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Wands entend devenir la première agence spécialisée dans les avatars de marque en France. C’est dans ce cadre qu’a été imaginée Gaïa, une influenceuse virtuelle qui partage ses aventures – et ses collaborations avec les marques – sur Instagram. Muriel Ballayer, responsable marketing et développement de Wands, nous expose sa vision de la communication du futur… pas si lointain.

Quelle est l’histoire de Gaïa, la première influenceuse virtuelle française ?

Gaïa est un «lab» qui nous permet de travailler sur une méthodologie de création d’avatars de marques, dans le cadre de notre offre «Kol Me Iconic, la fabrique des avatars de marques». Elle est le fruit d’une co-création avec les étudiants de la Paris School of Luxury, école supérieure en luxe, mode et beauté du groupe MediaSchool [également propriétaire de Stratégies], afin d’être au plus proche des millennials. Eric Briones, cofondateur, désirait une égérie pour son école qui vienne ringardiser les concurrentes. Du côté de Wands, nous cherchions un moyen de permettre aux marques de se raconter autrement à travers les réseaux sociaux. Six groupes de travail ont planché pendant plusieurs semaines sur six personnages, prénoms, histoires et storytelling différents. Puis nous avons voté pour le meilleur avatar. Gaïa est née le 11 décembre 2018. Le community management est toujours assuré par les étudiants de l’école, en collaboration avec l’agence et les professeurs, sur la base de réunions hebdomadaires et mensuelles afin d’établir son calendrier éditorial. Ainsi, ses partenariats avec des marques sont des expérimentations.



Était-ce important qu’elle s’éloigne de la ressemblance avec l’humain ?

Gaïa a de grands yeux, des oreilles longues et pointues comme un elfe… Pour les millennials avec qui nous avons travaillé, il était nécessaire qu’elle soit immédiatement identifiée comme un avatar virtuel, que le contrat de lecture soit très clair et transparent, pour ne pas créer de confusion. Aussi, Gaïa a un don, que les influenceurs de chair et d’os n’ont pas, elle a le pouvoir de photographier les rêves. Les jeunes sont très décomplexés vis-à-vis du virtuel, mais dans la mesure où cela est pleinement assumé. Ce qui n’est pas le cas de Lil Miquela ou Shudu Gram dont la nature virtuelle a été cachée pendant des mois avant d’être révélée. D’ailleurs, un avatar de marque n’est pas forcément humanoïde mais peut revêtir une infinité de formes: une poupée, un animal, un symbole… La petite robe de Guerlain ou la Panthère de Cartier peuvent devenir des avatars.

 

Quels sont les atouts d’un avatar de marque ?

C’est une manière de renouveler sa présence sur le digital et le lien avec les consommateurs. 75% des investissements des marques en termes de communication sont focalisés sur les millennials. Une cible issue de la culture digitale, qui lit peu, qui ne regarde pas la télévision, qui se détourne des médias traditionnels, mais qui est constamment connectée. La communication rationnelle ne fonctionne plus. Pour capter ce public en déficit d’attention, il est indispensable d’investir le terrain de l’émotion, de la relation, de l’immersion… Nous considérons que le simple logo ne suffit plus aux marques pour émerger. L’avatar de marque sera demain le nouveau logo. Ce nouveau média va offrir une respiration de narration, sur le temps long, au gré des publications sur les réseaux sociaux: c’est une communication augmentée. L’avatar incarne la marque et renforce trois dimensions: l’histoire, l’image et la relation. Par exemple, le personnage virtuel est un bon vecteur de communication pour transmettre des engagements et des valeurs. Car les marques rencontrent aujourd'hui beaucoup de difficultés pour parler des sujets RSE. Et ne parviennent pas toujours à faire porter ces discours par des membres de l’entreprise ou par des égéries extérieures. Autre intérêt: leur pouvoir fictionnel est sans limite. Ils sont dans l’émotion en permanence, dans le storytelling, et génèrent facilement un contenu addictif, à la manière d’une série télé.



Et quels sont ses avantages par rapport à un influenceur de chair et d’os ?

Le monde des influenceurs commence à générer une forme de fatigue, de dépression chez les jeunes internautes. Le contrat de lecture n’est pas très clair. Leurs discours est-il authentique? Leur mode de vie est-il factice? C’est de cette crise de l’influence que sont nés les influenceurs virtuels. Avec eux, la promesse est simple: il s’agit d’un outil de communication et son discours est en accord avec la ligne de la marque, en toute transparence. En outre, l’avatar permet de contrôler la relation avec les consommateurs. Quand on laisse son image de marque aux mains d’influenceurs réels, on ne maîtrise plus rien.



Ces avatars ne vont-ils pas voler le travail des influenceurs ?

Il faut toujours opposer pour construire ; on opposait internet au print, l’e-commerce au retail… Ce n’est pas ma vision. Je ne sais pas s’il est plus dangereux pour ma fille de suivre Kim Kardashian sur Instagram ou un avatar de marque contrôlé par une équipe, qui se montrera sûrement beaucoup plus vigilante dans son discours... Les dérives sont impossibles avec un personnage virtuel. Du reste, en termes d’emploi, rappelons qu’il y a de nombreuses personnes derrière un avatar: des graphistes, des auteurs, des community managers, etc.



Quelles sont les bonnes pratiques pour animer les réseaux sociaux d’un avatar?

Il faut être subtil et s’adapter aux codes des influenceurs réels. Il est intéressant de filer une continuité entre les publications. De donner envie à l’audience de suivre ses aventures, de fouiller sa vie, de remonter son feed Instagram pour aller regarder ses anciennes photos ou vidéos, afin de connaître mieux l'avatar. Par exemple, Gaïa a vécu un jour une mésaventure dans le métro, qu’elle raconte dans une publication Instagram. Ensuite, cette histoire a été évoquée dans les post suivants: on distille des éléments narratifs au gré des publications, on raccroche les wagons, on donne des clefs, un dénouement, on poursuit une intrigue. Ce qui rend addictif, c’est cette peur de louper un événement. Il faut inciter l’internaute à décrypter lui-même la trame. Ce pouvoir de fascination, de désirabilité, inhérent aux personnages fictifs, doit être transmis à la marque.

 

Lire aussi : Cinq histoires d’influenceurs virtuels

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