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Après de récents gains de budgets structurants, notamment en grande consommation, la nouvelle agence de Laurent Habib semble tenir son carnet de route... mais gare à l'embardée!

Les premiers mois furent difficiles, très difficiles même de l'aveu de Laurent Habib. Mais si au cours de l'été 2012, en proie aux affres de la création d'entreprise, il crut bien un moment "disparaître du radar de la communication", Laurent Habib, 51 ans, estime aujourd'hui, à l'heure de clôre le premier exercice de son agence Babel, avoir réussi son pari. "Nous sommes en train de créer un nouveau modèle d'agence, hybride, basé sur le croisement des regards et des compétences et ce, tout en faisant de la R&D en permanence et en créant de nouveaux outils en marchant. Tout est à inventer, nous avons une chance extraordinaire!", assure-t-il, avec l'enthousiasme et l'assurance qui le caractérisent.

Babel est née de la fusion en juin 2012 de l'agence de design Plan créatif et de l'agence corporate Ligaris avec sa filiale édition L'Agence. Le projet initial devait inclure l'agence digitale Ministère. Mais à peine entamée, l'association tourna court, "pour des raisons d'organisation", se contente encore aujourd'hui de commenter Laurent Lilti, cofondateur de Ministère, qui ajoute être resté en bons termes avec Laurent Habib même s'il déclare ne pas avoir de clients communs. Les méthodes de travail de Laurent Habib et sa vision très "outil" du digital seraient les vraies raisons de cette association avortée avec Ministère qui devrait à terme quitter les locaux de Babel, rue Greneta dans le 2e arrondissement de Paris.

 "En janvier prochain, nous annoncerons une initiative en matière d'offre digitale", rétorque sans plus de détail Laurent Habib qui par ailleurs compte à terme intégrer des compétences "shopper" (communication sur le point de vente), packaging, data et aussi médias. Sur cette dernière expertise, Babel travaille pour l'instant essentiellement avec Aegis Media. Seuls les métiers de l'événementiel délégués à Human Live, de la production audiovisuelle confiée entre autres à Elephant et de la communication financière, resteront externalisés.

Ces douze derniers mois, la "communauté Babel", comme aime à la désigner Laurent Habib, s'est déjà adjoint les compétences d'entreprises aux activités connexes à la communication, soit par acquisitions, soit via des partenariats. Ce fut d'abord le cas de GZL, société de production (photomontage, images 3D et créations digitales) qui a rejoint en janvier les équipes créatives de Paul Wauters, ex-Being, directeur de la création de Babel depuis juillet 2012.

Risques d'embardées

En avril, Akoya consulting, cabinet conseil spécialisé dans la gestion et la valorisation des actifs immatériels (un sujet cher à Laurent Habib, auteur de "La force de l'immatériel" au PUF), cédait 25% de son capital à Babel en échange d'un partenariat stratégique sur les problématique de la valeur des marques. Enfin en septembre, l'agence a fait l'acquisition du cabinet conseil Accès public de François-Xavier Dugourd, vice-président du conseil général de la Côte d'Or qui accompagne les entreprises dans leurs relations avec les collectivités territoriales.

A ce jour, ce nouvel ensemble de 160 personnes, un peu hétéroclite mais mû par l'indéfectible dynamisme de son patron, vise cette année les 15 millions d'euros de marge brute et un résultat net supérieur à un million d'euros. Détenu aujourd'hui à 73% et à terme à 80% par Laurent Habib (les 20% restants devant revenir à une dizaine d'associés), Babel ambitonne d'ici quatre ans d'employer quelque 300 personnes et de devenir une alternative sur le marché français à Publicis et Havas.

"C'est à l'image de l'ego surdimensionné de Laurent, qui a gardé ses réflexes de patron de grand groupe tout en construisant son projet sur une politique salariale avec de très gros salaires en haut de la pyramide et des niveaux de rémunération plancher en bas", confie un observateur. Dans cette course à la taille, les risques d'embardées ne sont pas à exclure, estime un autre expert du marché: "Avec des objectifs aussi ambitieux, les petits budgets, moins rentables ou moins prestigieux, sont parfois délaissés".

Le pari est de fait audacieux, mais il semble déjà prendre forme. "La promesse d'expertises intégrées commence à se réaliser, en témoignent les arrivées de talents confirmés comme Marion Combaluzier [ex-DG de Textuel-La Mine] et Julie Gaye-Espalioux [ex-Golin Harris et Lowe Stratéus]", estime Fabrice Valmier, directeur associé du cabinet conseil en choix d'agences VT Scan qui vient de finaliser un appel d'offres pour la gestion du budget digital des marques de Henkel en France, justement remporté par Babel en finale face à Wunderman.

Après les gains cet été du repositionnement du site d'e-commerce Pixmania et en octobre dernier du dispositif d'activation en magasin du chocolat Côte d'or et de la stratégie d'activation d'Heudebert, le budget Henkel arrive à point nommé pour Babel, dont l'image reste encore très corporate. Hormis Banque populaire, client fondateur de l'agence à la fois corporate et commercial, les grands comptes sont pour l'essentiel institutionnels: Bouygues Immobilier, Korian, RFF, SNCF, Sodexo...

"Mon objectif d'ici quatre ans est de réaliser 50% de l'activité de Babel en communication commerciale et 50% en corporate, lance Laurent Habib. Nous y parviendrons parce que nous sommes en train de créer la communication post-digitale qui ne s'inscrit plus dans une logique de message (ce que j'ai à dire) mais dans une logique de sujet (ce que j'ai à partager avec les gens). Cela change en profondeur les plans d'action qui se recentrent sur les attentes et les usages du client et non plus sur la marque comme le font les publicitaires".

Enfin, un brin mégalo, l'incorrigible président de Babel conclut: "Publicis Omnicom est une agence créée pour résister à Google et consorts, Babel est un agence qui travaillera aux côtés de Google..." Rendez-vous dans quatre ans.

 

Encadré

 

Babel en bref

 

Juin 2012. Création de l'agence

160 collaborateurs

15 millions d'euros de marge brute en 2013

1 million d'euros de résultat net en 2013

80%. Parts à terme détenues par Laurent Habib

20% des parts répartis entre dix associés: Fabienne Cammas (DG), Paul Wauters (directeur de la création), Philippe Le Meau (direction des programmes), Marion Combaluzier (contenus), Camille Cros (développement), Julie Gayre-Espalioux (influence et social media), Cédric Ghozzi (consulting stratégique), Stéphane Jacquin (secrétaire généra), Fanny Lederlin (planning stratégique) et Solène Madec (relation client).

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