Dans son ouvrage « L’été numérique » (éd. Débats Publics), Thierry Jadot, PDG de Dentsu Aegis Network France, revient sur huit révolutions numériques-clés pour les entreprises, tels le pouvoir des « consommateurs-citoyens » et hybridation des comportements online et offline.

Dans votre ouvrage, vous affirmez que l'on a dépassé l'ère du «printemps numérique». Qu'entendez-vous par là ?

Thierry Jadot. Nous sommes au début d'un processus qui concerne toutes les entreprises, transforme tous les étages. Je parle d'«été numérique» car ce n'est pas un simple phénomène de mode, cela s'installe. En entreprise, nous allons devoir aller aussi vite que l'accélération des usages. Le numérique pose la question de la légitimité des marques, et des corps intermédiaires, tels les agences, les journalistes et les enseignants. Chaque fonction doit démontrer plus qu'avant sa légitimité.

 

Vous parlez de la multiplication des plateformes d'intermédiation entre consommateurs, ou entre vendeurs et acheteurs. Ce qu'évoque aussi l'Udecam dans son étude sur le paysage media en 2020. Quelles sont les leçons à en tirer pour les marques?

T.J. En effet, on a vu se multiplier les nouveaux intermédiaires, tels Le Bon Coin, Airbnb ou encore BlaBlaCar [qui vient de lever 70 millions d'euros]. Le risque est que la marque-interface, telle Amazon ou TripAdvisor, devienne plus puissante que les marques qu'elle référence. Il est nécessaire pour ces dernières d'aller engager en direct des clients ou des prospects, de leur faire vivre des expériences. Certaines commencent à s'imposer comme marques-interfaces, référentes, telle Voyages-sncf, qui va sur le territoire du voyage.

 

Vous insistez sur l'importance de la data, qui «recrée notre personnalité unique numérisée, grâce à une connaissance plus précise de nos centres d'intérêt». Et qui met fin à l'anonymat publicitaire des mass media...

T.J. Oui, prenez la télévision classique: elle ne permet qu'une recomposition parcellaire du profil. Alors que la télévision connectée permet de retracer notre historique de navigation, et donc de mieux connaître le profil des personnes en temps réel. A terme, la technologie permettra ainsi de proposer des écrans publicitaires personnalisés. L'accès à la data en temps réel a aussi changé les choses sur l'achat publicitaire, avec les ad exchanges, et l'accès à des contacts qualifiés.

 

Côté médias, vous évoquez l'importance d'avoir des marques puissantes.

T.J. Les médias sont des marques, qui doivent trouver leur territoire. Jamais les revenus publicitaires issus du digital ne compenseront ceux issus du papier. La revue AD (groupe Condé Nast) tire 60% de ses revenus du hors-média. On a vu le débat dans le cas de Libération, qui est une marque assez forte pour trouver des territoires d'expression comme la culture, et l'a initié avec ses Forums en régions.

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