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Face au «coup de tonnerre» déclenché par l'affaire DSK, l'équipe de communication du président du FMI a adopté un profil bas, en tout cas officiellement, et en attendant que la ligne de défense de Dominique Strauss-Kahn soit clarifiée.

«Dans ce genre d'affaire, on ne joue pas les médias contre les juges.» Contacté au lendemain de l'inculpation de Dominique Strauss-Kahn, président du Fonds monétaire international (FMI), pour agression sexuelle, séquestration et tentative de viol, Stéphane Fouks explique la position très discrète adoptée par l'équipe rapprochée des communicants de DSK, dont il fait partie avec Gilles Finchelstein et Anne Hommel, tout deux employés par Euro RSCG, respectivement comme directeur des études et consultante chargée entre autres du FMI pour l'Europe et l'Afrique. Sans oublier Ramzi Khiroun, directeur des relations extérieures du groupe Lagardère, lui aussi précédemment passé par la filiale d'Havas.

Apprenant l'affaire dimanche matin à 2 heures, le vice-président d'Havas et président exécutif d'Euro RSCG Worldwide a aussitôt contacté ses trois «associés». Rendez-vous est pris dans la matinée avec Jean Veil, l'un des avocats de DSK, pour définir la stratégie à suivre. Les communicants resteront en retrait: «Il faut savoir parfois ne pas communiquer.» L'affaire Florence Cassez, prise au piège d'une spirale politico-médiatique au Mexique, est dans tous les esprits. Entre de bons papiers dans les médias et le juge new-yorkais, le choix s'impose très vite.

 

La parole sera donc portée par les avocats et… Anne Sinclair. Le soir même, l'épouse de Dominique Strauss-Kahn diffuse un communiqué affirmant qu'elle ne doute pas «que [l'] innocence [de son mari] soit établie», tout en incitant «chacun à la décence et à la retenue».

Pour Georges Dardel, fondateur du cabinet de communication politique DA Conseil, «les mieux placés pour parler sont les avocats et, effectivement, le ou la conjoint(e) de la personne mise en cause, qui apporte une dimension plus humaine». Dans le cadre d'une telle crise, «toute information diffusée, même en France, peut avoir une incidence sur le dossier judiciaire outre-Atlantique», confirme Marc Vanghelder, président de Leaders & Opinion, qui conseille de nombreux élus de droite.

Officiellement, les «spin doctors» ne répondent donc plus aux appels et aux sollicitations des médias. Pour l'heure, seule Anne Hommel, très proche du couple Strauss-Kahn, a fait le voyage à New York. Mais si, outre-Atlantique, une offensive médiatique est jugée contre-productive par la bande des quatre, en France, il est difficile de les imaginer les bras croisés.

Et ce alors que, mis en cause pour leur «complaisance passée» (lire l'encadré), les médias français exhument d'anciennes «affaires» sur DSK: sa liaison avec une employée du FMI en 2008, son agression supposée, sept ans plus tôt, contre la jeune écrivain-journaliste Tristane Banon…

 

Mobiliser des élements de langage et des alliés

Face à ce flot d'informations, les conseillers de Dominique Strauss-Kahn estiment qu'il n'y a pas grand chose à faire tant que le dossier judiciaire n'a pas avancé. C'est aussi l'avis de Robert Zarader, fondateur de l'agence Equancy & Co, qui conseilla entre autres le socialiste Julien Dray: «C'est une situation ingérable pour les communicants. Il leur est très difficile de lutter contre cette image mondialisée de DSK sortant du commissariat.»

Ils seraient réduit à être de simples spectateurs? Cela a au moins l'avantage de les soustraire opportunément du devant de la scène, après l'avoir tant occupée ces derniers mois:«Le nouveau gourou des politiques» (Le Point, 19 novembre 2009), «Stéphane Fouks, l'homme qui murmure à l'oreille de DSK» (L'Express, 18 février dernier),«La bande des quatre de DSK» (Le Monde, 14 mai)… Une surexposition qui commençait à agacer l'entourage politique de Dominique Strauss-Kahn.

Mais il est difficile d'imaginer que le contact avec les médias ne soit pas maintenu. «Les communicants doivent être présents, via une cellule de crise, en se faisant le relais des informations des avocats et en gérant l'image de DSK, rappelant ce qu'il a fait d'important dans chaque poste qu'il a occupé, sur le mode “On ne sait rien sur l'affaire pour le moment, DSK ne s'étant pas encore exprimé, mais nous savons ce qu'il a fait de bien dans son parcours de ministre, etc.», estime Nina Mitz, présidente de l'agence Financial Dynamics et ancienne conseillère de Dominique Strauss-Kahn à Bercy.

«En période de crise, les communicants doivent mobiliser des éléments de langage et des systèmes d'alliés, journalistes et politiques, afin de faire passer des messages, notamment sur Internet. Je ne doute pas que l'équipe d'Havas, réputée volontariste, s'y emploie», estime pour sa part Stéphane Rozès, fondateur du cabinet CAP.

 

La thèse du complot accrédité

Dans les faits, après un premier tir de barrage sur le thème «cela ne lui ressemble pas», les soutiens de DSK ont rapidement adopté un discours de victimisation, en s'appuyant sur les images le montrant menotté et en comparution au tribunal de New York, certains glissant la thèse du complot, semble-t-il avec une certaine résonnance dans l'opinion: 57% des Français (70% des sympathisants socialistes) estimaient en effet lundi 16 mai que «DSK est victime d'un complot» selon l'institut CSA (groupe Bolloré, premier actionnaire d'Havas) qui a formulé cette question à chaud dans le cadre du baromètre présidentiel pour BFM TV, RMC et 20 Minutes paru le 18 mai. «Tant que DSK n'a pas annoncé sa ligne de défense, il n'y a pas de problème de communication», conclut Claude Fitoussi, ancien conseiller de Jean-Pierre Chevènement. En attendant, tout l'art est d'occuper le terrain sans le dire.

 

Lire aussi : «A qui profite le sondage sur le complot ?» 

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