Société
Le dicton le dit : une maison bien rangée, c'est une tête ordonnée. Selon les adeptes de l'Ikigaï, il est temps de désacraliser les objets trop encombrants et de passer à un certain minimalisme à la sauce japonaise.

À ceux qui détestent les lundis matin, à ceux qui attendent les vendredis comme le messie, la méthode Ikigaï est faite pour vous. Non, ce nom n'évoque pas le dernier sushi bar en vogue mais une technique d’introspection. À l’image du grand nettoyage de printemps mais psychique. Originellement, ce terme vient tout droit du Japon, de l’île d’Okinawa. Une région où la longévité de ses habitants dépasserait les 100 ans. De quoi intriguer... « Ils n’ont tout simplement pas la même vie stressante que nous, peut-être est-ce dû également à leur alimentation qui se constitue essentiellement de poisson. Quoi qu’il en soit, le terme de retraite n’existe pas chez eux », explique Christie Vambremeersch, auteure de Trouver son Ikigaï. De cette manière de vivre à la japonaise ont été tirées des leçons de coaching. Quand une pratique promet des bénéfices potentiels, les Occidentaux ne mettent jamais longtemps à rappliquer. Mieux qu’une crème anti-ride, l’Ikigaï promet à ses adeptes de trouver une raison de se lever chaque matin. « Iki » se traduisant par la vie et « gaï » par la réalisation de ce que l’on espère. Littéralement, la raison de vivre.

Schéma de vie

Pour atteindre cet état second, il faut se poser les bonnes questions : quels sont mes hobbies ? Mes talents ? De quoi le monde a-t-il besoin ? Pour quel service pourrais-je être payé ? Le point de rencontre de chacun de ces cercles donne naissance à quatre autres catégories : carrière, passion, vocation et mission. Au milieu se trouve l’Ikigaï. Finalement la grande question est de savoir : « Quelle activité peut me permettre d’exprimer tout mon talent, au service d’une mission qui me tient à cœur, et qui me permet de gagner suffisamment d’argent pour vivre comme j’ai envie ? » Pause. On reprend sa respiration. Une introspection qui laisserait entendre que le bonheur passe forcément par le travail. « Ça passe par le sentiment d’être utile plutôt que par les enjeux professionnels », intervient Christie Vambremeersch.

« Qu’est-ce que je vais bien faire de ma vie ? » Que l'on ait 15, 25 ou 50 ans, cette question revient toujours en tête. Comme une mauvaise ritournelle qui tourne en boucle. Il n'est pas non plus systématique que les individus trouvent leur voie. Selon le baromètre QVT (qualité de vie au travail) de l'institut Gallup, neuf salariés français sur dix se disent « activement désengagés » de leur travail. Quand le ministère du Travail dénombre plus de 3 millions d'actifs français avec un « risque élevé de burn-out ». Or le bien-être génère la performance. « Je vois autant de jeunes issus de la génération Y que des gens en deuxième partie de carrière en pleine crise de sens. Ils s’interrogent sur leur nécessité, comment faire rentrer un complément d’argent… Ils veulent toujours plus, pas dans le sens de changement mais dans l’idée d’approfondir chacune de leurs actions », observe Christie Vambremeersch, formatrice et coach en réactivité.

Reconversions en série

L'exemple le plus parlant serait les commerciaux qui, du jour au lendemain, peuvent se reconvertir en pizzaiolo dans sa camionnette ou en souffleur de verre. Crise existentielle ? « Nous observons de plus en plus de travailleurs avec des métiers virtuels se reconvertir dans l’artisanat. C'est une manière pour eux de retrouver du sens à ce qu’ils font », explique Patricia Beausoleil, directrice de création sur les secteurs de l’environnement et du design chez Peclers Paris.

Les méthodes énumérées par les magazines et livres spécialisés en psychologie afin de trouver son Ikigaï sont assez discutables. « Écrivez un carnet de pensées positives », « interrogez votre jalousie », « créez un environnement fertile à votre Ikigaï », « trouvez votre propre modèle économique ». Via des préceptes de leadership ou tout simplement des techniques de rangement, les adeptes doivent se construire leur propre pyramide de Maslow [représentation pyramidale de la hiérarchie des besoins]. À l’image de ces influenceuses qui vous promettent de changer votre vie avec l’acquisition d’un bullet journal... To-do list, calendrier, citations inspirantes et accomplissements personnels s'y côtoient. Un peu comme une liste de bonnes résolutions prise en janvier qui, au fil des mois, se verra abandonnée dans les vieux papiers à trier.

Le temps du rangement !

L’Ikigaï n’est pas un cas isolé. Dans cette quête du tri parfait, Marie Kondo a su montrer son utilité dans certains foyers. La papesse du rangement, classée par le Time dans les 100 personnalités les plus influentes, a sorti le 1er janvier l’émission Tidying up with Marie Kondo [Ranger avec Marie Kondo]. De quoi ravir les plus grosses gueules de bois. Et pourtant, nombreux sont les névrotiques à avoir bingewatché son émission sur Netflix. « Les populations se rendent compte que nous arrivons à la fin d’un cycle de surconsommation. En phase avec l’état de notre environnement, il existe une réelle volonté de se débarrasser du superflu pour ne garder que l’essentiel », sonde Patricia Beausoleil. Pour être heureux en ménage, il s'agirait ainsi de se séparer de ce qui ne nous apporte pas de joie. Telle est la méthode de rangement signée #KonMari.

Moins drôle que les deux grands-mères de l’émission C’est du propre, mais plus à l’écoute que le conseiller d’orientation du lycée, Marie Kondo tend à démontrer que notre société génère des pollutions visuelles qu’il est temps de nettoyer. « Nous gardons seulement les objets qui ont un sens, qui représentent notre personnalité ou qui s’inscrivent dans la durabilité. Il n’est plus pensable d’effectuer des achats compulsifs. Il existe un réel besoin de revenir aux fondamentaux, ce que prodigue le minimalisme japonais », conclut la directrice de création Patricia Beausoleil. De quoi ravir les personnes souffrant du syndrome de Diogène. 

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