Dossier
Cet ancien sportif de haut niveau est venu sur le tard à la danse. Chacun de ses spectacles revisite cet art du mouvement. Voir l’interview sur Stratégies.fr

En quelques années, la danse est devenue un territoire de communication privilégié pour les marques. Dans la foulée du film Black Swan de Darren Aronofsky, sorti en février 2011, les grands annonceurs semblent avoir redécouvert l'universalité du langage dansé pour nourrir leur communication. En tête des chorégraphes sollicités, on retrouve des stars comme Jean-Paul Goude, Blanca Li ou Angelin Preljocaj (voir Stratégies n° 1662).

Plus audacieuses seront les marques qui se tourneront bientôt vers une nouvelle vague de chorégraphes cherchant à faire de la danse un art décomplexé, populaire et encore plus contemporain. C'est à cette génération qu'appartient Pierre Rigal, danseur et chorégraphe au même titre qu'un Benjamin Millepied ou un Jérémie Belingard.
Ce Toulousain de 35 ans a un talent bien singulier. Depuis neuf ans, ses créations mêlent danse, théâtre, acrobatie et jeux de lumières. Une imagerie très moderne et directement inspirée du quotidien: un match de football, une photo de presse ou encore un drapeau français pour «Standards», sa dernière création de danse hip-hop présentée au festival Suresnes Cités Danse en février 2012. Ou un concert de rock pour son spectacle «Micro» joué notamment au club privé parisien Le Silencio en mars.

«Pour créer la pièce "Asphalte", j'ai été inspiré par une photo de gangsters américains couchés au sol publiée dans un journal. De là m'est venue l'idée de proposer un road-movie dansé. Pour "Arrêts de jeu", mon imaginaire vient de l'enfance et du souvenir télévisuel du mythique match France-Allemagne (RFA) en 1982 lors de la demi-finale de la Coupe du monde. Cette rencontre à la limite d'une tragédie grecque opposant les frêles joueurs français aux ogres allemands est dans notre mémoire collective sportive», se souvient le danseur.
Pierre Rigal est un chorégraphe pop art. «Pour concevoir mes pièces, je pars, en effet, d'un vocabulaire populaire, commun que j'essaye de détourner à ma manière pour lui trouver d'autres poésies», explique-t-il. A chaque fois, une histoire forte et des personnages incarnés: «En songeant autant à une narration, je m'éloigne des codes de la danse contemporaine. Depuis dix ans, celle-ci s'est beaucoup centrée sur elle-même. On voit beaucoup de spectacles où la danse est, en fait, le sujet de la pièce. Pour qu'elle suscite la réflexion, il faut pourtant confronter la danse à d'autres sujets.»
Si ce dernier se permet autant de libertés avec son art, c'est parce qu'il n'appartient pas au sérail de la danse contemporaine. Depuis le début de sa carrière de chorégraphe, il y a dix ans, ses codes sont ceux du mouvement du corps. «Je suis d'abord un sportif de haut niveau, spécialiste du 400 mètres et du 400 mètres haies. Je n'ai commencé la danse qu'à 24 ans», confie Pierre Rigal.

Parallèlement, le futur chorégraphe passe un DEA de cinéma à l'Ecole supérieure audiovisuelle de Toulouse: «A l'époque, je pensais que mon métier serait dans l'image, la réalisation audiovisuelle. A présent, je développe ce goût dans mon travail scénographique.» Au hasard d'un cours de danse africaine, le déclic a lieu et l'apprenti chorégraphe devient boulimique: six spectacles créés avec sa compagnie «Dernière Minute» née en 2003. Des pièces qui tournent, en permanence, en France mais aussi à l'étranger. En septembre, il présentera une création originale à Séoul puis en novembre, quatre de ses spectacles au Théâtre du Rond-Point à Paris.

Soutenue dans ses créations par la Fondation BNP Paribas, l'étoile montante de la scène française éprouve toutefois quelques réticences à faire rentrer la danse dans l'univers des marques. «Une de mes craintes vis-à-vis de la publicité vient du fait que filmer la danse reste encore très compliqué. J'ai, d'ailleurs, les mêmes appréhensions pour mes propres spectacles: comment les filmer au-delà d'une simple captation extrêmement frustrante? J'étais tellement gêné par leur rendu que pendant longtemps, je ne voulais qu'aucune vidéo ne soit diffusée sur Internet.»

Difficile d'égaler une émotion du vivant. La technologie 3D pourrait-elle, à terme, voler au secours de la danse? «Ce peut être une réponse. Le film Pina réalisé par Wim Wenders l'a prouvé mais là encore, il s'agissait de spectacles de Pina Bausch adaptés pour l'image», estime Pierre Rigal.
Autre frein, le corps formaté. «Dans l'imagerie médiatique, le corps qui danse est un corps standardisé qui doit être objet de désir. Je voudrais casser ce cliché et prouver que tout le monde peut danser. Dans notre société, nous avons oublié que la danse est un mouvement naturel.» Un mouvement plus poétique et ludique. «Je voudrais bien mettre un peu d'humour dans la communication des marques, notamment dans celle des marques de luxe», lance le chorégraphe. A l'instar des mannequins de Lanvin se déhanchant. «Le film "L'Envol" d'Air France est aussi un bon exemple. Dans sa réalisation, le chorégraphe Angelin Preljocaj a su mettre en valeur le mouvement des danseurs et l'art y est, ici, respecté.»

 

Encadré

 

Des nouvelles des talents à suivre
En avril, l'illustrateur Vahram Muratyan (premier de nos «talents à suivre», cf. Stratégies n°1669 du 8 mars 2012) a réalisé pour la marque Prada des animations gifs «Parallel Universes» pour mettre en scène la collection printemps-été. Le graphiste figurera, par ailleurs, dans le prochain documentaire d'Antoine de Caunes tourné en mai à New York pour Canal +. En mai toujours, le réalisateur Patrick Jean (cf. Stratégies n°1674 du 12 avril 2012) a tourné à Dubai un futur spot pour la marque Audi aux côtés des publicitaires Fred & Farid.

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