Audiovisuel
Sous l’influence du groupe Altice, son actionnaire majoritaire, le groupe NextradioTV engage un « plan de reconquête post-Covid » qui passe d’abord par une restructuration d’ampleur.

Réorganisation des directions de NextradioTV, cession programmée de Libération à un fonds de dotation, plan social post-Covid, transfert de SFR Presse-Milibris à Cafeyn... Le groupe Altice occupe les devants de l’actualité des médias. En interne, c’est bien entendu le « plan de reconquête » et sa traduction sur l’emploi qui est regardé de près. La moitié des intermittents, des pigistes et des consultants devront quitter l’entreprise. Et un plan de départs volontaires, avec possibilité de licenciements en cas d’insuccès, a été annoncé le 19 mai. Une rumeur interne parle de près de 500 suppressions de postes sur 1300 salariés. La direction d’Altice ne confirme pas. Mais pour justifier la nécessité d’une réorganisation, Alain Weill, le patron d’Altice France, a écrit une lettre à ses troupes le 19 mai. Il y pointe l’« érosion régulière des recettes publicitaires de la télévision», une pénétration insuffisante auprès des jeunes, la « concurrence accrue et sous-estimée des plateformes » et un carcan réglementaire qui menace d’entraîner l’audiovisuel dans « la spirale du déclin ». « Notre projet est de nous organiser autour de nos deux grandes marques, BFM et RMC, pour renforcer l’information générale, économique, locale et sportive ainsi que le débat et la connaissance dans une stratégie plurimédia, TV, radio et digitale » affirme-t-il.

Une réorganisation « inévitable »

Pour cela, tous les actifs du groupe seront passés au scalpel. Arthur Dreyfuss, le nouveau directeur général d’Altice Média, proche de Patrick Drahi, se concentrera sur les parties non rentables. « La crise du Covid a été un accélérateur d’une réorganisation devenue inévitable, déclare-t-il à Stratégies. Les effectifs ont augmenté de 50% ces six dernières années, le marché de la télé et de la radio a évolué en termes de temps et de durée d’écoute, le fonctionnement des régies a changé, la consommation a été bouleversé entre le linéaire, le délinéarisé et la concurrence des plateformes qui bénéficient d’assymétries réglementaires et d’inéquités fiscales. Une entreprise audiovisuelle privée doit se transformer pour affronter ces nouveaux défis et la crise du Covid est un catalyseur de ces nécessités. » En d’autres termes, la récession post-confinement n’est pas vraiment un déclencheur - même si elle a diminué les recettes de 50 à 70% en avril – car le plan était en gestation bien avant. « On savait, avant le Covid, qu’un plan était prévu, mais la crise permet peut-être de faire un plan plus important », souligne Sébastien Savoye, élu du personnel de NextradioTV.

RMC Sport, dont le patron Laurent Eichinger est parti en janvier, est le principal média sur la sellette. RMC Sport News, qui emploie une quarantaine de personnes, s’arrêtera le 2 juin. S’il est difficile de se passer de l’agence d’info sportive qui abreuve RMC et d’autres médias, nombreux seront les salariés visés parmi les 200 du pôle sport. Et pour cause, la perte de la Premier League anglaise, et surtout de la Champions League, pour les saisons 2021-2024, rend caduque l’idée même d’une chaîne de retransmission sportive. Plutôt que de s’accrocher, la direction a préféré jeter l’éponge face à Mediapro, Canal et BeIn, tout en renonçant aux compétitions d’athlétisme, de tennis ou d’équitation. « Le sport restera un marqueur extrêmement fort pour la radio RMC. Mais le marché de la pay TV sportive est instable, inflationniste, extrêmement concurrentiel. On doit s’adapter. », estime Arthur Dreyfuss. Un observateur proche du groupe parle de « droits en CDD et de structure en CDI ». En interne, Sébastien Savoye y voit une « stratégie one shot » : « À aucun moment, il n’a réellement été envisagé de garder ces droits, cela a permis de faire revenir les abonnés vers SFR. On a lancé un produit d’appel et maintenant que SFR va mieux, on dit qu’il faut de la rentabilité. » En attendant, Patrick Drahi a fait savoir qu’il réclamerait à l’UEFA le remboursement des matchs non diffusés en raison du confinement.

Le sport ne sera pas la seule entité touchée. Si le développement en régions est confirmé, BFM Paris, et sa quarantaine de salariés, est priée de prendre modèle sur BFM Lyon, avec sa quinzaine d’employés. Les présentateurs y pilotent eux-mêmes les caméras et lancent les sujets. RMC Découverte et RMC Story ne seront pas non plus épargnées : « Leurs coûts d’acquisitions ont été multiplié par trois en cinq ans, sans qu’il y ait le CA espéré, constate Arthur Dreyfuss. Il nous faut donc réévaluer, renégocier. Nous procéderons, dans le dialogue, à une revue complète des droits. »

Remise en cause d'un modèle old school

Même la régie Next Media Solutions se voit dans l’œil du cyclone. « On sent qu’il faut changer les méthodes de vente, être plus direct, avec une plateforme programmatique qui fait le job même si on n’a pas toujours les développeurs, confie un cadre. C’est une remise en cause du modèle old school d’Alain Weill, où il faut plus de commerciaux pour aller voir plus d’annonceurs ». La rationalisation des coûts avant le dynamisme commercial ? Arthur Dreyfuss s’inscrit en contre : « La régie a toujours eu un positionnement de challenger et d’innovation sur le marché. Nous voulons retrouver cette position, mettre à profit les compétences technologiques que nous pouvons développer avec SFR, accélérer la digitalisation et la dimension programmatique, être les plus innovants en matière de publicité adressée et de data. Il nous faut recréer une émulation commerciale qui a toujours été la spécificité de Next. »

D’où le choix de Raphaël Porte, venu tout droit de SFR, pour préparer la publicité ciblée par les box, à la tête de la régie. BFM Business, dont la vocation digitale, TV et radio a été réaffirmée, deviendra la « chaîne de la relance », sous l’impulsion de Marc-Olivier Fogiel à laquelle elle est désormais rattachée. Mais quid des acquisitions qu’Alain Weill voyait facilitées par une plus grande intégration dans Altice, en janvier, en marge du Fipadoc ? « Il est évident qu’on a un problème de taille du groupe », confie-t-on dans l’entourage de Patrick Drahi. Et pour bien faire comprendre que le tandem est plus que jamais d’actualité, Arthur Dreyfuss a le sens de la formule : « Alain Weill ? Ce serait faux de dire que nous travaillons quotidiennement ensemble car pour être juste, il faudrait dire que nous travaillons chaque heure ensemble. »

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