Tribune
Frédéric Raillard et Farid Mokart, fondateurs et présidents du réseau Fred & Farid Los Angeles, New York, Paris, Shanghai, ont officié chez CLM à la fin des années 1990/début des années 2000 où ils ont travaillé sur les budgets Pepsi ou Brandt.

Un bâtiment noir rouillé, aux allures d’Alcatraz, qui prenait l’eau. Trois lettres. C.L.M. Un petit escalator écrasant, qui faisait baisser la tête sous le poids du métal, puis lever les yeux vers le ciel. L’odeur brute de la pub. Le parfum étourdissant des idées.

Voir CLM fermer en 2020, c’est comme laisser partir notre maman. Envie de chialer. Nous sommes nés chez CLM, sous la direction d’un trio extra-ordinaire : Christophe Lambert, Valérie Accary et Anne de Maupeou. Trois personnalités hors normes. Trois immenses talents. Deux femmes extraordinaires, et un homme extraordinaire. Un triangle explosif, beau.

Feu sacré

Il aura fallu du courage, de l’instinct et de l’anti-conformisme à ce trio pour faire confiance à deux jeunes provocateurs passionnés, et leur confier les budgets internationaux de l’agence. Nous étions les plus jeunes directeurs de création en France, des bébés impétueux animés par un feu sacré qui les brûlait intérieurement, et brûlait tout autour d’eux.

Le trio était devenu cinq, et pouvait lever le poing vers le marché international. CLM a initié l’ouverture du marché français sur l’international. Cette ambition, cet orgueil français, nous le devons à Christophe, Valérie et Anne. Nous. Nous tous. La pub française. Nous le leur devons. Ils ont brisé pour nous le bocal du bassin parisien.

Christophe(1) est parti. Envie de lui écrire : « Christophe, malgré les tensions de nos trois têtes de cons… merci. C’est toi qui a baissé le pont-levis de la forteresse publicitaire, et nous a fait rentrer… merci. Ton ambition s’est mêlée à la notre dans une inspiration, une folie sublime qui a ouvert tous les possibles. Ami, repose en paix. On se retrouvera au Valhalla. On ira boire, s’engueuler et se réconcilier. »

Anne(2) est toujours là, toujours aussi belle, constante, forte, torturée, passionnée. On s’est toujours dit qu’à la fin il resterait Anne. Une « vraie », qui a donné toute sa vie à la pub. Anne a un sens de la gloire. C’est sa dope, son amphétamine. Anne de Maupeou, ça voulait dire quelque chose pour nous, et ça veut toujours dire quelque chose. La directrice artistique du grand Eric Galmard devenue un grande directrice de création, sans doute la plus grande en France aujourd’hui. Juste envie de te dire : «Anne, continue».

Et à Valérie(3) : « De nous cinq, tu étais l’eau. Il y avait quatre feux ardents, et au cœur de ce carré brûlant il y avait l’eau. Il y avait toi… si fine, intelligente, sensible. Un éclat de rire ravageur et inoubliable. C’est toi qui rendait l’alchimie possible. Sans toi, nous nous serions tous carbonisés. Le leader n’est jamais la plus grande gueule, le leader, c’est celui qui influence. Le leader, c’était toi. Tu es une grande dame de la pub, et tu es une grande dame tout court. Ça doit être tellement dur de fermer cette page. On t’embrasse tendrement. »

Retrouvailles

Une pensée affective aussi pour deux grands teams de CLM : Temin-Delacroix et Naville-Behaegel. Des concurrents pour nous, mais dans le cœur, des alliés qui se battaient comme nous pour la gloire et les grandes idées.

Nous n’avons finalement jamais vraiment quitté CLM, et CLM ne nous a jamais vraiment quittés. Notre départ chez BBH à Londres, puis Goodby Silverstein à San Francisco, n’auront été que des transferts momentanés, avant nos retrouvailles chez Marcel, puis FFL, les Forces Françaises Libres.

CLM restera toujours dans notre cœur.

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