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21 Buttons, TikTok, Triller… Ces nouveaux médias sociaux cartonnent auprès des jeunes. Reste à convaincre les annonceurs.

« Go Crazy avec 21 Buttons ! » La fête organisée au Crazy Horse le 9 avril dernier par le nouveau réseau social 21 Buttons pour célébrer son arrivée en France donnait le ton. Entre paillettes et glamour, pas de journalistes, mais une flopée d’influenceurs maison et de « buttoners ambassadors », comme Camille Callen alias Noholita (206 000 abonnés sur 21 Buttons), Léna Mahfouf (253 000 abonnés) ou encore Kenza Sadoun (115 000 abonnés). Apparue en France il y a quelques mois, cette plateforme revendique plus de 8 000 influenceurs et 9,5 millions de téléchargements dans six pays. Dans l’Hexagone, elle en comptabilise déjà plus de 550 000. Un succès notamment dû aux 600 influenceurs que 21 Buttons rémunère. « C’est un vrai changement, car la majorité des influenceurs aujourd’hui ont un contrat avec des marques, observe Thomas Clément, vice-président de l’agence La Nouvelle. Pour eux, c’est une source supplémentaire de revenus et une façon pour ces réseaux de doper leurs audiences en fidélisant leurs pépites. »



Les ados conquis

TikTok commissionne aussi ses influenceurs. Cette application gratuite (ex-Musical.ly) de type karaoké fait un carton. Deux ans et demi après sa création, elle est la plus téléchargée sur le PlayStore et la troisième sur l’App-Store. Propriété du chinois ByteDance Technology, TikTok, valorisée à 75 milliards de dollars, regroupe déjà 500 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans 150 pays, dont 2,5 millions d’abonnés en France. Qui sont surtout des… collégiens. Un sur deux dans l’Hexagone serait déjà « muser », nom donné aux utilisateurs invités à créer de courtes vidéos (quinze secondes) et à se mettre en scène via des challenges sur un thème ou une musique donnés. 13 millions de vidéos y sont mises en ligne chaque jour. Les stars s’appellent Lisa et Lena (32,7 millions d’abonnés), Baby Ariel (29,3 millions) ou Jacob Sartorius (20,1 millions). Certaines comme Loren Gray (30 millions) ou Kristen Hancher (21,5 millions) sont également sur le nouveau réseau Triller. Ce concurrent français propose un montage similaire automatisé et synchronisé au rythme de la musique. 800 créateurs y sont référencés et monétisés pour plus de 42 millions de téléchargements et 11,5 millions d’utilisateurs actifs mensuels revendiqués. 

Même carton chez Twitch, l’une des plateformes de streaming préférées des prépubères et jeunes adultes (rachetée un milliard de dollars par Amazon en 2014 et qui compte 15 millions d’utilisateurs dans le monde). Tellement populaire en France qu’une dizaine de membres du gouvernement, dont le Premier ministre Édouard Philippe, y ont organisé le 19 février dernier un débathon en direct pour promouvoir le grand débat national auprès des jeunes. 

Quid des marques ? Sur TikTok, certaines ont lancé avec des influenceurs des challenges payants. Comme Guess et son challenge InMyDenim dont les vidéos ont été vues plus de 33 millions de fois ; Coca-Cola et son ShareaCoke qui ont récolté 60 000 vidéos et 21,7 millions de vues ; ou encore le MyMillionMove de Paco Rabanne avec 4 millions de vues. Pour autant, hormis des médias tels que Melty, Konbini, TF1 ou Aufeminin, les marques françaises ne se bousculent pas. Idem chez Triller. À part H&M France, Delsey et les cosmétiques Mélusine, peu d’annonceurs hexagonaux.

Pourtant, « sur ces nouveaux réseaux sociaux, on monte en audience très vite, affirme Laëtitia Azi, responsable vidéo du groupe Aufeminin, qui compte déjà plus de 250 000 abonnés quelques mois après avoir lancé plusieurs campagnes sur Triller et TikTok (notamment contre le harcèlement scolaire et pour la journée du 8 mars). Ces réseaux restent terra incognita pour les marques, or les animations et challenges des communautés qui y sont organisés sont très engageants : les internautes font mieux que parler des marques, ils mettent en scène leurs produits. »



Des collaborations risquées

Mais, « sur ces réseaux, les utilisateurs sont très jeunes, remarque Marine Guinot, directrice de la stratégie influence chez Oconnection. Aller les toucher, c’est, dans l’esprit des annonceurs, risquer le bad buzz. » Il est vrai que TikTok est accusé, entre autres, de prendre des largesses avec les données personnelles de son jeune public, de promouvoir l’hypersexualisation et de peu modérer les contenus, sinon d’inciter à la pédophilie. Dans certains pays, comme l’Inde, l’application est même interdite. 

Autre préoccupation : « On sait calculer le retour sur investissement sur les grandes plateformes, moins sur les nouvelles, pointe Karlis Montchovi, directeur conseil digital chez Wellcom. C’est d’autant plus dissuasif que les coûts d’entrée y sont très élevés. » Avec une simple bannière coûtant entre 50 000 et 100 000 euros sur TikTok, on n’ose imaginer le tarif d’un challenge sponsorisé. 

Enfin, le faible investissement des marques françaises est peut-être aussi une question de… calendrier. « Les plans de communication se font sur un ou deux ans. Quand de nouveaux réseaux apparaissent, les marques ont toujours un temps de retard, note Marine Montironi, directrice influence de We Are Social. En outre, il y a tellement d’enjeux et d’attention sur les quatre principales plateformes – Facebook, Instagram, YouTube, Twitter –, qu’il ne reste plus d’espace pour les autres. » Un constat partagé par Claude Crevelle, directeur général de Triller, qui constate cependant une évolution : « Ça change : nous sommes par exemple en train de finaliser des campagnes avec

JCDecaux et L’Oréal. » 

Ces nouveaux réseaux peuvent-ils durablement faire de l’ombre aux GAFA ? « Ceux-ci sont déjà en train de les copier et risquent de les avaler », prophétise Karlis Montchovi. Facebook a ainsi créé en novembre dernier Lasso, une appli utilisant comme TikTok la musique, les filtres et les effets. En décembre, Snapchat se lançait dans les challenges. Tandis qu’Instagram est en train d’installer sur sa plateforme un système similaire à celui de 21 Buttons… ◊

Les nouveaux réseaux sociaux ont déjà des millions d’adeptes en France, en majorité des adolescents et des jeunes adultes.

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