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Frédéric Winckler, président de JWT France, a été élu mardi 7 juin président de l’Association des agences-conseils en communication (AACC) pour deux ans. Il présente ses priorités et sa conception du rôle de celle-ci.

Pourquoi avez-vous décidé d'être candidat à la présidence de l'AACC?

Frédéric Winckler. C'est une décision qui ne se prend pas sur un coup de tête. Cela se mûrit. Présider l'AACC représente un investissement personnel important, un travail supplémentaire par rapport à celui de gérer une agence, qui est déjà assez prenant. Je suis administrateur de l'AACC et vice-président depuis deux ans. J'ai appris à la connaître, à voir ce qu'elle pouvait faire, ce qui pouvait la freiner, à mieux comprendre nos enjeux communs. Quand Nicolas Bordas a indiqué qu'il ne se représentait pas, je me suis dit que j'avais un certain nombre de points de vue auxquels je tenais fortement et que je voulais proposer aux membres de l'association.

 

Des points de vue qui n'étaient pas assez portés?

F.W. Pas exactement. Chacun a sa façon de faire. Nicolas avait la sienne, comme Hervé Brossard, par exemple, avant lui. Le président de l'AACC est celui qui donne l'élan et la direction. Ce n'est pas un travail solitaire, il faut savoir rassembler les énergies. Je me suis donc dit que c'était l'occasion pour moi de porter mes combats et mes opinions sur le marché et ses évolutions.

 

Qu'est-ce qui vous distingue de Laurent Habib, président d'Euro RSCG C&O, qui a longtemps été le seul candidat?

F.W. Nous avons été concurrents d'un jour. Nous avons des personnalités et des approches différentes. Chacun a été libre de se déterminer. Laurent est quelqu'un que j'aime beaucoup. Je lui avais dit que si je n'étais pas élu, on continuerait à travailler ensemble. L'inverse est vrai.

 

Quels sont vos principaux chantiers?

F.W. À l'externe, nous devons, de manière plus systématique et en profondeur, travailler nos relations avec l'Union des annonceurs, le Club des annonceurs, l'Iinteractive Advertising Bureau et les pouvoirs publics. En interne, il faut faire évoluer les délégations, décloisonner leur fonctionnement et fluidifier l'information. Avec le digital, qui devient transversal, nos agences font de plus en plus de choses, développent de plus en plus d'expertises complémentaires. Aussi doivent-elles pouvoir puiser dans différentes délégations. Il faut également rassembler ces dernières autour de valeurs, de messages et de combats communs.

 

Lesquels?

F.W. J'en vois deux principaux. La créativité, d'abord. Pas celle du spot de 20 secondes, mais celle, plus large, transversale, qu'on trouve dans le design comme dans l'écriture, dans la publicité comme dans le branding et jusque dans les produits… Pas la créativité pour s'amuser, mais parce qu'elle crée de la valeur pour les entreprises et les publics. Mon deuxième point, c'est le digital. Je veux faire de l'AACC un moteur de l'avance digitale des agences. Le digital est une énorme opportunité pour les agences dans le combat pour la création de valeur et la rémunération.

 

Va-t-il y avoir un changement dans la gouvernance de l'AACC?

F.W. Oui, mais il est trop tôt pour vous répondre précisément. Je ne suis pas un grand obsédé des équilibres de groupes. C'est plus important pour moi de trouver des personnalités fortes qui ont du temps à passer à l'AACC. Qu'elles viennent d'une grande ou d'une petite agence, d'un groupe ou d'agences indépendantes peu importe. Je veux des gens qui ont envie d'avancer.

 

Sur les compétitions et la rémunération, y a-t-il encore du travail à faire?

F.W. Nous avons pas mal travaillé là-dessus depuis deux ans, mais nous sommes encore très loin du but. La rémunération reste une question clé. Il faut arriver à démontrer et à faire comprendre la valeur des agences. La question des compétitions fait partie de cela. Si nombre de compétitions se déroulent très bien, beaucoup se passent mal et certaines sont scandaleuses. Lors de l'élection, j'ai dit «ne votez pas pour moi si vous n'êtes pas prêt à prendre certaines positions dures et à les tenir ensemble». On n'est pas sur un terrain de compromis.

 

Vous voilà très offensif!

F.W. Nous ne pouvons pas accepter d'être une profession sur laquelle on cogne tout le temps parce que c'est utile politiquement. Nous sommes des moteurs de croissance pour notre pays et nous devons le prouver. Nous nous défendrons mieux en démontrant en quoi notre métier est excitant et en quoi il apporte une réelle valeur à notre pays. Vivre dans un pays sans publicité ni branding, je ne souhaite cela à personne. De même, pour revenir à la rémunération, nous ne pouvons pas être un métier qui accepte de tout donner gratuitement. Les designers ne le font pas, les architectes ne le font pas, pourquoi le ferions-nous? Ce n'est pas possible, c'est dangereux.

 

Qu'est-ce qu'il faut faire pour convaincre les Français de redevenir publiphiles?

F.W. La publiphobie existe, mais contre la mauvaise publicité. Tout le monde connaît des publiphobes qui aiment certaines marques! Après, il y a aura toujours des gens qui n'aiment pas les marques. Nous n'obligeons personne à consommer. L'enjeu est de trouver des manières créatives de créer de l'engagement et de la valeur pour les publics et pour les marques.

 

La publicité est souvent prise comme bouc-émissaire, vous l'avez dit. Craignez-vous à cet égard la campagne électorale qui s'annonce?

F.W. C'est sûr, taper sur la communication va devenir très facile. Nous sommes des cibles que les gens aiment utiliser pour se faire mousser. Il n'est pas question de se faire marcher dessus de la sorte. Encore une fois, sans nos métiers, la croissance française serait amputée. Pendant la crise, nous avons sauvé des entreprises et des emplois. Nous sommes trop discrets là-dessus. Dans un autre registre, mettre des mentions légales sur toutes les publicités n'a aucun impact. C'est une maladie française. Cela ne traite pas le fond du problème. J'ai vraiment envie d'être combatif sur tous ces sujets.

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