Retail responsable
Pendant que de nombreuses organisations se penchent sur leur utilité sociale et environnementale, Biocoop, enseigne spécialisée dans le bio, basée sur un modèle coopératif, poursuit son développement en intégrant les contraintes de l’époque. Explications avec Pierrick de Ronne, son président, et Ronan Lafrogne, son directeur qualité et RSE.

Comment la crise du Covid a-t-elle fait évoluer les priorités RSE de Biocoop ?

Pierrick de Ronne. Nous sommes une coopérative. Nous développons l’agriculture bio dans un esprit d’équité et de coopération. Nous menons une réflexion autour du partage et de la valeur, incluant tous les maillons de la chaîne : salariés, magasins, producteurs, associations de consommateurs... Tous sont représentés au conseil d’administration. Lorsqu’est arrivé le confinement, nous n’avons pas changé. Nous avons appuyé sur nos éléments naturels : l’équité, la solidarité. Nous avons toutefois fait des réunions plus rapprochées avec la section agricole, qui s’est engagée à ne pas bouger les tarifs. Le consommateur a trouvé chez nous les mêmes prix. Le modèle a montré sa résilience.

Ronan Lafrogne. Ce qui a changé, ce sont les aspects sanitaires et de protection des collaborateurs. Il a fallu se protéger, et également rassurer, reconnaître les métiers utiles à tous. Par ailleurs, les clients ont cherché des magasins de plus petite taille, de proximité, plutôt bio, une forme de réassurance…

P.D.R. Nous avons observé une surcroissance dans les magasins de 15 % à 30 % pendant les deux à trois premiers mois suivant le début de la crise sanitaire.



Quelles actions concrètes avez-vous menées ces derniers mois sur le volet RSE ?

P.D.R.
Le sujet de la relocalisation est majeur depuis plusieurs années. Relocaliser une filière, c’est entre cinq et dix ans de travail. C’est un projet de très longue haleine.

R.L. 80 % de nos produits sont d’origine France (nous proposons aussi un peu de produits exotiques), grâce à nos partenariats avec 3 200 fermes. En 2020, nous avons notamment travaillé sur le sujet du maïs d’origine France. Cette année, nous avons, par ailleurs, contribué à la construction d’un référentiel français bio équitable, sorti en mai [ce référentiel, baptisé label Bio Equitable, reprend les pratiques de base du bio et les prolonge, par exemple en interdisant les serres chauffées, NDLR].

P.D.R. Ce référentiel a été incubé chez Biocoop pendant un an. Avec l’entreprise Ethiquable, nous avons constitué une association pour mettre ce label dans le domaine public. L’idée n’est pas que ce soit « le label de Biocoop » mais qu’il vienne labelliser différentes marques dans tous les circuits de distribution.

 

Vous vous développez aussi en e-commerce. Comment y intégrez-vous la RSE ?

P.D.R.
Nous avons lancé cette activité fin 2019, trois mois avant le confinement. Un tiers du réseau propose le service, plutôt en click-and-collect. Aujourd’hui, le système mis en place nous protège : les commandes sont préparées par des salariés en magasin, les consommateurs viennent les chercher, cela ne remet pas en cause notre modèle. Après, il faudra proposer la livraison - certains magasins le font déjà -, si l’on veut que cela soit rentable. Le secteur est trusté par des acteurs qui ne partagent pas forcément nos valeurs. Il existe des systèmes de livraison collaborative, pourquoi ne pas en faire quelque chose d’un peu industrialisé au nom de l’enseigne. Aujourd’hui, on en est encore loin. Mais nous avons vocation à rester des acteurs de la consommation responsable aussi sur internet.

 

Comment communiquez-vous sur vos actions en la matière ?

P.D.R.
Depuis quelque temps, on fait de la publicité TV [la première était en 2018 avec Hungry and Foolish, NDLR]. Nous avons un message : « La bio nous rassemble ». Cela met en lumière notre modèle coopératif unique en Europe et qui est le socle de tout. La difficulté est le nombre de sujets que l’on aborde et une notion de long terme difficile à comprendre et à expliquer. Par ailleurs, la marque est un objet de communication. Nous l’avons refondue pour qu’elle soit plus lisible. Cela a commencé en 2020. Nous avions une marque « Ensemble, solidaires du producteur au consommateur » et une marque générique, qui étaient les prémices d’une marque Biocoop, mais seulement 7 % des consommateurs le comprenaient et savaient qu’elles existaient. Pour favoriser la lisibilité, nous valorisons désormais « Biocoop » car c’est ce qui porte la confiance des consommateurs. La marque porte notre charte, nos valeurs, nos engagements. Nous l’utilisons pour valoriser le travail effectué tout au long de la chaîne.

 

Quels sont vos axes d’amélioration ?

P.D.R
 La question des emballages. Nous avons beaucoup travaillé sur le vrac, qui représente, pour l’épicerie, 15 % du chiffre d’affaires d’un magasin, un tiers en ajoutant les fruits et légumes, le pain... Cette question pose deux sujets techniques : par quoi remplace-t-on les emballages et quelle pédagogie à l’égard des consommateurs ? Nous allons, s’il le faut, travailler la radicalité. Nous avons déjà supprimé les bouteilles d’eau en plastique.

R.L. Nous souhaitons également trouver des consignes localement. Par exemple, nous avons développé un pétillant de pomme en bouteille en verre. L’idée est de pouvoir laver et réutiliser localement cette bouteille.

 

Vous fêtez vos 35 ans cette année…

P.D.R.
 Le contexte n’aide pas aux festivités. Il y a toutefois un sujet autour de la mémoire de l’entreprise, un sujet sur la transmission, plus en interne. Cette année va marquer de nouveaux engagements pour Biocoop, qui seront votés lors de notre assemblée générale en juin.

R.L. Nous avons récemment reçu un cadeau. Fin 2020, un sondage du Financial Times reconnaissait Biocoop comme entreprise la plus inclusive d’Europe, selon 100 000 collaborateurs de 15 000 entreprises. Des sujets comme la diversité, le handicap ou l’égalité hommes/femmes étaient examinés.

P.D.R. L’un des enjeux est d’assumer notre développement dans une logique de consommation moindre : consommer moins mais mieux. Il s’agit de concilier le développement et la décroissance à l’échelle de la planète. Amener du long terme dans les stratégies d’entreprise est essentiel, en mettant toutes les parties prenantes autour de la table, dans une logique non pas de confrontation mais de coopération.

Chiffres clés

680. Nombre de magasins (dont 70 ouvertures en moyenne par an, 60 en 2020, 80 projetées en 2021).

7000. Nombre de salariés.

3200. Nombre de fermes associées ; 7000 producteurs locaux

16,6 %. Croissance en 2020.



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