golf, confirme que le savoir-faire français est une vitrine: «Je reviens du salon du golf à Orlando, où le fait d'être français est clairement un gage de notoriété, de style mais aussi de qualité.» Il reconnaît avoir fait des essais avec différents façonniers étrangers, mais s'être finalement reporté sur la maison Favre, à la qualité irréprochable. «J'ai pu constater que la France est très attendue sur le haut de gamme», conclut-il. Les préjugés ont la vie dure!

 

Sous-papier

 

Le «made in» fait-il vendre?

 

Une enquête réalisée par Future Brand, agence-conseil en stratégie et création de marque, s'est intéressée à la renommée des différents pays auprès de consommateurs du monde entier. Verdict: ce sont les Etats-Unis qui jouissent de la meilleure réputation internationale en tant que pays d'origine juste devant... la France. «L'image de la France à l'étranger n'a pas beaucoup évolué ces dernières années. Pour autant, je ne suis pas sûr qu'elle soit aussi flamboyante que par le passé. Si certaines entreprises françaises fonctionnent, c'est parce qu'elles incarnent un savoir-faire, pas pour des raisons de drapeau», estime pourtant Brice Auckenthaler, expert en stratégie de marque.

A ses yeux, certaines marques américaines, comme McDo, ne savent pas quoi faire pour faire oublier leur origine, se fondre dans le décor et se faire adopter. Un talent marketing qui, selon lui, explique que le rapport «Made In» de Future Brand ait remis la palme du «pays d'origine» jouissant de la meilleure réputation à l'échelle mondiale aux produits américains.

Selon le classement Future Brand, la France fait partie des cinq pays les plus choisis par les consommateurs dans toutes les catégories de produits, et se distingue notamment sur les produits de soins et beauté, sur l'alimentation et le luxe.

L'étude souligne à quel point l'«origine» d'un produit influe de manière importante et inconsciente sur les choix des consommateurs. Serge Mouangue, responsable de la stratégie de la marque Renault, confirme: «Nous faisons des tests à l'aveugle pour identifier l'origine d'un véhicule. Les gens ne sont pas en mesure de la déterminer. En revanche, leur avis est influencé quand ils savent où a été fabriqué le produit.» A ses yeux, «la francité» est un atout majeur dans de nombreux pays et Renault joue volontiers cette carte-là. «En matière de qualité, nous privilégions les valeurs de chaleur, de sensualité et de dynamisme pour générer des émotions inédites, loin de toute austérité», explique-t-il.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.