Ils ont l’art de mettre en scène les valeurs d’une marque en boutique ou en supermarché. Fins connaisseurs du client, ils évoluent entre recherche créative et objectifs de ventes. Zoom sur les approches et les méthodes de travail de quatre acteurs majeurs du marché.

Article initialement publié en juin 2014 dans le supplément Stratégies «Shopper Marketing».

 

Jean Nouvel pour la boutique H & M des Champs-Élysées, Jean-Michel Wilmotte pour le Free Center situé dans le 8e arrondissement de Paris… Certaines enseignes choisissent parfois des architectes stars pour réaliser leurs points de vente. Dans le cas de H & M, cette décision a été prise de manière très pragmatique. La marque n’aurait pas, sans ce précieux sésame, obtenu l’autorisation de s’implanter sur la plus prestigieuse et célèbre avenue de Paris. « Le geste de l’architecte peut être intéressant dans l’histoire qu’une marque a à raconter, constate Bertrand Chovet, managing director de l’agence Interbrand. Mais cela doit rester un élément dans une stratégie plus globale. D’ailleurs, dans le luxe, il est fait peu de publicité sur les architectes qui réalisent certaines boutiques, car au final, c’est la marque – Prada, Vuitton… – qui prime. »

 

Et Guillaume Gozé, brand consulting director de l’entité Des faits des actes chez Saguez & Partners Stratégies, d’ajouter : « Dans certains cas, cela s’apparente à du cobranding dans le cadre duquel la marque peut espérer gagner en valeur, mais c’est loin d’être suffisant. »Plus radical, Jean-Pierre Lefebvre, président d’AKDV, considère que le fonds de commerce d’un architecte star étant son style, la marque qui fait appel à lui sous-traite, en quelque sorte, son image : « Pourtant, le rôle d’un dirigeant de marque est d’être le révélateur et le défenseur de son identité. » Le rôle des agences d’architecture/design commercial consistant avant tout à développer le chiffre d’affaires des réseaux physiques de leurs clients, comment appréhendent-elles leur mission à l’aune d’une concurrence multicanal en plein développement ?


« Si le commerce électronique rencontre un tel succès, c’est qu’il a placé le client au cœur de son système, rappelle Bertrand Chovet. Et grâce à la création d’outils spécifiques, il est désormais possible de connaître les désirs du client et d’y répondre le mieux possible. Mais attention ! Dans le relationnel client, le virtuel n’est pas omniscient. Le commerce physique reste prépondérant par rapport au vécu et à l’expérience du client. » Au cours des quinze dernières années, le succès des boutiques Nespresso, puis du concept Apple Store, a révolutionné l’approche client. Leur secret ? Une obsession pour l’expérience client.
Toutefois, le magasin demeure un des éléments de la marque parmi tant d’autres. « Si la marque est mal gérée à d’autres niveaux, même si elle possède le plus beau concept de magasin qui soit au monde, le succès ne sera pas au rendez-vous », constate Stéphanie Fouchet, client service director d’Interbrand. « Si le produit est totalement nul, le plus beau point de vente du monde ne servira à rien. In fine, le client ne reviendra pas », confirme Guillaume Gozé.

 

1. AKDV, une méthode de travail créative et rationnelle

Créée en 2001 par Jean-Pierre Lefebvre et François Hannebicque, AKDV est un pure-player de l’architecture commerciale, «une entreprise au service des entreprises », explique Jean-Pierre Lefebvre, son président. Car la création, c’est surtout une méthode de travail. Réunissant cinq compétences différentes afin de mener à bien les différents projets, du planning stratégique en passant par les architectes, les créatifs, la réalisation et le déploiement du concept, la structure revendique le travail en équipe, en interne. objectif : réunir les différents savoir-faire dès l’origine d’un projet, et avec ses clients, afin d’appréhender en profondeur toutes les spécificités d’une marque. « Une approche rationnelle basée sur la matrice AKDV nous permet en permanence d’évaluer nos créations : le A signifiant attribution ou comment le client identifie la marque ; le K pour know-how ou quelle est la perception de la valeur ajoutée et du professionnalisme de la marque ; le D pour différence ou mise en œuvre des signes distinctifs de la marque et le V pour valeurs, c’est-à-dire les principes fondateurs de la marque. »


2. Malherbe Design : l'expérience client au cœur du projet

Depuis 20 ans, cette agence spécialisée dans la création de nouveaux concepts de magasins, à la fois dans l’univers du luxe et du mass market, se concentre sur les comportements du client. Face à la redoutable concurrence du digital, le point de vente contemporain doit impérativement offrir une expérience originale selon des règles précises de mise en scène, de services et d’expertise. « En 20 ans, notre société est devenue plus hédoniste, féminine et sensible, déclare Hubert de Malherbe, président de Malherbe Design. Il est donc impérieux de convertir ces instants de shopping en véritables moments de plaisir. Cela passe par l’humour, la convivialité ou encore la douceur que peut incarner le lieu de vente. Il ne faut pas négliger non plus l’abondance, qui peut-être régressive. Pour cela, notre métier requiert une multitude de compétences allant du graphisme au design en passant par le merchandising, mais également l’éclairage ou encore le réglementaire. »

 

3. Interbrand : la stratégie de marque en lien direct avec la stratégie business

« Les réseaux commerciaux nécessitent des investissements importants et pérennes, d’où l’obligation d’obtenir des résultats élevés », constate Bertrand Chovet, managing director d’Interbrand. Dans ce contexte, la mission de l’agence repose sur une compréhension particulièrement fine de la définition des enjeux de ses clients.  Cette partie analytique est fondamentale pour appréhender la valeur de la marque qui ne se situe pas uniquement dans un contexte marketing et communication, mais qui doit être également envisagée au niveau financier, ressources humaines, ventes, distribution, RSE et R & D. « Cette démarche est certes plus complexe, mais elle est porteuse de valeur à plus long terme, poursuit Bertrand Chovet. Cette compréhension des enjeux rationnels et créatifs entre la marque et ses clients nous permet de travailler en profondeur les différents aspects du parcours client, selon une méthodologie en trois temps : comment on attire le client ? Comment on l’engage ? Comment on l’attache ? »

 

4. Saguez & Partners : révélateur de marque

« Nous assistons à une radicalisation du choix du consommateur et à son besoin d’expérience », explique Guillaume Gozé, brand consulting director de Des faits des actes, entité du pôle Stratégies du groupe Saguez & Partners. Une marque doit donc exprimer un point de vue et trouver ses preuves d’incarnation dans son espace marchand, que ce soit au niveau du service, du merchandising ou du parcours client. « Nous utilisons une approche quasi scientifique du consommateur, car chaque format de point de vente doit avoir un rôle spécifique vis-à-vis de celui-ci, tout en véhiculant la même idée de la marque sur l’ensemble du réseau commercial. Notre méthode mêle en permanence trois éléments fondamentaux : la marque, les enjeux et l’exploitation », poursuit-il. Pour qu’au final, comme le précise Boris Gentine, creative director chez Saguez & Partners Identités : « Le point de vente raconte une histoire au consommateur. En cela, nous sommes devenus des créateurs, des designers d’expérience ».

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.