Fin 2009, le groupe décidait d'investir massivement dans la «digitalisation». Qu'en est-il un an plus tard ? Bilan.

«Nous n'avons pas trouvé la martingale, mais nous commençons à y voir plus clair.» Guillaume Pannaud, président de TBWA Paris, a le succès plutôt modeste. Un an après le début de sa «digitalisation», l'agence de publicité peut pourtant afficher un quasi-doublement de la part de ses revenus réalisés dans le numérique, de 12,5% en 2009 à 22% en 2010. Le tout sur fond de croissance «à deux chiffres» (lire l'encadré). Et se félicite d'un titre de «première agence digitale française» à Cannes.

Décision lourde qui a conduit le président de TBWA Paris à choisir, fin 2009, d'investir 2 millions d'euros dans ce chantier, la «digitalisation» – bouleversement engagé par d'autres agences de publicité, en particulier DDB Paris – apporte, au-delà des chiffres, du sang neuf dans les équipes. Et conduit à revoir les méthodes de travail.

En 2010, TBWA Paris a recruté 41 personnes dans diverses fonctions, notamment de management (Philippe Simonet, ex-Publicis Net, a rejoint l'agence comme vice-président et Grégoire Assémat-Tessandier, ex-Bacardi Martini, comme directeur général), de création (Nathalie Huni, ex-RGA Londres, Guillaume Lartigue et Till Aurousseau, ex-Publicis), de production (Laurence Borne, ex-Publicis Net) et de «digital artist» (création d'un studio de «motion design» aujourd'hui composé de 17 personnes).

Repenser l'organisation

Mais c'est sans doute dans les méthodes de travail et les schémas de pensée que les évolutions sont les plus profondes. Le président de TBWA Paris identifie «au moins trois changements majeurs». En premier lieu, ce qu'il appelle «un "déséquençage" des étapes de travail». «Mettre le digital au centre, c'est accepter de bouleverser l'ordre des séquences traditionnelles d'un plan de communication», souligne-t-il.

Le digital impose aussi «un changement de rythme»: «Nos organisations pyramidales doivent évoluer vers une organisation plus "liquide" et plus réactive, qui regroupe les talents de manière temporaire selon la nature d'un objectif donné.»

Troisième changement, «la nécessaire évolution du team créatif qui doit s'enrichir de "digital artists" et de techniciens regroupés en mode projet». Pour Guillaume Pannaud, «tout comme l'ère du print a connu le rédacteur roi et celle de la TV, donc de l'image, l'apparition du team créatif (un rédacteur et un directeur artistique), le digital force à repenser l'organisation de la création.»

Les outils sur lesquels les publicitaires s'appuient pour travailler sont eux aussi touchés par la révolution numérique. «Au-delà du taux de clic ou du nombre de pages vues, quelle est la trace laissée par les actions digitales?, s'interroge ainsi Guillaume Pannaud. Nous avons créé avec Opinion Way un Observatoire de la trace mémorielle des marques sur Internet.» L'agence en communiquera les résultats prochainement. «C'est assez instructif», promet le président de TBWA Paris.

La question de la formation des équipes à tous ces changements et des freins naturels est évidemment cruciale. Mais les clients sont aussi concernés… Sur le modèle du Disruption Day, TBWA Paris a ainsi créé un Digital Day. «Les marques et entreprises ont souvent investi Internet d'abord pour y être, souligne Guillaume Pannaud. Leur écosystème numérique s'est ainsi construit par strates successives intégrant au fil du temps la mode du moment, se complexifiant souvent sans tenir compte du vrai juge de paix: l'audience.» L'objectif du Digital Day est donc de «cartographier l'existant en tenant compte des flux générés» et de «se poser ensemble la question de la pertinence stratégique de chaque pièce de l'écosystème». «C'est au fond une manière didactique et collaborative de rationaliser et de remettre sens dans des stratégies qui n'ont pas toujours été pensées», conclut-il.

 

(Encadré)

Afflux de budgets

Le «digital» a permis à TBWA de gagner des parts de marché chez la plupart de ses grands clients: SNCF (accompagnement de la stratégie numérique), Cetelem, GMF, Spontex, Pedigree, Whiskas (stratégie numérique), Michelin (déploiement mondial des campagnes en ligne), etc. L'agence a aussi gagné quatre clients avec, à chaque fois, un important volet digital: Monaco, les chaînes de Fox, et deux marques de luxe sur lesquelles elle est tenue au secret. En 2009, TBWA Paris a perdu l'an dernier trois clients: Kronenbourg, La Redoute, Fnac (l'agence a choisi de ne pas participer à la compétition).

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