Communication
Bastion historique de grands noms comme Havas, Publicis ou Image 7, le marché du conseil en communication stratégique en Afrique francophone bouillonne sous l’effet de la demande grandissante du middle market.

« Il ne faut jamais gâcher une bonne crise ». L’adage, attribué à Winston Churchill, a longtemps collé au marché du conseil en communication stratégique en Afrique francophone, à la faveur d’une instabilité chronique qui fit le miel de générations de communicants français voire américains. Une image réductrice pour un marché ayant considérablement évolué, dans la lignée d’un développement économique constant quoique particulièrement inégal selon les pays. « Au-delà des grands comme Havas ou Image 7 qui mènent une activité opportuniste sur un segment très premium – présidences et très grandes entreprises –, le marché est en plein boom sur l’offre 100% Afrique avec des pure players, de nouveaux entrants ou des alliances en cours de négociation ciblant un milieu de gamme plus économiquement viable », plante en guise de décor Nicolas Teisserenc, fondateur de la société de conseil en communication Poinciana, qui réalise plus de la moitié de son activité sur le continent. « Il se passe véritablement quelque chose sous l’impulsion de canaux de communication qui se démultiplient. Il y a des parts de marché à prendre mais encore faut-il savoir le faire. Cela nécessite une connaissance pointue des écosystèmes et du terrain. Une vision exogène globale ne suffit plus », appuie Ndeye Diarra Diobaye, directrice générale et associée chez Euros/Agency Africa, lancée l’an passé à Casablanca pour répondre à la demande croissante des clients africains et internationaux. Panorama des forces en présences sur un continent qui pourrait trouver à terme une forme de juste milieu.

  • Les grands noms

Qu’ils s’appellent Havas, Publicis ou Image 7, les grands noms sont connus comme le loup blanc. Avec, le plus souvent, des racines profondes. Côté Havas, difficile de ne pas citer Stéphane Fouks, à l’œuvre pour la campagne d’Abou Diouf au Sénégal en 2000, et celle, plus récente, de Laurent Gbagbo au Sénégal. Ou encore, quelques années plus tôt, Jacques Séguéla, dont la collaboration avec le président camerounais Paul Biya en 1992 précéda l’aide apportée aux présidents Omar Bongo au Gabon et Gnassingbé Eyadema au Togo. Image 7, fondée en 1988 par Anne Méaux, a travaillé pour sa part durant des années pour Abdoulaye Wade, l’ex-chef de l’État du Sénégal, prenant également en charge de la communication internationale du président du Niger, Mahamoudou Issoufou, ou celle du président ivoirien Alassane Ouattara. « Havas et surtout Publicis disposent d’une véritable empreinte régionale. Image 7 affiche une image plus institutionnelle avec des clients souvent issus du secteur public », analyse Quentin Ruffat, directeur associé au sein de l’agence 35° Nord (Paris, Kinshasa, Abidjan, Maurice), quant à des liens dont les premiers intéressés ne se vantent guère dans la presse. La situation serait toutefois sur le point de changer. Alors que, selon nos informations, le groupe Havas commencerait à se désengager progressivement du continent, Publicis devrait revoir la stratégie d’implantation de son tentaculaire réseau Red Africa (52 agences dans 34 pays) autour de hubs régionaux.

  • Les pure players

Au-delà de ces positions établies qui fleurent parfois bon la Françafrique, d’autres acteurs ont su se faire une place de choix ces dernières années. À commencer par les pure players comme 35° Nord et Concerto, qui, outre leur relative ancienneté, disposent d’un statut établi sur le marché panafricain. « 35° Nord adresse depuis le début les acteurs opérant sur le continent tout en offrant des standards de communication aussi qualitatifs que pour les entreprises et institutions européennes », retrace Quentin Ruffat. Dans le sillage de son fondateur François Hurstel, le cabinet d’affaires publiques Concerto jouit également d’une solide réputation depuis Paris et ses antennes d’Abidjan, Nairobi et Tunis. On pourrait également citer Africa Practice, agence sise à Londres faisant figure de pionnier. Un cas à part ? « Il s’agit d’un des rares acteurs anglo-saxons car pour le reste, le marché répond à une territorialité bien installée », éclaire Ndeye Diarra Diobaye.

  • Les nouveaux entrants

Le développement de ces acteurs n’est pas passé inaperçu, attisant les convoitises et légitimant l’arrivée sur le marché de nouveaux entrants. À commencer par Euros/Agency Africa, coentreprise issue du rapprochement d’Euros/Agency et de Ktrium Invest&Advisory. Signe que la greffe prend, l’agence, qui rayonne au-delà du Maghreb, vient de renforcer ses équipes. De deux personnes à l’origine, celle-ci compte à présent plus d’une dizaine de collaborateurs et experts associés. Et la liste des nouveaux entrants pourrait encore s’allonger prochainement. Selon nos informations, un groupe français comme Epoka, spécialiste de la communication corporate, RH et BtoB, serait en discussions avancées avec un acteur régional pour poser le pied en Afrique.

  • Les acteurs locaux

Même si la plupart d’entre eux ne sont pas forcément connus en Europe, les acteurs locaux tirent à présent leur épingle du jeu. Certains, comme le groupe Voodoo et son fondateur Fabrice Sawegnon, ont même tissé une toile dépassant les frontières sectorielles. Autres exemples de ces agences dont la montée en gamme fait consensus : Caractère ou People Input au Sénégal. « On remarque de plus en plus d’hommes et de femmes issus du continent ayant une appétence pour la communication et disposant d’une vision juste. Le réel problème des agences locales, c’est le volet opérationnel », pointe Quentin Ruffat, quant à une analyse que partage en grande partie Ndeye Diarra Diobaye. « L’expertise locale n’est pas suffisamment valorisée. Or, comme on peut le voir sur le marché ivoirien par exemple, de très bonnes agences existent. Le problème du continent, c’est qu’il ne suffit pas de développer des projets léchés. Il faut les rendre efficients ! C’est la raison pour laquelle on essaye autant que possible de faire du sur-mesure même si ce n’est pas toujours possible selon les pays », recontextualise-t-elle.

  • Les électrons libres

À ces acteurs viennent s’ajouter les inclassables. Des électrons libres présentant essentiellement deux types de profils. « Ce sont soit des personnes issues de grandes agences ayant développé leur propre activité soit des key opinion leaders », résume Quentin Ruffat, pour qui ce n’est pas tant la « qualité » intrinsèque de ces individualités qui pèche que leur « capacité opérationnelle » réduite. Parmi eux figurent -entre autres- Patricia Balme, qui accompagne depuis 1999 le président camerounais Paul Biya, Marc Bousquet, gérant de Médiatique, ou encore Diane Audrey Ngako, fondatrice d’Omenkart. Des communicants qui, pour la majorité d’entre eux, ne renieraient pas les mots de Churchill.

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