Expérience cient
Impactées par la digitalisation, l'ubérisation et la convergence des métiers de la communication, les structures spécialistes de la relation client misent sur leur expertise pour se différencier des autres. Parallèlement au mobile, l'émotion s'impose comme un incontournable de la recette.

À l’heure où les clients ont, dit-on, repris le pouvoir, où la data et les nouvelles technologies permettent de les toucher partout et tout le temps, avec une précision chirurgicale, serions-nous enfin entrés dans l’ère du customer centric ? « Le pouvoir a changé de mains grâce au social media et au mobile, confirme Marc Salomone, directeur de Brand Advocate. Devenu consom’acteur, expert du marketing et capable de décrypter le jeu des marques, le consommateur veut donner son avis et être écouté, ce qui bouleverse la relation, à l’image des programmes ambassadeurs que nous lançons actuellement et qui se font avec de vrais clients et non plus des blogueurs. » Une révolution qui ne va pas sans semer un peu de confusion, tant chez l’annonceur qu’en agence, comme le rappelle Philippe Bonnet, président de Rapp France : « Le marché est piloté par la technologie, agrège beaucoup d’expertises, attire de nombreux acteurs, dont certains masquent leurs faiblesses en revendiquant l’expertise de la data, ce qui ne veut rien dire tant le terme recouvre une multitude de sens. »



Un marché plus mature

Par chance, le marché connaît aussi son lot d’évolutions positives, à commencer par une plus grande maturité : celle des annonceurs, devenus « fluent » en matière de dispositifs digitaux, ce qui devrait conduire à la clarification des besoins et des périmètres de chacun ; et celle des agences de CRM, qui ont appris à mieux orchestrer les expertises.

L’autre grande évolution est bien sûr l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) encadrant la collecte et l’usage de la data. Une réglementation qui, bien qu’imposant une révision de leurs modèles et de leurs méthodes, n’a pas fondamentalement changé la raison d’être des agences, qui est de « bien connaître les clients de leurs clients, pour leur faire vivre en tant qu’individus – pas en tant que consommateurs – des expériences qui les rapprochent des marques qui les intéressent », résume Philippe Bonnet. Avec l’ambition toujours aussi tenace de faire de l’individu un consommateur engagé, voire fidèle. « Le client est le premier actif de l’entreprise, sa première préoccupation, ajoute Guillaume Chollet, président de Loyalty Company. C’est un vrai métier que de bien le connaître, avec son style de vie et les parcours qu’il emprunte pour consommer, pour lui proposer l’expérience la plus personnalisée, la plus appropriée, la plus enrichissante, celle qui lui facilite vraiment la vie et lui donne envie de s’engager. »

Si les pistes pour y parvenir sont nombreuses, deux ingrédients apparaissent désormais incontournables : le mobile, bien sûr, mais aussi l’émotion, moteur dans la décision d’achat censée conclure le parcours client. « Sans émotion, le choix se complique, car tout repose sur le cerveau cognitif, rationnel, qui a besoin de temps pour tout analyser, tout comparer, alors que le cerveau limbique, siège des émotions, décide plus rapidement, rappelle Anne-Marie Gaultier, présidente de Datakalab. Nombreux sont ceux qui estiment connaître leurs clients parce qu’ils savent ce qu’ils achètent (ou pas). Plus rares sont ceux qui savent pourquoi ! Une partie des retours d’expérience ne sont pas encore verbalisés, parce qu’on ne peut pas mettre un enquêteur avec un questionnaire derrière chaque client. Mais aujourd’hui, des méthodes et des outils existent pour comprendre les facteurs qui influencent le parcours client,

l’expérience et, in fine, la relation avec la marque. » Parmi ces outils, citons le facial coding, qui permet de détecter en temps réel chaque émotion ressentie par l’analyse des réactions du visage, ou les bracelets connectés qui enregistrent la température du corps, la transpiration et le rythme cardiaque tout au long du parcours client.



Le sacre de l’immédiateté

C’est avec ces bracelets que SNCF travaille actuellement à l’amélioration de l’expérience client dans son univers : « Un client satisfait consomme plus dans les boutiques de nos gares, rappelle Thierry Jacquinod, responsable d’agence Gares & Connexions, qui exploite les 3 000 gares françaises. Nous voulions aller au-delà de l’enquête classique, pour mesurer et comprendre les émotions de nos clients. » Il est apparu par exemple que les annonces sonores généraient des pics de stress perturbant le bien-être des voyageurs. Ces nouveaux outils ont aussi révélé que le mélange d’émotions et de stress liés au départ altérait la perception de leur environnement spatio-temporel. « Tout a l’air plus compliqué et plus loin que ça ne l’est réellement. Persuadé qu’il manque de temps, le voyageur écourte son passage en magasin », commente Thierry Jacquinod.

Après avoir réduit les annonces sonores dans ses gares, l’entreprise travaille actuellement à la mise en place d’une signalétique permettant de mieux se repérer dans le temps et l’espace. Parallèlement, elle a lancé « En gare », une application de guidage et de services en lien avec les commerçants de la gare, ainsi qu’un bot permettant au client de discuter directement avec sa gare pour tout type de renseignements. Parce que, sans surprise, le mobile est devenu le canal prioritaire de la relation client, le seul à revendiquer une proximité physique et quasi permanente avec lui : « Il est devenu la télécommande qui consacre le pouvoir du consommateur dans une logique d’immédiateté, confirme Marc Salomone. Il disrupte l’expérience et la relation client, comme l’ont fait Uber et tant d’autres. » 

Canal de prédilection des millennials et de plus en plus usuel pour les autres, le mobile a déjà bouleversé tous les écosystèmes, y compris ceux des pure players. Et ce n’est qu’un début, prévient Philippe Bonnet : « La parole – via Amazon Alexa, Google Assistant, etc. – est de plus en plus présente dans les comportements de consommateurs. En plus de devoir repenser leur présence visuelle, les marques vont devoir intégrer cette nouvelle dimension. » Utiliser son téléphone pour de la voix, quelle drôle d’idée !

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