internet
Communiquer sur soi est un exercice difficile. Sur Internet, cela relève même de la gageure pour certaines des plus grandes agences de publicité en France. Radioscopie des sites des dix premières agences françaises.

Il est un dicton auquel n'échappent pas toujours les agences publicitaires: celui des cordonniers les plus mal chaussés… En matière de sites Internet, notamment, une navigation sur la Toile révèle vite des résultats très inégaux. Si l'on se cantonne aux dix plus grosses agences publicitaires en France selon leur chiffre d'affaires (source: classement Stratégies 2009), le constat est mitigé, pour ne pas dire décevant.

Petit tour d'horizon sous l'œil avisé de trois experts en ergonomie et conception de sites: Benoît Drouillat, président de l'association Designers interactifs; Éric Marillet, directeur études chez Axance; et Jean-François Marti, PDG de Nealite.

 

Publicis Conseil

La première agence du marché ne dispose pas de son propre site. Une recherche sur Google renvoie sur Publicis Groupe. Pour Éric Marillet, «la simple recherche des coordonnées de l'agence relève de l'exploit: des menus en Flash qui se déroulent péniblement, un menu latéral avec trop de filtres, le tout pour obtenir une vue aérienne Google Map». Tout aussi critique, Benoît Drouillat estime que «l'interface du groupe, une vidéo plein écran, témoigne encore de l'attachement au spot de 30 secondes et aux médias passifs. Toutefois, la navigation globale est intéressante car elle montre une culture “mosaïquée”, avec de nombreux niveaux de lecture.» En outre, le site n'est pas compatible avec tous les navigateurs.

>www.publicisgroupe.com

 

BETC Euro RSCG

Effet de groupe oblige, une recherche sur BETC renvoie également sur Euro RSCG Worldwide. «C'est un peu “cheap”, cela fait site de PME», lance Jean-François Marti. «Ses défauts trahissent son âge, renchérit Benoît Drouillat. Ce qui frappe, c'est l'absence de lisibilité du contenu: le corps des typographies est microscopique.» Éric Marillet regrette «que le portfolio ne donne un aperçu que très parcellaire des créations de l'agence». En troisième occurrence sur Google apparaît tout de même le site propre à l'agence (BETC Paris), articulé autour du livre de Rémi Babinet, cofondateur. «Ce site est intéressant par sa qualité d'exécution et la fluidité de la navigation. L'agence tente aussi d'être multimédia en intégrant de courts formats vidéo», relève Benoît Drouillat.

>www.eurorscg.fr

>www.betcbook.fr

 

McCann Paris

Le site de McCann Paris laisse plutôt une bonne impression. C'est en tout cas l'avis de Jean-François Marti et d'Éric Marillet. Celui-ci explique: «Dès Google, on trouve un descriptif simple, explicite et efficace, avec la mention de quelques clients. Un site très ludique et assez simple à utiliser.» «On retrouve un design dans l'ère du temps, avec un fond photographique plein écran, remarque Benoît Drouillat. La métaphore du bureau pour mettre en scène la navigation est assez incitative. La présence d'un design sonore mérite d'être soulignée. Sobre, le site est cependant quelque peu statique.»

>www.mccann-paris.fr

 

DDB Paris

«De loin le meilleur», selon Jean-François Marti, qui le juge aussi bien référencé. «Le site est assez classique, mais témoigne d'un effort pour apprivoiser les “services” sociaux comme Twitter, Facebook et You Tube, estime pour sa part Benoît Drouillat. Il y a une certaine efficacité dans l'organisation formelle des pages du site qui permet une bonne lisibilité du contenu.» «La structure du site est très conventionnelle – navigation horizontale en haut de page et contenu textuel en cœur de page – donnant une image finalement assez classique de l'agence. Mais les pages sont bien structurées, avec une parfaite lisibilité de l'info», conclut Éric Marillet.

>www.ddb.fr

 

Business

«Un site très institutionnel, descriptif, sans véritable concept. Mais, au moins, on trouve aisément l'information. Au final, une interface qui date et qui trahit peut-être un désintérêt pour la discipline interactive», note Benoît Drouillat. «Ce site est très Web “1.0”, pas innovant du tout en matière de Web. Même les animations ressemblent aux antiques Gif animés. Doit-on y voir un effet de style?», lance Éric Marillet. «Très “cheap”», tranche Jean-François Marti. En somme, plutôt en adéquation avec le positionnement de l'agence…

>www.business-sa.fr

 

TBWA Paris

Si Benoît Drouillat trouve ce site kitsch, «avec son interface zoomable», Jean-François Marti l'estime un peu compliqué et faussement créatif. «Son mode de navigation est innovant, façon borne interactive, mais ne facilite pas le passage d'un contenu à un autre», remarque Éric Marillet, qui souligne également «des problèmes de design – faible contraste au niveau du texte et taille de typo trop petite – rendant les éléments de navigation difficiles à lire. Et, du coup, on a du mal à faire des choix pour naviguer au sein du contenu».

>www.tbwa-france.com

 

Young & Rubicam

«Ce site est l'un des plus intéressants parce qu'il fait la démonstration d'un concept, celui d'une agence dotée d'un hémisphère cérébral rationnel et d'un hémisphère cérébral créatif. Ces deux volets sont repris comme logique de participation gestuelle dans l'interface: on fait glisser cette frontière symbolique pour révéler le contenu textuel ou iconographique», analyse Benoît Drouillat. Certes, mais à l'usage, «ce n'est pas évident», estime Jean-François Marti. À noter une utilisation judicieuse de Flickr avec l'intégration du flux d'images dans la rubrique «Offices».

>www.yr.com

 

CLM BBDO

Actuellement «en chantier», le site de CLM BBDO est hors concours, mais sa page d'attente a tout de même suscité des commentaires. «Il est dommage que l'agence n'ait pas profité de la refonte de son site pour étudier davantage la conception de sa page d'attente. Par exemple en proposant au visiteur de s'inscrire à une newsletter pour être prévenu de la mise en ligne du site. Ou bien en intégrant des éléments de sa présence sur les réseaux sociaux», regrette Benoît Drouillat.

>www.clmbbdo.com


H

Manifestement, l'animation psychédélique de la «home page» du site de l'agence a piégé même les professionnels, deux d'entre eux ayant mis un certain temps avant de cliquer sur ladite animation pour entrer dans le site. «C'est hypnotique, tant par l'animation en boucle de ces H multicolores que par la vacuité de sa “home page”. Cela dit, j'aime beaucoup ce côté “fond d'écran”, très “low-tech”. Il faudrait leur dire de nommer le fichier HTML de cette page, intitulé ici “Index”… Cela servirait mieux leur référencement», conseille Benoît Drouillat. Jean-François Marti, lui, a été emballé par le renvoi sur la page Facebook de l'agence, «bien faite, animée et avec des informations intéressantes».

>www.h-paris.com

 

Saatchi & Saatchi

«L'interface m'a semblé d'abord incongrue avec ce “l” manuscrit, qui sert d'interface de navigation, et ses petits personnages. Mais le porfolio recèle une bonne surprise, même si ce type de présentation de photos entremêlées est assez courant. Il est intéressant d'être ainsi impliqué gestuellement avec le système de “drag & drop” [glisser et déposer]», observe Benoît Drouillat. Éric Marillet note par ailleurs que «l'insertion de “liflet” à feuilleter en ligne – pour découvrir les managers ou l'espace de travail – est intéressante.» Mais tout cela reste «un peu compliqué et abstrait», selon Jean-François Marti, qui a remarqué une erreur basique: le bouton «page précédente» du navigateur fait quitter le site.

>www.saatchi.fr

 

 

Le non-site de Modernista

Hors des frontières hexagonales, peu de sites Web d'agences sortent du lot. À signaler en particulier celui de Modernista, à Boston (États-Unis). «Le premier non-site», selon le consultant Frédéric Cavazza. En cliquant sur la première occurrence qui apparaît après une recherche Google, l'internaute découvre une nouvelle page de résultats Google barrée en haut d'un bandeau rouge sur lequel on peut lire «Ne vous inquiétez pas. Vous êtes en train de voir Modernista à travers les yeux du Web». En guise de page d'accueil, l'agence propose un menu discret en haut à gauche avec diverses entrées: «about» renvoyant entre autres sur ses pages Wikipedia, Facebook et Twitter, «work» (les créations de l'agence) sur Flickr, «news» sur Google Blog Search et Google News. «Le parti pris est de n'exister qu'au travers de ce qu'on dit d'elle sur le Net», commente Frédéric Cavazza. Original, mais pas tout à fait vrai non plus, car la seconde occurrence des recherches sur Google donne accès au site de l'agence, sympathique et original, mais avec l'inévitable discours maison.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.