Avec la nouvelle génération, appliquer les vieilles recettes ne suffit plus. Même si certains ressorts sont immuables, le marketing doit s'adapter aux digital natives. Explications.

Nutella, LU, Kinder, Hello Kitty et Kiabi pour les 5-6 ans; Adidas, Nike, Nutella, Haribo et Hello Kitty pour les 7-11 ans. Voilà, à en croire les études menées par la société spécialisée Junior City, le classement des marques préférées des enfants en France. Comment un annonceur qui convoite cette tranche d'âge peut-il rejoindre ce palmarès?

 

Première notion à intégrer: il ne doit pas s'adresser uniquement à l'enfant, mais aussi à son entourage. «La cible est double, analyse Anne Doumenc, la fondatrice de Junior City. On parle aux enfants mais aussi aux parents. Elle peut même être triple si l'on prend en compte les grands-parents ou les enseignants. L'annonceur est donc face à un binôme, voire un trinôme.»

 

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Autre notion fondamentale: on ne parle pas à un enfant de 4 ans comme à un préado de 10 ans. «Jusqu'à 6 ou 7 ans, estime Joël Brée, professeur de marketing et coordinateur de l'ouvrage Kid's Marketing (éditions EMS), l'essentiel est de créer de la proximité affective avec l'enfant. À cet âge, ce qui conditionne l'enfant à vouloir consommer les produits d'une marque, c'est son côté sympa, amusant et complice. À partir de 8-9 ans, cet aspect reste important, mais une nouvelle dimension apparaît: petit à petit, l'enfant s'approprie la dimension symbolique des marques. La marque devient un facteur d'intégration et l'aide à trouver sa place au milieu des copains à un âge où le plus terrible, c'est d'être différent.»

Selon cet expert, la catégorie de produit est également déterminante. «L'univers alimentaire génère beaucoup d'anxiété, explique-t-il. Et dans ce contexte il est indispensable de rassurer avant tout les parents.» Les sirops Teisseire ont ainsi imaginé un système de bec verseur qui leur garantit le respect de la dose versée par l'utilisateur. En revanche, dans un domaine comme le textile, l'enfant reste la cible prioritaire. Le veto parental n'intervient qu'au niveau financier, l'achat doit simplement correspondre à une enveloppe budgétaire.

 

Question récurrente, aussi, que celle des mascottes de marque. «Elles restent incontournables pour établir un lien affectif avec l'enfant et créer de la reconnaissance», analyse Joël Brée. Chez les plus petits, notamment, la marque se perçoit davantage au travers d'un personnage que d'un nom ou d'un logo, par exemple l'abeille sur une boîte de céréales.

 

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Faut-il une mascotte à soi ou est-il préférable d'utiliser une licence? «Ce débat sans fin agite tous les colloques marketing, s'amuse Joël Brée. Mais il est difficile de trancher. D'un côté, un Bob L'Éponge ou une Dora L'Exploratrice exercent une séduction immédiate, mais ils ne constituent pas un élément de différenciation. De l'autre, un personnage attribué exclusivement à une marque, comme l'abeille de Miel Pops, nécessite des investissements de départ très importants.» Les marques de distributeurs, notamment, se sont cassé les dents sur ce sujet et peinent, en dehors du couple Rik & Roc chez Auchan, à faire émerger des mascottes pérennes.

 

Entretenir l'engagement

 

Tous ces fondamentaux sont importants à connaître car, comme l'affirme encore Joël Brée, «la psychologie enfantine n'évolue pas. Relisez La Guerre des boutons, vous verrez que les centres d'intérêt, les totems ne sont plus les mêmes, car l'environnement sociétal a changé, mais qu'en revanche les logiques de fonctionnement sont identiques, notamment celles de la valorisation au sein d'un groupe.»

 

Voilà tout le défi du nouveau marketing enfant: prendre en compte, dans la forme, la multiplication des canaux de distribution et la révolution du mode de consommation des médias. C'est le travail entrepris par l'agence Be Angels pour le phénomène de l'année des cours de récré, les fameux bracelets en élastique Cra-Z-Loom commercialisés en France par la société Kanaï Kids.

 

Quelle différence, sur le fond, avec les bons vieux scoubidous? Aucune. Mais sur la forme, les moyens mis en œuvre sont tout autres. «Notre mission, explique Myriam Carville, directrice associée de Be Angels, est de faire durer le plus longtemps possible un type de phénomène qui, en général, a tendance à s'écrouler aussi vite qu'il est apparu.» Et quoi de mieux que les réseaux sociaux pour amplifier le bouche-à-oreille? L'agence a développé un dispositif passant par une page Facebook, un relais sur Twitter, la mise en place d'un site-blog et des vidéos sous forme de «tutos» (tutoriels) sur You Tube pour entretenir l'engagement et créer une communauté sur la cible des 6-13 ans.

 

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Autre problématique pour la marque Maped, dont l'objectif est de bâtir à long terme une relation directe avec les mamans, jugées plus réceptives que leurs enfants à la spécificité des produits scolaires. En termes de moyens, le digital est là aussi mis à contribution. «À côté d'un dispositif assez classique en télévision pour profiter de la saisonnalité marquée de nos ventes, nous avons eu l'idée de créer une communauté qui s'intéresse aux usages de nos produits et qui partage avec nous ses expériences», explique Bernard Roux de Bézieux, directeur marketing de Maped. A l'initiative de cette stratégie, l'agence MNSTR de Lionel Curt a mis en place à destination de ces «digitals mums» un dispositif agrégeant, sur une plate-forme dévolue à la créativité, des contenus développés sur Facebook et Pinterest. Le mois dernier, pour la rentrée, Maped a ainsi organisé sur Facebook un concours au travers duquel les mamans pouvaient faire gagner à leur bambin une trousse personnalisée remplie de produits Maped.

 

Enrichir l'expérience de marque

 

Autre classique de la communication enfants, les tournées estivales. Elles aussi doivent se mettre au goût du jour, comme l'a fait cet été Andros en lançant, sur les conseils de Globe Group, un «food truck» pour promouvoir ses gammes de fruits préparés. «L'enjeu pour les marques est de prolonger dans le réel l'expérience virtuelle, analyse Emma Fric, directrice de la prospective au bureau de style Peclers, au travers, par exemple de QR codes qui racontent des histoires ou de packagings en réalité augmentée.» Autant d'outils pour enrichir l'expérience de marque auxquels les enfants ne sont pas les moins insensibles.

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