Applications
Choix du système d'exploitation, modèle économique, promotion... Réponse aux questions qui préoccupent les annonceurs quand ils lancent une appli.

Android ou IOS ?

Alors que le web autorise des développements universels, le mobile est régi par des systèmes d'exploitation fermés : Android, Iphone OS (IOS), Windows Mobile… Chacune de ces plateformes impose ses propres règles, qui vont nécessairement orienter les choix en matière d'architecture, d'ergonomie et de design. Faut-il être partout ? Le premier critère à prendre en compte est la couverture. En France, 60,6% des terminaux fonctionnent sous Android, 21,1% sous IOS, 8,2% sous Windows (baromètre du marketing mobile de septembre 2014). « IOS et Android couvrent à eux seuls plus de 80% du marché. Les autres systèmes d'exploitation, y compris Windows, sont quasi inexistants dans les réalisations », remarque Damien Bousson, président d'Apocope.

Mais faut-il pour autant écarter Windows ? « Windows travaille à la fusion de ses systèmes d'exploitation pour terminaux fixes et pour tablettes. Demain, les PC fonctionneront comme les tablettes. Il faut donc suivre cela de très près », nuance Jérôme Revy, président d'Apps Factory. Aujourd'hui, les deux options sérieuses sont Android et IOS. Mais si le paramètre couverture plaide pour Android, la transformation est clairement du côté d'IOS. En effet, un possesseur d'Iphone télécharge deux fois plus d'applications. Du moins en France, car partout ailleurs, les deux systèmes semblent peu ou prou aussi performants.

L'autre critère d'arbitrage porte sur le coût. Les frais de développement ne sont pas mutualisables. « Travailler sur deux systèmes représente a minima un surcoût de 50% », note Timothée Raymond, président d'Equinoa. Enfin, la dernière ligne de partage concerne le choix du développement. Il y a là deux écoles. Celle des applications natives, privilégiée par les professionnels, prône un développement spécifique pour chaque système d'exploitation. Ses principaux avantages sont que l'appli sera compatible avec les mises à jour (transition transparente d'IOS 7 vers IOS 8 par exemple) et qu'elle offrira une exploitation optimale des fonctionnalités pointues de la mobilité, telle la réalité augmentée. La deuxième école, celle des applications hybrides, consiste en un traitement de code unique et compatible avec les bases de développement de tous les fabricants. Si elle remporte la palme du coût, elle présente comme inconvénients une tolérance non assurée aux mises à jour et une expérience utilisateur moins satisfaisante.

 

Site web ou appli ?

L'alternative Android/IOS peut être contournée. Si l'annonceur souhaite limiter les coûts et amplifier d'emblée son potentiel d'audience, il peut toujours « biaiser » en choisissant non pas une application (native ou hybride), mais un site HTML5 adaptatif (ou responsive design). Cette technologie permet à une page web de se redimensionner automatiquement en fonction de la taille de l'écran utilisé (PC, tablette, smartphone, télé connectée). Par exemple, un contenu affiché sur trois colonnes en écran large se moulera dans une présentation sur une colonne en écran mobile. Aujourd'hui, la plupart des sites internet nouvellement conçus sont adaptatifs. « Un site responsive a l'avantage de s'affranchir de la distribution par un app store », explique Loïc Le Moaligou, directeur général de Lesmobilizers. Il facilite également les modifications. Revers de la médaille, un design et une ergonomie réduits au plus petit dénominateur commun, donc au moins-disant. « La grande limite du responsive design, c'est qu'il ne prend pas en compte le fait que les attentes des utilisateurs ne sont pas les mêmes sur le mobile, sur la tablette et sur le PC. Reproduire des contenus, même de manière adaptée, c'est ignorer en partie toute la dimension des usages liés à la mobilité », analyse Thierry Debarnot, directeur général de Kreactive.

 

Payant, gratuit ou freemium ?

Le choix du modèle économique sera fonction de la finalité de l'application. Une appli transactionnelle éditée par un e-marchand sera gratuite au téléchargement. Une appli strictement servicielle éditée par un ministère sera gratuite au téléchargement et à l'utilisation. En revanche, dès lors qu'elle voudra rentabiliser son offre, l'entreprise aura tout intérêt à y associer des sources de revenus. Plusieurs options sont disponibles, qui peuvent être complémentaires : le paiement au téléchargement (ne pas oublier qu'Apple prend une commission de 30%), le m-commerce, la vente d'espaces publicitaires, la vente d'abonnements et de biens/services « in-app » (à l'intérieur de l'application).
Dans un environnement où 60% des applis sont gratuites, le fait d'imposer un ticket d'entrée au téléchargement doit être dûment justifié : soit par l'intérêt fonctionnel, soit par la notoriété ou l'image. Il convient également de tenir compte des seuils psychologiques. Dans les app stores, la moitié des offres payantes sont proposées à 0,99 euro. Timothée Raymond, président d'Equinoa, distingue trois paliers : « De 0 à 0,99 euro, de 1 à 1,99 euro, de 2 à 4,99 euros. Au-dessus de 5 euros, on passe à des applis professionnelles. » Le modèle économique le plus courant conjugue gratuité du téléchargement et vente de produits virtuels ou de services à l'utilisation. On parle de modèle « freemium », contraction de free (gratuit) et de premium (qui désigne des services payants). Plusieurs formules existent : tarification des services après une certaine durée d'utilisation, ou pour accéder à des contenus et services plus élaborés.
Timidité du marché publicitaire sur mobile oblige, la vente d'espaces sur les applications, malgré des taux de clics dix fois plus élevés que sur internet, constitue aujourd'hui une source très ténue de revenus. « Si rentabilité il y a grâce à la publicité, elle est à trois ou cinq ans », constate Thierry Debarnot, directeur général de Kreactive. Quels que soient les leviers de génération de revenus choisis, l'univers applicatif est rarement rentable. A côté d'acteurs comme Rovio, qui a gagné en 2012 avec son jeu Angry Birds 152 millions d'euros (dont 45% via ses produits dérivés), 67% des applis rapportent moins de 400 euros par mois selon une étude de Vision Mobile.

 

Quel budget ?

Contrairement aux idées reçues, une application coûte cher. Pour le seul développement, les budgets à consentir peuvent varier de 5 000 à 100 000 euros (et même plus pour des applications e-commerce transactionnelles complexes). « Certaines banques ont injecté au moins 1 million d'euros dans leur appli », signale Nicolas Aidoud, directeur général de Prosodie-Capgemini. Des écarts justifiés par la nature du brief, mais aussi par des tarifs développeurs qui peuvent aller du simple au quintuple. « En moyenne, une appli de bonne qualité développée sur Android et IOS coûte entre 10 000 et 20 000 euros », avance Jérôme Revy. Auxquels il faudra ajouter 3 000 ou 4 000 euros si l'on veut valider le design et l'ergonomie via des groupes tests.
Mais le budget consacré au développement ne suffit pas, loin de là. Car une fois l'appli éditée, il s'agit de la référencer et de générer des téléchargements. « L'investissement dans la promotion doit représenter au moins le double du coût de développement », poursuit Jérôme Revy. Viennent ensuite les coûts de développement relatifs aux mises à jour imposées par les systèmes d'exploitation (une à deux par an pour Apple). « Cela représente 20% à 30% du coût de conception », résume Thierry Debarnot. Addition faite, le budget moyen d'une appli se situe donc plutôt entre 25 000 et 50 000 euros.

 

Une appli ou plusieurs ?

Il y a encore un an et demi, Apple encourageait les marques et concepteurs à opter pour une présence unique dans son store. Aujourd'hui, le message est inverse : « Un service, une appli ; une appli, un service. » L'explosion des tablettes et la grande diversité de taille d'écran des smartphones y sont pour beaucoup. « La lisibilité immédiate et la facilité d'utilisation sont des clés essentielles pour le succès d'une appli », ajoute Timothée Raymond. D'un point de vue plus technique, surcharger une application multiplie le risque de dysfonctionnement. Facebook est l'une des premières marques à avoir opté pour la verticalisation de ses applications : Facebook pour le réseau social, Facebook Messenger pour la messagerie, Facebook Nearby pour les lieux, Facebook Page pour les pages fans. Le réseau social a en outre conservé leur autonomie aux applis des sociétés qu'il a rachetées (Instagram pour le partage de photos, Whatsapp pour la messagerie...). D'autres réseaux comme Foursquare ont suivi la même direction pour élargir leur offre et leur audience. Quant au surcoût de développement généré par la démultiplication des applis et donc des codages, il sera vite rentabilisé par la souplesse gagnée dans la maintenance.

 

Quelle promotion de lancement ?

La promotion d'une application mobilise les leviers habituels de tout lancement marketing. « Il est conseillé d'utiliser en priorité ses propres supports de communication (site, newsletter, réseau social, magasin, call center…), puis de mettre en place un plan média pour booster et maintenir les téléchargements », souligne Loïc Le Moaligou, directeur général de Lesmobilizers. Google, Twitter et surtout Facebook – premier générateur de téléchargements – sont des espaces de ciblage publicitaire de choix. En fonction du budget, l'entreprise pourra aussi actionner des actions RP auprès des journalistes et des bloggeurs de la presse, investir dans le display, la télé, pourquoi pas l'affichage. « Attention aux ruptures média, nuance Jérôme Revy. Entre l'exposition à une annonce en affichage et le moment où le mobinaute sera en mesure de télécharger l'appli, il peut se passer beaucoup de choses. »

Plus on limitera les étapes entre l'exposition au message de promotion et l'accès à l'app store ou à la fonction téléchargement, plus on encouragera le taux de transformation. Pour des raisons fonctionnelles d'abord : sauf dans le cas d'applications professionnelles et payantes, la consommation d'applis relève de l'achat d'impulsion. Il faut donc favoriser son immédiateté, en communiquant sur des environnements digitaux, a fortiori sur des supports mobiles, via une bannière sur un site web, une notification sur une appli, ou mieux encore par une recommandation des app stores eux-mêmes. Pour des raisons de légitimité ensuite : exception faite des marques à forte notoriété, une société se servant des espaces numériques pour promouvoir une offre digitale renforcera sa crédibilité dans sa capacité à apporter un service adapté aux attentes et aux usages.

 

Comment remonter dans les app stores ?

Chaque jour, un millier de nouvelles applications sont postées sur Apple Store. Comment émerger dans un tel environnement ? En provoquant les téléchargements. Plus une appli est téléchargée, plus elle monte dans le classement des app stores. Et plus elle monte dans le classement des app stores, plus elle est téléchargée. Le plan média de lancement devra donc, si possible, actionner un maximum de leviers en même temps. « Le classement sur Apple Store se renouvelle toutes les trois heures, et toutes les 24 heures sur Google Play. Il faut donc faire beaucoup de bruit dans un temps concentré », explique Nicolas Rieul, chargé de la stratégie mobile chez Amplifi. « Le travail d'ASO (app store optimisation) nécessite également une attention pointue au titre, à la description, aux mots clés, aux visuels », remarque Loïc Le Moaligou, directeur général de Lesmobilizers.
Quid de « l'achat » de téléchargements en masse via des incitations financières auprès de panels de mobinautes mercenaires ? « Ca ne marche plus : Apple et Google repèrent immédiatement l'artifice. Et ça coûte cher : 1 à 2 euros par téléchargement », prévient Thierry Debarnot.

 

Comment faire durer une appli ?

« Les deux tiers des applications ne sont jamais utilisées et plus de la moitié ne sont jamais mises à jour », rappelle Olivier Le Garlantezec, DGE de Phone Valley. Pire, trois applications sur cinq sont désinstallées dans les 24 heures qui suivent leur téléchargement. Faire vivre une appli constitue donc un véritable défi. La longévité est d'abord affaire de pertinence fonctionnelle. Le service proposé doit susciter un usage récurrent. « On estime qu'un mobinaute utilise en moyenne six applis par jour, parmi lesquelles, bien souvent, Facebook, Twitter, Shazam et un GPS. Bref, des applis qui sont devenues indispensables pour les utilisateurs », précise Frédéric Lefebvre, cofondateur de ZeBestOf.
Pour avoir une chance de voir son offre durer, il faut ensuite en faire régulièrement la promotion : sur son site, auprès de sa base de données clients, et bien sûr auprès des utilisateurs de l'application. « La notation et les avis sont cruciaux. Sur Google Play, il faut prendre le temps de répondre aux commentaires des mobinautes », insiste Loïc Le Moaligou. Outre la communication autour des mises à jour, une entreprise doit également miser sur outil de contact performant : la « push notification », une fonctionnalité de messagerie propre à l'univers des applications mobiles. Le mobinaute reçoit sur son smartphone une pastille semblable à celle d'un SMS, contenant un résumé de l'information, ainsi que deux boutons, Ignorer et Accéder. 
Lorsqu'il exprime son consentement, l'utilisateur récupère des données ou informations diverses. « Avec des taux d'ouverture avoisinant les 95%, la push notification est sans doute le levier qui génère le plus d'interaction avec la cible », indique Thierry Pires, responsable du digital marketing chez HP. Attention toutefois à ne pas en abuser. « Il faut laisser au mobinaute le choix de la fréquence et de la nature de l'information à délivrer », souligne Timothée Raymond.

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