Dossier Dossier spécial Dmexco
Directrice des investissements chez Idinvest Partners et membre du conseil d’administration de la Mobile Marketing Association, Chloé Giard fait le point sur le secteur de l’ad tech, qui souffre d’une désaffection.

Où en sont les investissements sur le marché de l’ad tech ?

Chloé Giard. Cinq milliards de dollars ont été investis dans l’ad tech aux États-Unis depuis 2014 et un milliard d’euros en Europe, mais la tendance est en baisse car les investisseurs le perçoivent comme un secteur imprévisible. Certes, notre métier consiste à investir dans des sociétés innovantes donc à risques, mais il faut que le marché soit stable. Or la publicité comporte trop de flou, d’une part avec la réglementation sur la protection des données dont on ne connaît pas l’impact exact, et d’autre part en raison de multiples scandales liés à la fraude. Il y a eu beaucoup de grosses levées de fonds et d’IPO [introduction en bourse] décevantes, avec des sociétés qui n’ont pas réussi à s’adapter à un marché en constante évolution. Le manque de stabilité réglementaire et de transparence, ainsi que le duopole de Google et Facebook, détournent une grande partie des investisseurs financiers.

Sur quelles start-up misez-vous ?

Nous croyons beaucoup en Ogury, une société créée en 2014, qui était conforme au RGPD dès l’origine. C’est une vraie success story avec des bureaux à Londres, Paris et New York. Ils auraient cependant pu aller encore plus vite si le marché de l’ad tech était plus attractif pour les investisseurs financiers. Nous investissons aussi dans Adjust, une solution spécialisée dans l’attribution, qui favorise la transparence, et dans 21Buttons, un réseau social et une ad tech qui assure une traçabilité parfaite entre le partage d’un produit et la rémunération de la marque partenaire, ce que ne permet pas Instagram. Nous avons été un des premiers investisseurs de Criteo en 2006, et nous continuons à les soutenir, mais il est clair qu’ils ont souffert de la remise en cause des cookies. La France est bien située sur le marché de l’ad tech, avec une forte expertise métier, un écosystème actif et de très bons ingénieurs, mais ses start-up auraient dû se développer plus vite.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Il faut trouver des solutions pour que les médias soient rémunérés tout en préservant le contrôle des utilisateurs sur leurs données. L’explosion des usages mobiles ces cinq dernières années a entraîné l’explosion de la collecte de données personnelles. Cela représente autant de risques que d’opportunités pour les utilisateurs, les médias et les sociétés ad tech. Je défends une expérience personnalisée de la publicité, dans laquelle l’utilisateur a un parfait contrôle de ses données et peut à tout moment décider de ne plus les partager, en favorisant par exemple un accès payant aux médias. J’ai rejoint le conseil d’administration de la Mobile Marketing Association pour faire avancer la réflexion sur l’avenir du modèle économique des médias, tout en apportant transparence et contrôle aux lecteurs/utilisateurs.

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