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Sept ans après la création de l'agence et à la veille d'une ouverture à New York, ses fondateurs ont arrêté un nouveau schéma d'organisation. Le début du troisième chapitre de l'une des "success stories" de la publicité française post-crise.

Fred & Farid, saison 3. Du 8 au 10 septembre, quelque soixante-dix cadres de Fred & Farid Group étaient réunis au nord de Paris pour un séminaire. Trois jours de mise au vert pour découvrir la nouvelle organisation du groupe. Après le lancement de F&F en 2007, son passage d'une hotshop à une agence référente avec la digitalisation des esprits et des méthodes, et son internationalisation avec l'ouverture à Shanghai, l'agence ouvre aujourd'hui son troisième chapitre.

Pour les cofondateurs Farid Mokart, 48 ans, et Frédéric Raillard, 43 ans, il est temps de devenir un vrai groupe. Poursuivre l'internationalisation (une agence ouvrira à New York l'an prochain, à une date non précisée) et se préparer aux futurs besoins des annonceurs. Ils ont donc tout réorganisé, en misant sur «les talents». «On a toujours construit à partir et avec les gens, lance Frédéric Raillard. On s'adapte en permanence mais on part toujours des gens. Le reste, c'est de la technique.»

F&F fête ses sept ans, l'âge de raison. «Peu d'agences sont parvenues à grossir significativement et à rester indépendantes [Vincent Bolloré détient à titre personnel 30% du capital] en sept ans», souligne Emmanuel Ferry, directeur général, l'une des chevilles ouvrières de F&F.

Face à cette croissance et devant un futur en pleine révolution, il faut s'adapter. «La réactivité des audiences nous pousse à nettoyer les process pour être plus fluide. Les annonceurs ont des problématiques immédiates pour lesquelles il faut orchestrer les équipes rapidement », explique Farid Mokart qui veut placer la «créativité conversationnelle» au cœur de l'offre du groupe. «La ménagère de demain, ajoute-t-il, c'est la génération Millenium. Cette classe d'âge connectée passera devant les baby-boomers en 2020. Il faut s'y préparer, et y préparer nos clients. On est obligés d'être dans l'innovation et l'anticipation.»

 

L'expérience chinoise

 

Cette adaptation n'est pas le fruit du hasard. Depuis deux ans que le bureau de Shanghai a ouvert, F&F a beaucoup appris. «La Chine nous a totalement transformés, souligne Emmanuel Ferry. Elle a de l'avance sur le monde, c'est manifeste en matière de digital, de médias sociaux. Elle permet d'anticiper l'avenir de la communication.» Avec des budgets comme Porsche, Aven ou Garnier en Asie, le groupe a progressé en matière de «real time storytelling». La campagne Carambar, «The Countrywide Joke», est déjà la mise en pratique de cette expérience.

« Vitesse, pragmatisme, tactique, la Chine a eu une réelle influence sur notre nouveau modèle », insiste Frédéric Raillard, installé dans l'empire du Milieu depuis l'ouverture de Shanghai. «Générer de la conversation est aujourd'hui un atout majeur pour les marques, ajoute Emmanuel Ferry. La réputation est la clé. Mais elle reste très fragile. Intégrer la conscience que la créativité conversationnelle doit être au centre, c'est très important. »

Fred & Farid dispose d'un autre poste d'observation privilégié : le F&F Digital Investment Fund. Créé il y a deux ans, ce fonds a investi dans neuf projets (neuf autres sont prévus pour 2015). Avec lui, les cofondateurs de F&F ont acquis une conviction : la créativité s'exprime désormais dans des services.

« Les agences ne seront plus amenées à vendre uniquement de la communication, mais aussi des technologies », pressent Farid Mokart. Pour eux, une page se tourne. «La grande idée de marque qui descend et irrigue tout, c'est fini, lance Emmanuel Ferry. Nous devons être un groupe multi-spécialiste, bâti autour d'hyper-spécialistes. C'est une bonne nouvelle. Cela remet les talents au centre du terrain. Mais l'ignorer, c'est rester dans la superficialité du digital.»

 

Neuf offres claires

 

Le «F&F nouveau» est né de cette vision. Au total, neuf services s'articuleront selon les besoins des clients : art & craft, branded content, digital activation, digital event, digital luxury, consulting/business consulting, web & apps, social media & ePR, strategy & branding. «Les annonceurs sont perdus. Chacun de ces services matérialise une offre claire, orientée client», avance Emmanuel Ferry.

Ces neuf services travailleront à Paris comme à Shanghai, et demain à New York. Outre-Atlantique, l'agence dont le futur directeur est déjà désigné en interne commencera avec des cadres issus des trois villes. New York est une destination motivée par la demande de certains clients chinois. Mais pour les deux cofondateurs, il s'agit d'une seule et même agence, avec un compte de résultat unique.

A Paris, cette nouvelle organisation s'appuie sur des cadres déjà présents : François Grouiller sur le planning stratégique, Pauline de Montferrand sur le luxe... Mais des recrutements se sont avérés nécessaires.

Côté création, le groupe a débauché chez CLM BBDO Olivier Lefebvre et Benjamin Marchal, deux Executive Creative Directors ECD bardés de prix. Le duo «Ben & O» rappelle aux deux patrons leurs propres débuts. Frédéric Raillard dit avoir recruté «le meilleur team français de sa génération». L'affaire s'est conclue en un tour de main, après une première rencontre en juin 2014, pendant les Cannes Lions.

«Pour grandir soi-même, il faut savoir faire grandir les autres», ajoute Frédéric Raillard, jamais avare de «punchlines». «Il est symboliquement important de faire éclore la nouvelle génération créative.» Les voilà donc nommés directeurs de la création de F&F Paris. L'une de leurs tâches sera d'orchestrer les neuf services de la nouvelle organisation.

 

Créativité intégrée

 

Autre embauche significative, celle de Domitille Doat-Le Bigot qui dirigera le service Web & Apps. Cette ancienne d'Ubisoft et de Cisco (où elle était jusqu'alors responsable de production et «user experience studio design-director») rentre de Chine où elle a rencontré Frédéric Raillard. Son service sera au cœur du nouveau système. Avec la mobilité comme clé de voûte des comportements, la nouvelle recrue devra produire en interne des services parfaitement exécutés.

« Quand on externalise la partie technologique, l'idée créative se dilue. Dans le mobile, nous avons connu plusieurs déceptions suite au développement externe de nos créations. Internaliser la production d'appli nous rend plus indépendants », assure Emmanuel Ferry.

Enfin, Yannig Gourmelon, également une nouvelle recrue au profil atypique, était jusqu'alors associé au cabinet Roland Berger Chine. Ce consultant bardé de diplômes devient secrétaire général du groupe. Il coordonnera les services supports, des RH aux finances en passant par les technologies de l'information. A l'heure du «live» et de la créativité conversationnelle, à lui de fluidifier l'organisation entre les trois continents. «F&F passe à l'âge adulte, explique l'ex-consultant. Il est indispensable de se structurer pour organiser et gérer la croissance.» Ses clients sont les neuf services.

F&F assure désormais être en ordre de bataille pour éviter les dangers des effets de taille. C'est pourquoi les deux fondateurs insistent pour «mettre de la créativité dans la structure» en disséminant les créatifs à tous les échelons. «La Big Idea est dans le process», observe Emmanuel Ferry. L'avenir de F&F est peut-être dans un scénario à fronts renversés. Pour Farid Mokart, l'agence connaît «un switch de modèle»: «Fred & Farid est une boîte de production avec de la créativité intégrée, pas l'inverse.»

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