Certains publicitaires considèrent qu'on a raté sa vie si on n'a pas une Rolex à 50 ans. Le quinqua Stéphane Amis, lui, a une vision de la réussite plus proche du surfeur. «C'est la vague qui arrive que je ne veux pas rater, car je sais qu'elle va m'amener plus loin et me faire progresser, lance-t-il. J'ai toujours voulu être en avance dans mon métier.»
Stéphane Amis présente un profil rare: mieux qu'un «digital native» – il n'en a pas l'âge –, c'est un pionnier du Web. Dès 1996, alors chez BDDP Corporate, il publiait Trouver un job sur Internet et Intranet mode d'emploi. Aujourd'hui, alors que des patrons d'agences interactives ont choisi de rejoindre les groupes de communication (Matthieu de Lesseux chez DDB, Philippe Simonet chez TBWA), lui prend la tangente.
À la quarantaine, il avait lâché la présidence de DDB&Co pour créer sa société de production cinéma avant de rejoindre Business interactif en 2007 (devenue Digitas France en 2010). À la cinquantaine, le virus entrepreneurial le rattrape. Il quitte donc la présidence de Digitas France (300 personnes) et de Duke Razorfish (130 personnes), les deux réseaux interactifs rachetés par Publicis Groupe, pour Fullsix, le groupe européen de marketing interactif et relationnel (800 personnes) fondé par le centralien Marco Tinelli, dont il prend la présidence France (450 personnes) aux côtés d'Anne Browaeys, directrice générale.
Faire profiter les autres de son expérience
Associé au capital de Fullsix, Stéphane Amis «fait le choix personnel de devenir très riche», note Stephan Beringer, président international de Digitas et Razorfish, qui regrette son départ, salue son bilan et lui succède en France.
Stéphane Amis abandonne aussi les lourds rouages du groupe Publicis pour retrouver une dynamique d'indépendant, mais reste du côté des pure players, «convaincu que l'avenir est dans les mains des agences natives du numérique». «Fullsix est née en 1997, ce qui lui donne un état d'esprit flexible et une longueur d'avance sur le marché. Le groupe ne traîne pas, comme les agences de publicité, un historique et une nostalgie du passé», commente-t-il, lui qui a passé vingt ans de sa carrière dans les groupes de communication mais a vécu la bulle Internet de l'intérieur comme directeur général de l'agence interactive Fi System de 1999 à 2001 (le premier site de Voyages-SNCF, c'était lui).
Chez Fullsix France, sa mission sera d'organiser un groupe qui a grossi très vite autour de quatre enseignes (les agences Fullsix et Grand Union, l'agence médias et publicitaire 6 AM et le cabinet d'études OTO Research) et qui doit gagner en lisibilité et en statut pour ne rater aucune opportunité. «Je vais apporter un niveau de discours et mon expérience de "grey hair" [senior]», lance-t-il.
Pour Marco Tinelli, qui va pouvoir se consacrer davantage au développement européen, l'arrivée de Stéphane Amis est limpide. «La France, moteur du groupe, est au cœur de notre positionnement alternatif aux groupes traditionnels, indique-t-il. Nous tablons sur une croissance de 25% en 2011, mais nous avons besoin de Stéphane pour structurer et calibrer Fullsix en France, et adapter les offres afin d'accélérer cette croissance organique.»
«Avec Anne, trente-quatre ans, très offensive, et lui senior, ils forment un tandem très complémentaire, ajoute-t-il. Son parcours et sa personnalité sont rassurants pour les grands comptes et il sait cornaquer les managers.» Olivier Abel, directeur général de Duke, en témoigne: «Stéphane est un président opérationnel et un manager très humain qui sait écouter et motiver ses équipes.» Le nouveau président de Fullsix France a prouvé qu'il savait organiser un groupe multiréseau avec Digitas et Duke, comme il avait su structurer DDB & Co en 2001 autour de tous les métiers du corporate. Bref, orchestrer les talents. Ce qu'il faisait déjà lycéen dans son groupe de rock à Dinard.