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Supplément Event. Les conférences TED ont gagné la France et font des émules dans le monde de l’entreprise. Véritables shows à l’américaine, elles explorent le futur à guichets fermés, selon une méthodologie maison demandant des heures de répétition.

Le show commence sur le mode de la conversation « de vous à moi ». L’intervenant, seul en scène, convoque ses rêves d’enfants ou les maximes pleines de bon sens d’un aïeul regretté. Mais attention aux apparences. Derrière la facilité de langage affichée, les sujets abordés sont pointus : « Faut-il craindre une cyber-guerre ? », « Les nanoparticules contre le cancer », « Plaidoyer pour l’altruisme », « La quête des exoplanètes »… L’incroyable diversité des thèmes visités, c’est la force des TED talks. « Notre matière première, ce sont les idées qui feront le monde de demain, quel que soit le domaine, explique Bruno Giussani, coordinateur Europe du programme TED.


Aux États-Unis, la célèbre conférence réunit une fois l’an, durant 5 jours, 1 200 personnes. Chacune débourse 8 500 dollars pour assister à ce show qui déploie son acronyme en trois lettres dans le monde entier avec la rigueur d’une grande marque. TED, pour « technology, entertainement et design », est pourtant régi par une fondation à but non lucratif, dont l’objectif est de diffuser le savoir et la connaissance au plus grand nombre. D’où son slogan : « Ideas worth spreading » (des idées à partager).

 

Lire : le supplément Event de Stratégies


Inventé en 1984 par l’architecte américain Richard Saul Wuman, l’événement a été repris en 2002 par Chris Anderson. L’ancien rédacteur en chef deWired croit en la puissance des idées pour changer le monde. Il démultiplie la portée des conférences en les diffusant sur le Web.
En France, la conférence TEDx Paris affiche toujours complet quelques heures à peine après la mise en vente sur le Web de ses 1 800 places. Et ce malgré un ticket d’entrée de 200 euros et un programme d’interventions tenu secret jusqu’au dernier moment.


Un sujet, une histoire

Elle a été importée, en 2009, par Michel Lévy-Provençal, un passionné de technologie, cofondateur de Rue 89, ancien directeur de l’activité digitale de France 24 et créateur, en 2010, de Joshfire, une agence spécialisée dans les objets connectés. La recette du succès est la même quel que soit le pays : un sujet de portée universelle ; une histoire racontée debout face au public de façon très personnelle dans une pénombre intimiste ; un intervenant qui fait défiler des images sur un écran se détachant en arrière-plan d’une scène au fond noir et une limite de temps qui dynamise la présentation et correspond aux capacités réelles d’attention d’un individu : 12 minutes en moyenne, 18 minutes au maximum.


« La notoriété de TED a explosé en 2006, avec la mise en ligne des vidéos des interventions, témoigne Bruno Giussani. Nous avons alors été énormément sollicités pour multiplier les conférences, ce qui était matériellement impossible pour notre petite fondation. » D’où la décision, prise en 2009, d’accorder une licence gratuite à tous ceux qui voudraient organiser une conférence similaire dans leur ville. Les événements TEDx étaient nés, le x signifiant « independantly organized TED event ». « Il existe deux types de licence, explique Vincent Viala, l’un des trois fondateurs de TEDx Toulouse. Une licence de néophyte qui permet d’accueillir un maximum de 100 participants à la conférence et une autre qui permet de recevoir plus de 100 personnes. Il faut pour cela que l’organisateur ait assisté à une conférence TED officielle. À Toulouse, nous sommes passés par les deux étapes. » Seul principe intangible, valable pour tous : les TEDx ne doivent pas durer plus d’une journée. Quant aux organisateurs, ils doivent être bénévoles et orchestrer l’événement dans un but non lucratif.

 
Vivre des émotions en live

Le recours au sponsoring est néanmoins possible et recommandé. Soit pour obtenir une aide technique – France 24 puis Canal + ont ainsi participé à la captation des talks de TEDx Paris –, soit pour décrocher une aide financière directe. « Dans le cas de la « petite » licence, la somme apportée par l’ensemble des sponsors ne doit pas dépasser 10 000 dollars. Dans le cas de la « grande », chaque sponsor peut abonder jusqu’à 20 000 dollars », détaille Bruno Giussani. Le billet d’entrée vient utilement compléter le budget de l’événement. « Les gens payent pour assister à un événement qui leur fait vivre des émotions en live, et leur donne accès à un véritable réseau lors d’une pause cocktail. Dans nos conférences, les personnes qui se trouvent dans la salle sont au moins aussi importantes que celles qui sont sur la scène », précise Michel Lévy-Provençal. S’il n’est pas obligatoire, le coaching des intervenants est fortement recommandé par TED. « Cette apparence de naturel est très préparée, confirme Michel Lévy-Provençal. On travaille le story-telling, l’écriture, la performance scénique. Soit 5 à 10 répétitions avant de monter sur scène ! »


L’engouement pour les TEDx a dépassé de loin les prévisions de la fondation américaine : plus de 10 500 conférences organisées dans le monde depuis 2009. En France, ce ne sont pas moins de 30 événements TEDx qui sont programmés pour 2014. Et, bien sûr, à Paris, où le confidentiel TEDx Vaugirard Road coexiste avec TEDx Paris, la plus fréquentée des conférences françaises. Si une amorce de réseau tente de s’organiser – notamment via le site TedxenFrance.com qui recense les événements hexagonaux –, il s’agit bien d’initiatives locales, indépendantes les unes des autres.


La multiplication des TEDx, sur scène et en ligne, a créé un véritable engouement autour du format. Le concours « Ma thèse en 180 secondes », où de jeunes scientifiques présentent leurs recherches de façon accrocheuse ou les « Ernest, 15 minutes pour changer notre vision du monde », un cycle de conférences organisé par l’École normale supérieure, n’en sont que quelques-unes des émanations. Le monde de l’entreprise lui-même est impacté comme l’explique Julien Carette, président d’Havas Event (voir entretien). Les entreprises souhaitent leurs événements à la mode TEDx. « Nous avons été tellement sollicités que nous avons fini par créer Brightness, en 2012, spécialisée dans l’organisation de conférences inspirées de TED », raconte Michel Lévy-Provençal.


Des intervenants coachés

Professionnalisation de l’événement oblige, c’est Brightness qui organise désormais les conférences TEDx Paris et assure le coaching des intervenants qui se voient offrir gratuitement des heures de répétition. L’agence facture à prix coûtant sans faire de bénéfice ; le reste de l’année, elle propose ses services aux entreprises pour trouver des intervenants et monter des événements corporate à la mode TEDx. Brightness a notamment orchestré des manifestations pour HSBC ou le syndicat professionnel des entreprises du médicament (LEEM). Elle a aussi coaché les chefs d’entreprise distingués lors des soirées ONFI – les Objets nouveaux de la France industrielle – organisées depuis un an par le ministère de l’Économie.


Séduites par TED, les entreprises ne sont pas pour autant tentées par la déclinaison de la marque. S’il est possible de décrocher une licence TEDx Corporate, les contraintes sont importantes : l’événement, réservé à l’interne, ne peut pas faire l’objet de promotion. Mieux vaut donc pour une entreprise soutenir un événement TEDx existant. À l’image d’Aegis France ou de BNP Paribas Cardif, partenaires officiels de TEDx Paris, qui mettent ainsi en avant quelques-unes de leurs valeurs : l’innovation, l’ouverture d’esprit, l’écoute et l’échange.

 

Interview Julien Carette, président de Havas Events : « Un format qui séduit »

 

TEDx fait-il école auprès des entreprises ?

Julien Carette. De plus en plus de clients demandent des événements à la mode TED. C’est un format qui séduit, car il rompt avec les présentations interminables et les commentaires
de slides qui avaient cours jusqu’alors.


A-t-il inspiré certains de vos événements ?

J.C. Le Hello Show ! d’Orange 2013 s’en inspire indirectement. S’il ne fait ni dans la sobriété
ni dans les interventions courtes – la prise de parole de Stéphane Richard dure 45 minutes –, on retrouve la patte TED dans le contact plus authentique que le patron cherche à nouer avec
l’assistance. D’une manière plus globale, le format TED nous oblige à nous concentrer sur le contenu, quand on avait tendance à devenir de vrais logisticiens : lumières, technique, camions… Aujourd’hui, nous aidons les entreprises à se focaliser sur le message en évacuant les formules creuses. Nous cherchons de bons speakers qui n’ont pas déjà été vus vingt-cinq fois.


D’autres types d’événements vous influencent-ils ?

J.C. La conférence Lift organisée depuis 2006 à Genève sur les nouvelles technologies plaît en raison de son côté expérimental. On y assiste à de véritables performances, comme l’utilisation en live d’une imprimante 3D. Le festival « South by Southwest », organisé à Austin, et qui mêle musique et digital, est aussi une source d’inspiration pour
nos équipes.

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