Anticiper les besoins des consommateurs, analyser leurs parcours, les conseiller de manière personnalisée… Pour les marques, c’est une question de survie, selon Thomas Coustenoble, responsable de l’activité Smarter Commerce d’IBM, désormais très actif dans le domaine du retail.

Après quinze ans passés chez IBM en France et aux États-Unis à commercialiser des solutions de cloud computing et mobiles, Thomas Coustenoble a pris en février 2014 la direction France de Smarter Commerce. Même si IBM ne donne pas le chiffre d’affaires de cette activité, tout porte à croire qu’elle revêt une importance capitale pour la multinationale américaine. Cette dernière vient en effet d’annoncer un investissement de 100 millions de dollars dans dix laboratoires autour du monde pour développer de nouvelles offres dans le domaine du marketing numérique et de l’expérience client. Lancée en 2011, l’activité Smarter Commerce regroupe l’ensemble des logiciels et services IBM destinés à placer le client au cœur des décisions et actions de l’entreprise. L’offre porte sur les différents canaux de vente, du magasin physique à l’Internet fixe et mobile. Elle prend en compte les points de contact avec le client – sites marchands, réseaux sociaux –, mais aussi les fonctions et services de l’entreprise – achats, chaîne logistique, marketing, vente et SAV.


Quels sont les enjeux du big data pour les commerçants ?

Thomas Coustenoble. Chaque jour, l’ensemble des activités humaines génère une masse énorme de données provenant d’une grande variété de sources internes et externes. Ce big data procure aux entreprises un avantage compétitif décisif, pour peu qu’elles disposent d’outils pour analyser et exploiter ces données et qu’elles prennent ensuite les bonnes décisions. C’est un enjeu crucial car les consommateurs connectés en permanence manifestent des exigences croissantes, notamment en matière d’information. Et ils en savent parfois plus que les vendeurs.


S’achemine-t-on vers une vision à 360° du client ?

T.C. Les entreprises en rêvent, mais c’est compliqué car il faut agréger de multiples sources de données et le client est devenu plus imprévisible. L’idéal est de pouvoir intégrer l’historique des consommateurs et leur comportement en temps réel à ce que nous appelons les systèmes d’engagement. À savoir, les réseaux sociaux, blogs, où les mêmes individus expriment des opinions ou attentes sur des sujets qui intéressent les marques. Mais la vision à 360° du client ne suffit pas, il faut pouvoir ensuite dialoguer avec lui en temps réel, en contexte et de façon personnalisée, tout au long du processus d’achat. Ceci afin de proposer une expérience unique qui conduira à renforcer sa fidélité, quel que soit le canal de vente.


Quels sont les autres enjeux de la relation commerciale à l’ère du big data ?

T.C. Pour le client, l’élément principal est la bonne affaire. Très informé, il est très sensible au «meilleur prix» mais aussi à la disponibilité d’un article ou au partage d’un moment unique avec la marque. On parle d’expérience client unique. D’où la nécessité de mieux comprendre les besoins individuels des consommateurs et de renforcer les liens avec eux. Pour les réseaux de distribution, l’objectif est toujours d’augmenter le chiffre d’affaires grâce à des campagnes ciblées et une chaîne logistique optimisée.


Peut-on aller plus loin ?

T.C. Le véritable enjeu consiste à passer d’un mode réactif à un mode prédictif voire prescriptif. Cela consiste à anticiper les besoins des clients et également à les conseiller en temps réel en fonction des stocks, des promotions, du parcours en magasin ou encore du panier sauvegardé sur le site de la marque. C’est ainsi que nous avons accompagné Center Parcs dans sa recherche d’amélioration du taux d’occupation. Le projet s’est appuyé sur l’analyse de la fréquentation des parcs et des données exogènes en temps réel, comme la météo. La solution IBM a permis de mieux segmenter les profils des clients et de mieux cibler les campagnes marketing. En proposant à chaque cible l’offre qui lui convient, Center Parcs réduit de 50 % ses coûts marketing et accroît le taux d’occupation de ses cottages, pour atteindre 90 % là où la moyenne atteint 65 %.


Quels sont pour les marques les autres défis à relever ?

T.C. L’autre défi consiste à assurer la fluidité de la relation commerciale dans un contexte multicanal. Il s’agit d’accompagner le consommateur dans un processus d’achat de plus en plus complexe qui peut commencer sur Internet, se poursuivre par une conversation avec le centre de relation clients de la marque et s’achever en magasin ou vice-versa. Dans le secteur automobile, les constructeurs ont identifié une douzaine de moments clés dans l’élaboration de la relation, dont la recherche d’informations sur la Toile, l’essai chez le concessionnaire, la signature du contrat de vente ou la révision annuelle. Le Smarter Commerce consiste justement à optimiser chacun de ces moments, tout en s’assurant de la cohérence du parcours client entre les divers canaux et en adaptant l’entreprise à cette nouvelle donne du big data et de l’instantanéité : au niveau des achats, de la logistique, du marketing ou de la vente.


Les smartphones changent-ils la donne ?

T.C. Le mobile capte et émet de la donnée. Il permet au consommateur de donner son avis, de comparer les offres en temps réel et peut être consulté depuis le magasin. C’est un outil d’aide à la décision et, de plus en plus, d’aide à l’achat. Pour le commerçant, c’est à la fois une opportunité pour communiquer avec le client, lorsque cette mise en relation a été autorisée et une menace s’il ne fait rien. Ainsi des applications mobiles permettent déjà de photographier un produit en magasin et de l’acheter sur le site e-commerce d’un concurrent.


Que propose IBM pour améliorer la communication sur le point de vente ?

T.C. Les solutions telles qu’IBM Presence Zones permettent de mieux comprendre le parcours des consommateurs pour ensuite déclencher une action adaptée : un SMS avec un code promo, une alerte au vendeur pour qu’il puisse proposer une offre d’essai, une recommandation au responsable du magasin pour augmenter le nombre de vendeurs en cas de forte affluence. IBM Presence Zones identifie automatiquement la présence de mobiles allumés, comptabilise le nombre de clients qui entrent dans le magasin et les suit dans les rayons grâce à des capteurs reliés au WiFi. Presence Zones propose aussi aux visiteurs de s’identifier à l’entrée pour bénéficier d’avantages spécifiques. Tablette numérique en main, les vendeurs pourraient alors accéder à l’historique d’achat de ces visiteurs et faire des offres personnalisées. Finalement, le magasin 2.0 se recentre sur le client, tout en lui laissant le contrôle de ses données personnelles et le choix de participer ou non aux opérations.


Qu’en est-il du logiciel d’intelligence artificielle Watson ?

T.C. Ce logiciel d’IBM a la particularité de répondre aux questions formulées en langage naturel, à l’écrit comme à l’oral, grâce à une synthèse vocale. Dans l’une de ses déclinaisons commerciales, baptisée IBM Watson Engagement Advisor disponible en mode cloud, ce logiciel apportera des réponses au consommateur en puisant tant dans le big data que dans les bases de données des entreprises utilisatrices du service. Ses capacités d’auto-apprentissage et d’adaptation vont transformer la relation commerciale, puisqu’il s’agit d’accompagner les clients tout au long du processus d’achat en répondant plus vite à leurs requêtes, et ce du domicile au point de vente. Watson sera proposé à terme sous forme d’une application téléchargeable sur ordinateur ou mobile. A ce jour, il n’est disponible qu’en anglais mais fait déjà l’objet de tests au Canada, en Australie et au Royaume-Uni.

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