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Crise, loi Sapin, «ad exchanges», compétitions… A l'occasion des 3es Rencontres de l’Udecam, Bertrand Beaudichon (OMG/Omnicom), son président, et Sébastien Danet (Vivaki/Publicis Groupe), son prédécesseur et créateur des Rencontres, abordent les grands chantiers de la profession.

«Crise économique et crise technologique, double choc pour un défi unique» sera le thème d'ouverture des Rencontres de l'Udecam (Union des entreprises de conseil et achat média). Quel est justement l'impact de la conjoncture sur les médias et sur l'achat d'espace publicitaire?

Sébastien Danet. Le 2e trimestre 2013 a été meilleur que le 1er et le 3e n'est pas mauvais. Les prix sont bas, mais les volumes ne se sont pas cassés la figure.

Bertrand Beaudichon. La déflation liée à une guerre des prix à laquelle se livraient les grands de la télévision a pris fin. Point positif, le prix net a cessé de baisser, il tend même à remonter à la télévision. Or, c'est celle-ci qui donne le «la»: la déflation dans la télévision au 1er trimestre avait un impact sur les autres médias, qui décrochaient à sa suite, à part la radio et l'affichage.

 

Ce printemps, il a beaucoup été question de la loi Sapin et de son adaptation au développement des nouvelles technologies, notamment les «ad exchanges». Où en est-on ?

B.B. Chacun d'entre nous, l'Udecam, le Syndicat des régies Internet [SRI] et l'Union des annonceurs [UDA] a donné ses positions à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF] sur la question de la rémunération des «ad exchanges» et des activités à la performance. A l'Udecam, nous essayons de faire reconnaître que nous ne sommes plus seulement des acheteurs d'espace, mais aussi que nous délivrons des performances marketing. Se pose ainsi la question de notre mode de rémunération: nous n'avons pas vocation à être rémunérés au volume de ce qu'on achète, mais en fonction des ventes, de l'activité à la performance qu'on génère. Il faudrait donc une forme de rémunération variable à la performance ou au temps passé.

S.D. La loi Sapin s'applique déjà à la publicité numérique aussi bien sur le «search» que le «display». Les enjeux des «trading desks» en temps réel sont différents, car leurs services vont bien plus loin que l'achat d'espace: récolte de «data», mise en place de technologies d'analyse et conseil stratégique. Cette activité très riche ne me semble pas cadrer avec la logique de la loi Sapin, qui est binaire: pour elle, on est soit mandataire –agence médias pour le compte d'un client–, soit une régie [médias]. Mais avec le Real Time Bidding [RTB], on ne peut pas se permettre d'avoir les contraintes d'un contrat de régie classique, les éditeurs constituant chaque jour de nouvelles places de marché et proposent des inventaires de facto non garantis car ajustés en temps réel. Si l'on est mandataire, les contraintes rendent inopérant le trading desk. Le métier a changé et nous devons faire évoluer le système pour ne pas nous laisser enfermer.

 

Quelle part de vos revenus génère la vente d'espace publicitaire en temps réel?

B.B. Pour Omnicom, par exemple, les ad exchanges représentent aujourd'hui 15% des volumes display… soit 15% de nos achats totaux. Ce qui représente environ 2% de notre chiffre d'affaires estimé pour 2013.

 

Outre la loi Sapin, quels autres sujets avez-vous abordé ces derniers mois avec les pouvoirs publics?

S.D. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les ministères de l'Economie et de la Culture ainsi que le Conseil supérieur de l'audiovisuel [CSA]. On constate qu'ils desserrent un peu l'étau, ils ont un discours plus propice à l'investissement publicitaire.

B.B. Ils ont lancé des consultations sur l'ouverture de secteurs interdits à la publicité TV – édition, cinéma, promotion des grandes surfaces–, le sponsoring TV où l'on montrerait des produits et la relance éventuelle d'une nouvelle chaîne de TNT.

 

Y a-t-il d'autres dossiers sur lesquels vous travaillez de concert avec l'UDA ou d'autres associations professionnelles?

B.B. Nous travaillons actuellement avec l'Association des agences-conseils en communication [AACC], l'UDA, le Syntec RP et l'Association design communication [ADC] sur l'édition d'une charte des bonnes pratiques en compétition, qui devrait voir le jour fin septembre. Elle engagera l'agence et l'annonceur, à chaque compétition, sur une des bonnes pratiques énoncées autour de trois critères: transparence, sincérité et responsabilité. Un observatoire se réunira deux fois par an et jouera le rôle de gendarme. Il y aura une sorte de corps arbitral, chaque syndicat reprendra un de ses membres (annonceur ou agence) s'il sort des clous. Mais il n'y aura pas de communications individualisées par l'observatoire sur telle ou telle compétition, juste le nombre moyen de critères respectés et, éventuellement, des études sectorielles.

 

A propos des compétitions, il y a des fâcheries récurrentes, comme le nombre d'agences consultées et le coût induit pour ces dernières…

B.B. Sur le nombre, on ne pourra jamais agir. Il est proportionnel à l'état du marché, on est dans une année de crise. Mais on peut agir sur les délais impartis, il y a eu un certain nombre d'abus en la matière. La charte portera aussi sur cela.

S.D. Il y a aussi la question de la fréquence. On passe en général des contrats pluriannuels de trois ans, renouvelés une fois dans environ 70% des cas. Donc, il ne faudrait pas lancer des appels d'offres pour rien.

 

Quel est le coût des compétitions pour une agence médias?

B.B. Cette année, chez OMG par exemple, où nous avons beaucoup de compétitions à cause de la crise, cela mobilise 15 à 20 personnes à plein temps, sur 380 salariés, plus tous les frais externes engagés. Une grosse compétition revient environ à 100 000 euros.

 

Quels sont les autres sujets sur lesquels vous voulez mobiliser les agences durant ces Rencontres?

B.B. Il y a un retard de la France pour la publicité sur Internet [20% des investissements publicitaires au 1er semestre, d'après l'observatoire SRI-Udecam], malgré le très bon taux d'équipement des ménages. Ainsi que pour celle sur mobile [1,8% des investissements publicitaires en ligne], peut-être faute de système de «tracking» de données et d'inventaire à proposer.

 

Parmi les prochaines innovations, il y aura peut-être bientôt le RTB à la télévision. Outre-Atlantique, Interpublic travaille avec des chaînes en ce sens. Serait-ce transposable en France?

 

B.B. C'est positif, pour les capacités de ciblage que cela offre, et pour l'annonceur, il y aura un effet de baisse de coûts évident. Mais il y a un frein en France, le faible taux d'usage des télévisions connectées, contrairement aux Etats-Unis. Autre frein, le faible taux d'inventaire des invendus disponibles. Aux Etats-Unis, il y a une multitude de chaînes numériques régionales qui ont des stocks d'invendus.

S.D. En France, on pourrait mettre des invendus de chaînes du câble, du satellite et de la TNT. Avec le taux d'équipement des box, il y a des capacités de ciblage… Cela arrivera de toute façon. En début d'année, quand le marché a commencé à plonger avec l'arrivée des nouvelles chaînes TNT, celles du câble et du satellite ont été zappées. Demain, ont-elles intérêt à se mettre sur des plates-formes alors qu'elles ont des inventaires limités?

B.B. Mais il faudrait qu'elles se mettent d'accord pour réunir dans une place de marché les inventaires disponibles, pour réguler leurs prix et les mettre à disposition via une sorte d'ad exchange pour les chaînes thématiques, comme MTV, Fox, etc.

 

Quel impact aura la fusion Publicis-Omnicom sur vos agences et dans le secteur?

S.D. Nous ne souhaitons pas commenter cette opération tant qu'elle n'est pas effective. 

 

encadré

Les 3e Rencontres de l'Udecam

L'Union des entreprises de conseil et achat média organise jeudi 5 septembre à la salle Wagram, à Paris XVIIe, ses 3es Rencontres, sous la forme de débats, tables rondes et interventions. A suivre notamment le débat «Crise économique et crise technologique, double choc pour un défi unique», l'allocution d'ouverture d'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, les tables rondes «La publicité peut-elle tout financer?» et «Numérique et publicité: la France, frileuse de l'innovation?», les conversations avec la Silicon Valley et avec Richard Girardot, président de Nestlé France, et enfin le grand témoignage de clôture (Yannick Bolloré, Havas).

 

En savoir+: www.udecam.fr

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