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​À l'ère post-#MeToo, alors que les lignes bougent, Stratégies s'intéresse aux marques de protections hygiéniques qui revoient leurs briefs créatifs.

La marque de rasoirs Gillette créait la surprise en début d’année avec sa publicité contre les comportements machistes, à rebrousse-poil de ses anciennes publicités représentant une masculinité stéréotypée. Un changement de discours qui traduit une tendance sociale de fond vers plus de respect et d'égalité. Stratégies s'est penché sur le cas des marques de protections hygiéniques qui, depuis quelques années, changent également leur fusil d’épaule. Plusieurs d'entre elles délaissent progressivement les arguments marketing de performance de leurs serviettes et tampons au profit d'un discours d'empowerment des femmes.

Les traditionnelles publicités insistant sur les qualités «anti-fuite», de confort ou d’invisibilité, de «fraîcheur» ou de «neutralisation des odeurs », parfois avec modélisation 3D des pouvoirs d'absorption, sont évincées par des publicités de marque sur leurs engagements sociétaux, comme Always qui s'adosse actuellement à la cause de Dons Solidaires. Jusqu’au 31 avril, la marque de Procter & Gamble déroule sa campagne #NonàLaPrécaritéMenstruelle avec, à la clé, la distribution de serviettes hygiéniques à des femmes en situation de précarité.

La marque Always n'en est pas à son coup d'essai puisqu'entre 2014 et 2017 la marque a fait parler d'elle avec sa campagne #CommeUneFille, sous forme d'expérimentation sociale. Dans le spot de 2014, de jeunes adultes et un petit garçon sont invités à se battre ou à courir «comme une fille». Ces derniers s'exécutent avec ridicule. La même consigne est donnée à des petites filles qui se battent avec force et courent avec énergie. Cette campagne de marque questionne les préjugés sexistes intériorisés par les jeunes femmes.

 

 

Le liquide bleu et le secret des femmes

Si les marques s'engagent, peut-être par opportunisme marketing, il y a une époque encore pas si éloignée où elles employaient un stratagème pour parler du flux menstruel sans le montrer. «Quand j'étais petit, je croyais que les filles versaient du liquide bleu en secret», relate le youtubeur Cyprien dans un sketch daté de 2013 [à partir de 01:08]. Sa mère, interprétée par Natoo, autre star de Youtube, s'affole alors qu'elle est découverte par le garçonnet en train de verser le fameux liquide bleu sur une serviette hygiénique. Les deux humoristes se moquent des publicités de l'époque qui utilisent des eaux colorées à la place du sang des règles – comme la plupart des publicités pour l’épilation féminine qui présentent leurs produits en action sur des femmes déjà glabres, sans qu’aucun poil ne soit montré à l’écran (même si c'est également en train de changer).

Toujours en 2013, Slate se questionne sur la pudibonderie des marques de protections hygiéniques : « C’est quoi ce truc bleu ? Et surtout, pourquoi il n’est pas rouge ? ». Le pure player relate un buzz de 2012 : un dénommé Richard Neill avait adressé à Bodyform (la version britannique de Nana) un message ironique sur Facebook, liké plus de 100 000 fois : « En tant qu'homme, je dois vous demander pourquoi vous nous avez menti pendant toutes ces années. Enfant, j'ai regardé vos publicités avec intérêt pour savoir ce qu’il se passait en ce merveilleux moment du mois qui permet aux femmes de profiter de tant de choses, je me suis senti un peu jaloux. Je veux dire faire du vélo, des montagnes russes, danser, faire du parachute, pourquoi je n'ai pas pu profiter de cette période de joie et d'eau bleue sur des ailes !! ». La marque avait répondu avec humour avec «La Vérité», une prise de parole de la PDG de la marque, personnage fictif interprété par l’actrice Caroline Williams, qui assume pleinement l’usage des métaphores pour parler des règles.

 

 

En 2017, soit cinq ans après le buzz de Richard Neill, Bodyform décide de remplacer le liquide bleu par une substance qui s'apparente à du sang et communique autour de ce changement. Il s’agit de sa publicité «Blood Normal», de l’agence AMV BBDO. Un an plus tard, Nana, sa version française, fait de même avec «Les règles c’est normal».

 

 

Sur ce tabou du flux menstruel, nombreuses sont les publicités qui présentent les règles comme « un secret de femme », comme dans cette publicité Nana de 1981 dans laquelle Cendrillon laisse échapper non pas une pantoufle de vair mais une serviette hygiénique. Si le regard sur les règles évolue, la réthorique est toujours à l'œuvre avec, par exemple, cette publicité de Vania datée de 2018 (ci-dessous) sur les « petits secrets confort » des femmes pendant leurs règles.

 

 

La femme sait ce que sont les règles et cela lui confère un pouvoir comme dans cette publicité Nana de 1995 où un directeur du personnel aux propos sexistes se fait remettre à sa place avec une serviette hygiénique. En 2017, pour évacuer le grand mystère (et le grand dégoût ?) des menstruations, Nett, avec son agence Isobar France, choisit de mettre des tampons entre les mains de jeunes adolescents (voir la vidéo ci-dessous)... Et si c'était là la formule d'une publicité anti-tabou réussie : l'éducation des garçons et des hommes au sujet des menstruations.

 

 

Lire aussi :

- Sang pour sang : le regard sur les règles évolue

- Gillette s'engage contre la masculinité toxique

- Règles douloureuses, infertilité... Ce que vivent les femmes qui souffrent d'endométriose

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