Digital
Un mois après son arrivée en tant que CEO d'Havas Creative France, Matthieu de Lesseux explique comment Havas l'a séduit avec un projet innovant pour accélérer sa transformation digitale.

Onze mois après votre départ de DDB, dans quel état d’esprit êtes-vous?

Matthieu de Lesseux. Combattant. Ce départ n’a pas été facile, j’étais très attaché à DDB, c’est une très belle agence, très saine, avec des qualités humaines. Je suis parti parce que j’avais le sentiment d’avoir accompli ce que j’étais venu faire, à savoir digitaliser l’agence. C’est dans mon caractère, j’ai besoin d’aller sur des sujets que je ne connais pas. Chez DDB, ça a été le cas pendant cinq ans parce que je ne maîtrisais ni la publicité, ni le fait d’être dans un groupe. Ça a été passionnant et j’ai sûrement fait beaucoup de bêtises mais j’ai été jusqu'au bout. La solution dans ce genre de cas c’est d’évoluer vers un poste à l’international mais ce n’est pas ce dont j’avais envie. Donc j’avais deux options: rester et tomber dans une sorte de « ronron » ou quitter DDB. Alors je suis allé dîner avec Jean-Luc Bravi [président de DDB] et je lui ai dit que je souhaitais partir. Il a été surpris parce que je n’étais pas malheureux mais il s’en doutait un peu parce qu’il voyait que je tournais en rond depuis un moment.

Au moment de votre départ, vous aviez annoncé un projet entrepreneurial et vous avez finalement atterri chez Havas… Que s’est-il passé entre temps?

Après avoir quitté DDB, je suis parti pour quatre semaines de ski... C’était la première fois de ma vie que je me sentais prêt à prendre le temps de réfléchir. Sans fausse modestie, j’ai été surpris parce que beaucoup de gens m’ont appelé pour que je les rejoigne. J’ai dit non à tous car j'avais mon projet en tête - je l'ai toujours d'ailleurs -, jusqu’au jour où Havas m'a approché. Et comme j'aime beaucoup les personnes qui animent ce groupe, j’y suis allé. Elles m’ont raconté une histoire intéressante, les discussions ont duré un bon moment parce que j’avais vraiment besoin de comprendre ce qu’elles voulaient faire. J’ai retrouvé cette excitation de la nouveauté, je trouvais le projet enthousiasmant. Comme on dit, il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis!

Selon vous, pourquoi ont-ils fait appel à vous?

Comme beaucoup d’entreprises, ils veulent accélérer tout ce qui touche au digital. Ils m’ont dit qu’ils allaient commencer un nouveau cycle avec le rachat par Vivendi, et qu'ils avaient besoin d’évoluer rapidement. J’ai un parcours mixte avec une longue histoire dans le digital et une partie publicité et créa. Nous ne sommes pas nombreux à avoir cette double expérience. Ce que j’ai appris chez DDB, dans les relations avec les clients, les actionnaires etc. me sert énormément chez Havas.

Quelles sont précisément vos nouvelles fonctions?

Après le rachat par Vivendi, Yannick Bolloré a été obligé de déléguer et a nommé Raphaël de Andréis à la tête du Havas Village. Et il s’est demandé comment encadrer les agences créa. J’ai deux missions : je suis président d’Havas Creative donc je chapeaute les agences créatives du groupe (Havas Paris, Les Gaulois, Fullsix, la digital factory…) et j’ai une fonction transverse qui consiste à se demander comment accompagner les clients dans leur transformation digitale de bout en bout. Aujourd’hui, on peut le faire par morceaux, mais il n'existe pas d’offre transversale donc l’idée est d’aller chercher des ressources diverses et de monter des équipes ponctuelles avec des collaborateurs issus des différentes entités. Cela permet de gagner plus de souplesse tout en conservant la culture des agences. Et à cet effet, le fait que les entités d’Havas aient été réunies sous un seul P&L l'an dernier est fondamental. Donc je travaille avec tout le monde !

Chaque groupe a sa propre culture, comment percevez-vous celle d'Havas?

Quand je suis arrivé, beaucoup de gens m’ont dit que l’ambiance était très bienveillante. Et je dois dire que depuis un mois que j’y suis, je le ressens aussi. Y compris sur l’aspect financier: il existe évidemment une pression, mais elle est bienveillante. Ce qui me plaît chez Havas c’est la culture entrepreneuriale: on n'y a pas peur de prendre des risques, de changer les organisations. C’est un des critères qui m’ont poussé à accepter leur proposition, d’ailleurs. L'état d'esprit est très différent de chez Omnicom où la culture est anglo-saxonne et tout doit être carré.

Où en est la relation entre digital et création en France?

C’est une cohabitation difficile. En arrivant chez DDB, j’ai cru naïvement que je pourrais fusionner les deux métiers mais j’ai vite compris que les deux cultures étaient trop différentes. Il faut qu’elles cohabitent et coexistent mais sans empiéter l’une sur l’autre. Leurs façons de travailler sont trop dissemblables. Le digital a une culture collaborative, ouverte et peut-être un peu naïve parfois, là où la publicité est plus fermée, plus dure mais aussi plus créative. Chercher à les fusionner est une erreur parce qu'on finit par diluer les capacités de tout le monde: pourquoi forcer un team créatif très bon en film à faire une opération digitale ? Cela n’a pas de sens. Il faut simplement arriver à faire en sorte qu’ils s’écoutent et se comprennent.

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