Talents à suivre
Clémentine Larroumet et Antoine Ricardou ont créé un studio de design graphique il y a douze ans. Des profils atypiques, auteurs de créations chics et singulières.

C'est l'histoire d'un architecte qui voulait faire du graphisme. Et c'est l'histoire d'un duo d'amis qui a eu envie, un jour, de faire naître un laboratoire créatif. «En 2000, tout le monde nous disait de créer une agence Web, mais nous trouvions déjà que la marque était plus importante que le média», se rappelle Antoine Ricardou, cofondateur du studio Be-pôles. Il y avait aussi cette notion de plaisir à mettre au centre. «Depuis le début, tous les projets que l'on mène, nous les réalisons en premier lieu pour nous. Si ça plaît ensuite, tant mieux, mais nous faisons d'abord tout pour que les choses existent», ajoute Clémentine Larroumet venue, elle, de l'édition.

Une conviction chevillée au corps qui a donné une structure atypique, tant dans ses champs d'intervention que dans ses réalisations, de la direction artistique du No Mad Hôtel à New York à l'édition d'une collection de livres-photos «Portraits de villes» en passant par l'identité visuelle du Théâtre des Champs-Elysées.

Dernier projet en date, une création hybride entre joaillerie et écriture sortie en décembre. «Nous avons rapproché les marques Caran d'Ache et JEM pour créer une collection de crayons à papier H-5B munis d'une bague en or 18 carats destinée autant à faciliter le dessin qu'à être portée en bijou», explique Clémentine Larroumet. Produite à 107 exemplaires, cette boîte-écrin est vendue 1 790 euros. Mais cette création haut de gamme est l'amorce d'une série «plus abordable» vendue, avec une bague en argent cette fois, pour 300 à 400 euros. Un projet entièrement développement durable, puisque JEM est précisément une marque de joaillerie éthique.

 

S'inscrire dans une histoire 

«Mettre en lumière l'histoire d'une maison», «construire une identité»... La conception graphique est abordée par le duo de Be-pôles comme un travail d'architecture. Sur la douzaine de personnes que compte l'équipe figurent d'ailleurs trois architectes DPLG  (diplômés par le gouvernement). «Beaucoup de gens pensent que l'identité visuelle doit suivre les modes mais nous, nous faisons le contraire. Un logo, même nouveau, doit s'inscrire dans une histoire, celle de la marque. Comme si vous la rénoviez architecturalement parlant. C'est une grosse responsabilité qui incombe aux graphistes», souligne Antoine Ricardou.

Un travail identitaire réalisé, par exemple, pour le Théâtre des Champs-Elysées sur son logo puis ses affiches colonne Morris: «Quand nous avons créé ce logo, tout le monde nous demandait si nous l'avions trouvé dans les archives. Cette signature peut vivre au moins trente ans et cette pérennité correspond à notre philosophie», estime Antoine Ricardou.

Autre réalisation, le travail sur la marque de magasins Merci: du sac en kraft à la papeterie en passant par les bougies, le studio a tout décliné sur une même ligne graphique. Une construction qui trouve son prolongement dans l'aménagement de boutiques pour des marques comme Oxbow ou Wool and the gang (miniboutique studio à New York).

A respectivement 37 et 39 ans, Clémentine Larroumet et Antoine Ricardou ont entre leurs mains un lieu de création inspirant perché au neuvième étage face au Centre Georges-Pompidou (dont ils ont d'ailleurs designé le site Internet). En fonction des projets, le studio Be-pôles sait aussi bien s'entourer, collaborant avec un réseau de talents comme la directrice de création Anne Bessaguet (ex-Ogilvy Action), les photographes Benoît Linero ou Oliver Amsellem. Spécialisé dans les paysages urbains, ce dernier est l'auteur du livre sur Marseille dans la collection «Portraits de villes», sorti en janvier.

Depuis fin 2007, le studio Be-pôles est, en effet, devenu une maison d'édition. Seize livres-photos ont, un à un, vu le jour, chacun mettant en lumière un couple inédit: une ville et un talent photographe.

Trouver des prolongements à leurs projets est aussi une des antiennes du studio. De la série «Portrait de villes» est né également un programme artistique pour le No Mad Hotel (groupe Sydell) ouvert en 2012 sur Broadway. A l'origine uniquement en charge du branding de l'hôtel, Be-pôles a fait des murs des 168 chambres un terrain de jeu créatif. Suivant la ligne éditoriale des «Portraits de villes» (une couleur, une ville), chaque chambre a été décorée autour du voyage avec des photographies contemporaines et vintage, des gravures... «Nous avons fait un mélange entre l'ancien et le contemporain. Nous avons même mis certains de nos propres dessins», détaille Clémentine Larroumet.

New York est, d'ailleurs, une ville dans laquelle Be-pôles est présent depuis 2009 avec une équipe permanente de trois personnes. Et dans ce royaume de la typographie issue de la culture de la réclame, le studio fait mouche avec sa touche «française».

«Dans le futur, j'aimerais beaucoup réitérer une direction artistique d'hôtel», confie Antoine Ricardou. Pourquoi pas dans l'Hexagone cette fois? «Il faudrait que l'hôtel s'intègre dans un projet qui puisse faire évoluer tout un quartier. Exactement comme le magasin Merci l'a fait autour de lui. Mais je ne suis pas sûr que l'on en soit capable en France...»

 

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