Communication événementielle
Les annonces de rapprochements entre agences événementielles se sont multipliées dernièrement, alors que la reprise se profile. Réflexes de survie dans un secteur en souffrance ? Pas vraiment… Panorama d’un marché qui n’a pas fini de se redessiner.

Depuis le 9 juin, les salons et foires sont de nouveau autorisés. Comme un symbole du fait que les professionnels de l’événementiel vont commencer à voir le bout du tunnel – même si tous ne sont pas encore concernés, que le niveau d’activité reste très inférieur à celui de septembre 2019, que la crise les a fragilisés et oblige à repenser l’activité en profondeur. Reste que la traversée a été pour le moins compliquée, et qu’à l’issue, le marché commence à reprendre ses marques, évidemment changé. Ces dernières semaines, le secteur a vu se multiplier les avis de naissance de nouveaux acteurs, fruits de rapprochements entre agences spécialisées : The Banner, « super agence » indépendante regroupant les nouveaux contrats d’Ubi Bene, Obo et Double 2, La Phratrie, groupe fédérant une douzaine d’agences emmenées par La Fonderie, ou encore WMH Project, groupe initié par FC2 Events en parallèle de l’intégration de l’organisateur d’événements Teamwork. De son côté, le groupe S’cape annonçait en avril le rachat de l’agence Chaïkana à Babel. « Les périodes de crise donnent souvent naissance à des mouvements de marché, ce n’est pas une surprise en soi, analyse Cyril de Froissard, président de Lévénement, association des agences événementielles. Cette recomposition qui reste somme toute partielle va redynamiser le marché et reflète la capacité de notre filière à se réinventer de même qu’elle traduit une certaine ambition et un optimisme pour l’avenir ».

Même s’il est tentant de les voir comme des réflexes de survie, leur officialisation étant arrivée avec la reprise - il fallait choisir le bon moment pour communiquer -, ces changements ne sont pas nés du Covid. Celui-ci, comme souvent, a plutôt eu un effet d’accélérateur sur des stratégies déjà engagées avant la pandémie. Par exemple, Double 2 et Ubi Bene, dont les équipes travaillent ensemble depuis septembre 2020, avaient déjà eu l’occasion de coproduire des événements, et le projet n’aurait pas attendu la crise pour voir le jour (voir Stratégies n° 2087).

Diversification

Même ancienneté chez WMH Project, né en même temps qu’un rachat qui aurait dû intervenir en février 2020 mais suspendu quelques mois par les circonstances (voir Stratégies n° 2085). « Dès 2015, nous avons lancé une politique de croissance organique et externe pour ne pas dépendre d’un gros client ou secteur », déclare Marc Fisher, coprésident de WMH Project et président de FC2 Events dont les premières acquisitions, PHB Events et Mondial Events, datent respectivement de 2018 et 2019 et qui, ayant doublé de taille à fin 2019, souhaite de nouveau doubler dans les quatre à cinq ans.

« Lorsqu’en 2019, j’ai pris la présidence de La Fonderie Pantin, j’ai souhaité que l’on se diversifie, retrace Gad Weil, président de La Phratrie. Bpifrance est entré au capital en 2015. Dès lors, nous voulions être une ETI [entreprise de taille intermédiaire] ». C’est un peu différent pour le rachat de Chaïkana, dans les tuyaux depuis - seulement - mars 2020. Avec la crise, « l’idée était de savoir comment continuer à accompagner nos clients, se souvient Stéphane Abitbol, président du groupe S’cape. Nous avons misé sur la complémentarité de nos métiers et de nos approches, à savoir une démarche de long terme chez Chaïkana, lorsque nous étions davantage dans la conquête ».

Décloisonnement

S’ils s’inscrivent dans des stratégies différentes, force est de constater que tous ces changements ne sont pas construits sur un seul modèle. Emergence d’un nouvel acteur, intégration d’entités plus petites, persistance de tous les noms et d’une certaine indépendance : tous ces cas de figure se sont concrétisés. Dans le cas de La Phratrie, le modèle intègre aussi une dimension régionale. « Je recherchais l’ancrage territorial », explique Gad Weil, qui a intégré des agences basées à Rennes (Happy Prod) ou Strasbourg (Reymann). Autre particularité, le fait que le capital sera progressivement ouvert aux salariés. Ancrage régional pour les uns, international pour les autres. The Banner entend s’affirmer au-delà des frontières tricolores. « Avec The Banner, l’idée est de partager les mêmes couleurs et de porter haut et fort la french touch », confiait il y a quelques semaines Thomas Deloubrière, associé fondateur. 

Dans leur diversité, ces changements traduisent le fait que les acteurs de l’événementiel sont en train de repenser leur métier. Là encore, pas vraiment une nouveauté mais une tendance accélérée par la crise. Et une réponse à une volonté des annonceurs de faire appel de plus en plus à des acteurs aux compétences décloisonnées. Si ce n’est WMH Project, les autres parties élargissent leurs expertises : l’événementiel, c’est aussi désormais de l’influence, du social, et plus largement de l’engagement, du lien social. « Notre métier tourne autour de l’engagement de tous les publics mais reste très événementiel : événement et e-événement, spatial design [création de stands] et incentive et travel », lance Marc Fisher. A cet égard, le projet de La Phratrie est parlant, fédérant douze agences aux métiers différents comme relation médias, communication RH et corporate ou communication commerciale. « Au départ, avec La Fonderie, nous étions à 90 % dans l’événementiel, là, on est à 55 % événementiel et 45 % autre », détaille Gad Weil. The Banner a elle aussi démultiplié ses expertises : B to B et B to C, luxe, digital, etc. S’cape veut être « un groupe de relation live sous toutes ses formes ». Autre exemple, c’est le pari de la formation qu’a fait, de son côté, l’agence Manifestory. Dès fin 2020, elle révélait un modèle ancré sur la thématique avec notamment le lancement d’un centre de formation des apprentis (voir Stratégies n° 2062). 

Cette tectonique des plaques ne devrait pas s’arrêter demain. « On peut penser que ce n’est que le début. La crise n’a pas encore révélé tous ses dégâts. Au-delà des rapprochements stratégiques, que se passera-t-il quand il n’y aura plus d’aides ? », dépeint Cyril de Froissard. WMH Project, qui vient d’annoncer une acquisition dans le domaine de l’événementiel santé, promet également deux autres rachats d’ici à la fin de l’été. S’cape entend désormais se tourner vers les événements grand public et sportifs. Au-delà, d’autres acteurs pourraient entrer dans la danse.

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