Etudes
Benoît Tranzer a pris la tête de Millward Brown en France il y a quinze mois. Ancien dirigeant d'Ipsos Média, puis d'Ipsos ASI, il livre une analyse critique du marché des études dans l'Hexagone.

Les annonceurs ont coupé dans leurs dépenses de communication ces derniers mois. L'ont-ils fait aussi dans leurs dépenses d'études?

Benoît Tranzer. Oui, mais en général dans des proportions moindres. Les décisionnaires ont besoin de tableaux de bord pour piloter leurs marques et leur communication, et les études très stratégiques ou très opérationnelles ont très bien résisté. Impossible d'imaginer rendre les annonceurs aveugles alors qu'ils traversent la tempête !

 

Au-delà, comment la crise pèse-t-elle sur leurs demandes ?

B.T. Elle accélère des mouvements de fond amorcés depuis près d'une décennie, vers un pilotage plus fin des marques et des conséquences financières de leurs décisions marketing. Le sacro-saint retour sur investissement est présent dans toutes les décisions majeures, et la pression exercée par les financiers sur les marketeurs n'est pas près de se réduire. Cela se traduit par des demandes d'une meilleure compréhension des comportements et attitudes des consommateurs. À cet égard, on assiste à un retour du local. Une nouvelle donne s'installe, et les annonceurs doivent adapter leurs innovations, leur positionnement et leur discours publicitaire.

 

Certaines agences de communication développent des expertises «études». Peuvent-elles vous concurrencer?

B.T. Cette concurrence n'est pas nouvelle. L'évolution de la communication publicitaire à 360° recrée cet appétit dans les agences de communication. C'est plutôt stimulant et permet une certaine remise en question de nos pratiques. Ce sera au marché de décider qui, des experts des médias ou des experts des consommateurs, est le plus légitime et le plus apte à réaliser ces dispositifs d'études. Je suis relativement confiant, mais attentif.

 

Le marché des études en France est très atomisé. Va-t-on vers une consolidation ?

B.T. La France reste l'un des plus grands marchés du monde, et est donc très convoité… Je pense que nous pouvons assister à un mouvement de consolidation de certains grands réseaux internationaux, mais cela dépasse très largement le cadre national. Nous pouvons également assister à une vague de consolidations au niveau des entreprises de taille moyenne, car la question de leur viabilité financière à terme sera posée dans un marché en pleine mutation, qui nécessitera des investissements nouveaux.

 

Comment «l'âge numérique» fait-il changer vos métiers ?

B.T. Nous avons su évoluer mais nous n'avons pas révolutionné nos pratiques. Pourtant, c'est bien une révolution que nous vivons. La principale avancée de la dernière décennie a été de modifier notre outil de production, avec des études en grande partie réalisées non plus en face-à-face mais en ligne. Pour le reste, je serai relativement critique, car nous avons conservé nos vieilles pratiques des années 1970 et 1980 pour ne pas mettre en péril des positions acquises. Nous sommes dans une industrie très conservatrice, où il est difficile d'introduire de l'innovation. Je suis ravi et impatient de voir la génération montante, qui a grandi dans le numérique, pousser ce mouvement, et je suis persuadé que cet univers va beaucoup bouger.

 

Dans quelle direction ?

B.T. Je ne veux pas croire que, dans le futur, l'essentiel de nos revenus proviendront d'études quantitatives ou qualitatives basées sur des principes techniques qui n'ont pas ou peu été revisités depuis un demi-siècle… Nous avons par exemple d'ores et déjà intégré les résultats de Google dans nos «trackings» et proposé des études sous plates-formes de blog en qualitatif, mais c'est encore trop marginal. Nous devons réinventer le métier à l'aune des nouveaux modes de conversation des consommateurs en y intégrant les outils et les langages de ce siècle.

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