Planète foot
Les stades de football installent de puissants réseaux wifi pour établir une connexion quasi permanente avec les spectateurs. Amsterdam, Londres ou Glasgow sont en pointe. De quoi révolutionner le marketing sportif.

Inciter les fans à filmer les spectacles avec leurs smartphones pour nouer de nouvelles relations ou en faire des ambassadeurs de choix : une tendance qui se déploie aujourd'hui dans tous les univers, de la musique au sport. Dans ce dernier domaine, le club de football néerlandais l'Ajax Amsterdam continue de se positionner comme l'un des acteurs les plus novateurs, notamment dans l'accueil des spectateurs. Son stade de 55 000 places, l'Amsterdam Arena, bénéficie désormais de l'un des systèmes wifi à haute densité les plus performants du monde, suite au partenariat signé avec l'opérateur de télécoms chinois Huawei au printemps dernier. A partir du début 2015, les spectateurs pourront utiliser gratuitement le service, qui sera le plus puissant aux Pays-Bas. Huawei a également signé un contrat de sponsoring de trois ans, qui lui permettra d'afficher son logo sur les panneaux LED du stade. Et le groupe chinois ne compte pas s'arrêter là. Comme l'a indiqué Wang Dexian, directeur général de Huawei Netherlands, « ce partenariat stratégique va nous permettre de développer de nouveaux systèmes internet dans les stades hollandais et de créer de nouvelles et meilleures expériences pour les fans. »

Alors que la plupart des stades en France ne font pas du wifi leur priorité, les spectateurs néerlandais ont donc déjà mis un pied dans les années 2020... D'autant que Huawei n'est pas le seul acteur en course aux Pays-Bas. IBM et le leader néerlandais des télécoms, KPN, ont pris une certaine avance, en développant une application spécifique pour les stades. Elle permet notamment d'élire l'homme du match, de suivre les scores sans attendre plusieurs minutes avant la mise à jour, ou même de commander des boissons et sandwiches, livrés dans les gradins.

Des supporteurs actifs
L'imminence de la technologie LTE (Long Term Evolution) ou 4G – un internet qui s'affranchira du wifi – va par ailleurs offrir de nouvelles perspectives, avec un débit jusqu'à trente fois plus rapide que l'ADSL classique! Jacob Groote, vice-président des activités mobiles à KPN confirme « l'augmentation de la demande des consommateurs pour un débit et des capacités toujours plus rapides ».

L'usage du mobile dans le stade ne va cesser d'évoluer. Déjà, les spectateurs peuvent visionner le match... avec un second écran. Ralentis, interviews, angles différents, statistiques : ils peuvent tout simplement profiter de la magie du stade et des commodités de l'écran de salon. Leur navigation offre une nouvelle fenêtre pour les annonceurs – qui peuvent proposer des contenus personnalisés – et pour les data scientists, qui ont de nouvelles matières à explorer pendant le match, le spectateur devenant actif au sens technologique du terme.

A Glasgow, le club Celtic, l'un des plus populaires du championnat écossais, a pris un coup d'avance depuis l'an dernier, avec les applications StadiumLive et CelticLive, mises au point par la société londonienne de communication Sports Revolution. Celle-ci a elle-même mis en place le réseau wifi dans le stade. « Au début, on craignait de nous lancer dans ce projet sans être sûr d'avoir le réseau nécessaire, explique Marie Binet, Head of Insight du groupe. Beaucoup de stades disent avoir un réseau wifi, mais dans les faits, on sait qu'il est souvent très difficile de se connecter pendant un match. On a d'abord créé un partenariat avec Cisco pour nous assurer que tout sera prêt au niveau technique, puis on a développé cette application mobile spécifique aux matches. Elle propose en fait un contenu live, avec des commentaires, des petits articles, un livetweet, etc. Le but de l'application est d'offrir un nouvel outil de marketing relationnel aux clubs à intégrer dans leur packaging de sponsoring, sans pour autant couper le spectateur de l'expérience de match. »

20 % du public connecté

Partenaire de 47 clubs anglais (Premier League et Championship), Sports Revolution offre une grande variété de services, allant de la gestion des espaces médias au consulting en passant par les contenus live. La société, qui a ouvert un bureau à Bankgok et Dubai, et qui compte une cinquantaine d'employés, s'est imposée en moins de dix ans comme la plus dynamique du secteur, d'autant qu'elle gère aussi les espaces de publicité du stade de rugby londonien de Twickenham. Le partenariat avec le Celtic Glasgow a fait de l'application StadiumLive l'un des produits les plus emballants actuellement dans le milieu du foot. « C'est notre deuxième saison avec le Celtic, et nous comptons 48 000 téléchargements, poursuit Marie Binet. Mais le chiffre le plus important, c'est les 9 500 utilisateurs actifs pendant le match. On est dans le 20% de public connecté au wifi, le même niveau que dans les stades américains, mais cette performance est plus intéressante car le football américain compte beaucoup plus de temps morts. » Le fait que cela fonctionne pour un sport aussi intense et fluide que le football laisse présager des développements dans tous les autres sports où les spectateurs ont davantage de temps libre entre les phases de jeu.

Mêmes évolutions à Wembley, ce stade mythique de 90 000 places situé au nord de Londres, où seule l'équipe nationale évolue, en plus des grands concerts et événements (comme les demi-finales et finales de Cup ou matches de gala de football américain). Wembley a, sans surprise, été choisi pour accueillir les trois derniers matches de l'Euro 2020. Année faste pour l'enceinte, qui est sponsorisée depuis février par l'opérateur téléphonique EE (Everything Everywhere). Celui-ci a promis d'installer une 4G à 400 mégabits par seconde, ce qui en fera la connexion la plus rapide du monde pour un stade. Le réseau sera mis en place progressivement dans le courant de l'année 2015. Mais le must reste l'installation d'un système de « digital heartbeat », qui permettra d'illuminer la grande arche du stade en fonction de ce qui se passera dans le stade (bruit, but, etc.).

850 000 selfies réalisés
Plus que jamais, les spectateurs devront avoir du réseau pour filmer et partager en direct. D'après Fotis Karonis, Chief Technology Officer chez EE, « plus de 850 000 selfies ont été réalisés, et 400 000 visionnages de buts filmés dans le stade depuis que nous avons annoncé ce partenariat historique il y a six mois ».

Spencer McHugh, directeur de marque d'EE, a confié à Stratégies quelques-unes des principales caractéristiques de l'application proposée aux spectateurs : fil de news interactif incluant vidéo, audio et photos ; infos sur la billetterie, carte interactive du stade ; messagerie permettant aux fans de s'exprimer sur les écrans géants du stade ; playlist musicale ; jeu pour gagner une meilleure place dans le stade lors du prochain événement. « D'ici à 2020, Wembley sera le stade le plus connecté du monde, grâce à un réseau mobile qui donnera une capacité infinie à chaque utilisateur », explique-t-il. En dehors de l'Angleterre, de l'Allemagne ou des Pays-Bas, les principaux pays européens du football sont en retard en matière de mobile dans les stades. Mais la révolution est en marche. « Nous sommes en contact avec de nombreux clubs en Europe pour notre application StadiumLive », confirme Marie Binet. Laquelle appli est déjà reconnue dans le milieu du football, puisque l'Association des clubs européens vient de récompenser CelticLive comme la meilleure du continent.

 

Droits télévisés

Spectateur ou téléspectateur : qui va l’emporter?

S'il peut enchanter le spectateur, le football du futur ne va pas plaire à tous. Le très haut débit dont disposeront les stades permettra de filmer tout ou partie du match. La perspective de voir des supporters filmer des matches depuis leur siège et de les diffuser en direct sur internet n'est pas lointaine. Avec des débits faibles, les spectateurs ont déjà pris l'habitude de poster les buts sur Twitter, au travers du logiciel Vine qui permet de capturer de courtes séquences. De quoi poser des problèmes à l'heure des droits télévisés. En Angleterre, l'été dernier, la Premier League a d'abord menacé de porter plainte contre les auteurs de ces mini-vidéos, avant de se rétracter et d'envoyer un simple message d'avertissement. Des émissions comme Match of the Day paient des dizaines de millions de livres pour diffuser les buts en soirée, des buts que les fans ont souvent déjà vus sur Twitter. Manchester United a carrément interdit les Ipad, de peur de voir ses droits télévisés réduits. L'approche diffère selon les clubs et les fédérations : le spectateur qui diffuse les vidéos du stade est-il plus intéressant économiquement que le téléspectateur qui regarde les émissions de foot ? Telle est la question…

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