E-commerce
Inauguré en avril dernier dans les Hauts-de-Seine, Qwartz est le dernier-né des centres commerciaux. Totalement connecté, il ambitionne de réconcilier vente en ligne et commerce physique.

Avec Qwartz, Alain Taravella espère avoir la bonne formule. Celle qui résistera à la vague du e-commerce. Début avril, le président-fondateur d’Altarea-Cogedim a inauguré ce centre commercial dernier cri à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). « Nous y avons associé le commerce numérique au commerce physique », explique celui qui, à la surprise générale, avait racheté le site Rueducommerce. com en 2012.
Situé sur les bords de Seine, près de Saint-Ouen, cet ensemble commercial de 165 boutiques formalise la vision cross-canal défendue par Altarea-Cogedim. Et pas seulement grâce à son accès gratuit au WiFi. « C’est le premier centre commercial régional connecté », répète à l’envi le président d’Altarea-Cogedim.


Parcours numérique


Le promoteur de centres commerciaux a sollicité plusieurs agences pour faire entrer le numérique dans ce temple de la consommation qui s’étend sur 86 000 mètres carrés. Fullsix, agence digitale qui travaille depuis 2011 avec Altarea-Cogedim, a développé un « parcours numérique interactif et ludique » et créé sa page Facebook 3 mois avant l’inauguration. Les équipes d’Altarea-Cogedim ont travaillé aussi avec Le Cube, centre de création numérique, situé à Issy-les-Moulineaux et dirigé par Nils Aziosmanoff. « C’est un précurseur du numérique. Il accompagne les entreprises et les collectivités dans leur approche digitale. Il nous a beaucoup apporté au sujet de la gamification du shopping. Et il nous a permis d’accéder aux bons interlocuteurs, de donner du sens à notre approche », ajoute Blandine Charveriat-Louis, directrice marketing d’Altarea-Cogedim. Enfin, Raymond Interactive, agence spécialisée dans la digitalisation des points de vente de Saguez & Partners, est intervenue pour concevoir des animations 3D. Car le numérique est, ici, utilisé pour compléter l’offre de magasins, apporter une batterie de services et animer le mail central. « Grâce au Net, il s’agit de pouvoir élaborer une offre commerciale complémentaire », explique d’abord Blandine Charveriat-Louis. Le promoteur a loué ses surfaces aux plus grands noms des enseignes de distribution physique.


Parmi la quinzaine de grandes enseignes figurent Carrefour (lire encadré), avec un nouveau concept d’hypermarché, Primark, le trublion irlandais de la mode discount, Marks & Spencer, de retour en France, Kiabi et Sephora. Ces poids lourds doivent attirer un client au profil populaire issu d’une zone de chalandise d’un million d’habitants. Le centre commercial les guidera grâce au service de géolocalisation embarqué sur l’application Qwartz, à télécharger sur son smartphone. En complément, le promoteur a créé une cité du e-commerce. Géré par Rueducommerce. com, cet espace rassemble huit bornes pour acheter en ligne ce que le centre commercial ne propose pas.


Lors de l’inauguration, Alice Délice, chaîne de produits culinaires, et Made. com, spécialiste du meuble design fabriqué sur commande groupée en Asie, ont ouvert le bal. Les sites y louent une borne comme une marque louerait un pop-up store. D’aucuns raillent cet aveu d’impuissance d’un centre commercial face au boom de la vente en ligne. « À quoi bon inciter à surfer debout devant une borne quand on peut le faire tranquillement dans son canapé ? Je ne comprends pas », observe une business-angel de la Net Economie. Et à quoi bon faire venir un client en centre commercial pour le connecter ? oserait-on. « De toute façon, le client vient avec sa tablette ou son smartphone. La tendance à la showroomisation est déjà prégnante. Il nous faut cette offre complémentaire », répond Blandine Charveriat-Louis. Pour le reste, la révolution numérique s’exprime dans la plupart des animations installées dans le mall.


Place aux écrans tactiles


Qwartz est un immense terrain de jeux et de loisirs interactifs. Exit les manèges et tourniquets pour enfants. Place aux écrans tactiles et aux mega jeux électroniques. Adolescents et adultes ont aussi droit à leur lot de jeux. Sur un Digital Graf, des artistes créent leurs graffitis sur un écran tactile. Le Social Wall retransmet en direct toutes les actualités du centre commercial et les posts des visiteurs publiés sur Facebook. « Cette révolution numérique n’est pas seulement une révolution technoscientifique, c’est aussi une révolution sociale, culturelle et humaine », analyse Nils Aziosmanoff, président du Cube. Les plus geeks des visiteurs pourront aussi contribuer à la création d’un lustre monumental. Il sera composé d’objets imprimés sur place en 3D, sous la surveillance d’un médiateur tous les mercredis, vendredis, samedis et durant les vacances scolaires. S’y ajoutent les œuvres d’artistes, dont les papiers découpés poétiques de Camille Scherrer. « Le client d’un centre commercial a besoin d’être surpris. Toutes les populations y trouvent leur compte : les 8-15 ans, avec des jeux interactifs uniques, ou les parents, avec un service de groom pour porter leurs achats. Car il faut les faire venir et leur donner envie de revenir », explique Blandine Charveriat-Louis.


Altarea-Cogedim n’est pas le seul promoteur à multiplier les animations dans ses centres commerciaux. Ses concurrents, Unibail-Rodamco et la Ségécé en font autant. Le premier accueille les castings du concours de l’agence de mannequins Elite Model Look et accorde des labels Quatre Étoiles à ses centres les plus haut de gamme. La Ségécé fait aussi dans le ludo-numérique. En mars, le gestionnaire a installé des totems digitaux pour essayer virtuellement la dernière collection de vêtements Carrefour.


Le marché exige que les centres commerciaux multiplient les animations pour redevenir plus attractifs. Car le e-commerce leur fait de l’ombre. La vente en ligne devrait atteindre 57,5 milliards d’euros en 2014. Et la fréquentation des centres commerciaux s’érode depuis plusieurs années en France, d’après les chiffres du Conseil national des centres commerciaux. L’enjeu est de taille pour Altarea. Le promoteur et son partenaire, le fond Orion Capital Managers ont investi 300 millions d’euros. Le centre doit atteindre 300 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici deux à trois ans.

 

Focus : Le show 2.0 de Carrefour

Carrefour s’est doté d’un nouveau concept de magasin dans le centre Qwartz. « Nous l’avons voulu chaleureux et féminin », déclare Éric Bourgeois, directeur exécutif des hypermarchés Carrefour. Conçu par l’équipe de Baya Haber, responsable de l’identité des hypermarchés, avec l’agence Stories Design, l’aménagement reprend les recettes des stars de la distribution, comme Whole Food. Carrefour s’en est inspiré pour sa « halle » de produits frais. Le distributeur teste aussi plusieurs innovations numériques. « Avec le digital, nous avons réinventé la shopping experience. Le digital permet d’informer, d’orienter et de renseigner le client », détaille Éric Bourgeois. Le magasin a imaginé une application pour smartphone. Baptisée C Où, elle offre au client de dresser sa liste de courses à domicile. Les produits sont ensuite géolocalisés en rayon grâce à la la technologie NFC (Near Field Communication) embarquée sur des étiquettes électroniques. Le client n’a plus qu’à se laisser guider pour les trouver.

 

Toujours pour faciliter le repérage dans les 11 000 mètres carrés de ce magasin, l’enseigne a multiplié les écrans digitaux tactiles. Enfin, dans le rayon mode, un miroir interactif est censé faciliter l’essayage : après avoir enfilé un article, le client peut se faire filmer et se regarder sous toutes les coutures. Quitte ensuite à partager ce film sur Facebook.
Que faut-il en penser ? « Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. C’est un peu a minima », raille un spécialiste de l’économie numérique. Selon nos informations, Carrefour aurait revu à la baisse ses ambitions dans l’expérimentation de nouvelles technologies. Pour des raisons de coût et de retour sur investissement, rapporte un proche de l’enseigne. Quelle sera la suite dans les 235 magasins français que l’enseigne doit relancer ? « C’est un test », répond un porte-parole.

 

Article paru dans le supplément Shopper Marketing en juin 2014

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.