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Artefact, spécialisée dans le conseil en datamarketing, est sortie de Bourse la semaine dernière, rachetée par les fonds Ardian et Cathay Capital. Son CEO, Vincent Luciani, revient sur la logique stratégique derrière cette opération, et les positions internationales de l'entreprise, notamment en Chine.

Artefact vient de sortir de Bourse et être racheté par deux fonds. Pourquoi ce mouvement ?

C’est une opération initiée il y a deux ans et qui arrive à son terme aujourd’hui. Nous cherchions un fonds conforme à nos valeurs et à nos objectifs de développement. Nous avons approché Ardian, le plus gros fonds de private equity en Europe. Il nous intéressait car sa philosophie garantissait qu’on allait pouvoir se développer comme nous le souhaitions. Après différentes étapes de rencontres et de définition du projet, nous avons signé cet été. Et Ardian a commencé en obtenant un bloc majoritaire, puis qui a augmenté peu à peu. La troisième étape s'est passée la semaine dernière avec le retrait de la cote, qui est possible une fois que 90% des titres ont été rachetés. A côté de cela, Cathay Capital, très connu et implanté en Chine, entre aussi au capital.

C’était un objectif de sortir de Bourse ?

Lorsque nous nous sommes rapprochés de Netbooster, qui était déjà cotée, nous avons choisi de rester en Bourse. Nous avons conservé la structure en place et travaillé sur les fondamentaux : l’offre, la croissance, et le fait de bâtir une entreprise saine dans toutes les dimensions. Une fois ces étapes terminées, nous avons travaillé à trouver une entreprise comme Ardian, et à définir le bon moment pour sortir de la cote. Le marché sur lequel nous évoluons est un terrain de jeux qui évolue énormément. Il nécessite des investissements forts qui payent sur le temps long et d’appréhender nos décisions dans un horizon de long terme. Nous prévoyons 500 recrutements dans l’année. C’est une augmentation du tiers de nos effectifs. Il nous fallait une entreprise capable de comprendre ce cycle d’investissements, et nous l’avons trouvé avec Ardian, qui était sur la même longueur d’onde.

C’est pourtant courant dans le secteur technologique, non ?

Ce qui est plus difficile à comprendre, c’est que nous sommes une entreprise de conseil et de services, dans le secteur technologique. C’est moins courant. Cet investissement, ce n’est pas une levée de fonds. C’est une opération particulière. L’entreprise est rentable et n'offre pas de produits technologiques. Nous développons des solutions de gestion et d’analyses de data pour chacun de nos clients, et nous leur livrons. C’est ça, notre expertise. Nous ne vendons pas de solutions, mais des experts pour en développer. Et le schéma d’investissements n’est pas le même.

C’est-à-dire ?

La sortie de la cote correspond à une logique particulière. Ardian est un investisseur international, qui bénéficie de connexions aux Etats-Unis, en France et en Europe établies depuis longtemps. Le but est d’investir très en amont, d’identifier les bonnes personnes et de les recruter. Par exemple, pour financer la recherche dans notre centre dédié à l’efficacité marketing, lancé cette année au Royaume-Uni. Nous avons déjà des chercheurs qui planchent sur le sujet. Nous sommes en partenariat avec l’université de Boston, les Gafa... Mais nous travailleront également sur le NLP (Natural Language Processing), sur différentes technologies. Les investissements iront au-delà du recrutement. Et enfin, ils nous permettront de nous positionner comme consolidateur de l’industrie de la data. Le marché est encore très fragmenté et nous pensons qu’il va y avoir de nouvelles concentrations. Ces investissements nous permettront de participer au rachat de concurrents ou d’entreprises complémentaires.

Vous avez évalué la somme des investissements ?

Nous ne pouvons pas donner trop de détails sur l’avenir. Artefact était cotée et les chiffres sont publics. La valeur de l’entreprise était donc de 330 millions d’euros. Nous prévoyons 500 recrutements cette année, donc 20% seront alloués à la R&D, à la croissance directe, mais pas liés à la gestion des clients. Et au-delà de tout cela, notre objectif plus large consiste à tripler de taille dans les quatre prochaines années et de devenir le plus gros spécialiste conseil data. Nous atteindrons donc les 2000 personnes en organiques. Et tout le reste sera le fait des fusions et acquisitions.

Quel rôle joue Cathay Capital dans cette stratégie ? Est-ce dû à tous les récents changements en Chine ?

Ardian est le fonds principal, c’est lui qui lead la stratégie globale. Cathay, lui, nous apporte une solide présence en Chine, indispensable. La Chine vit depuis plusieurs mois un mouvement de renfermement sur soi. On observe beaucoup d’expatriés qui reviennent. C’est une catastrophe ! On assiste vraiment à un exode massif des expatriés français. La Chine augmente la fiscalité pour les résidents étrangers, elle fait tout pour que cela se produise. Paradoxalement, l'export reste très important dans l’économie chinoise. Donc c’est très important d’avoir une présence locale en Chine. Cathay est un fonds franco-asiatique, très présent dans le pays. C’est un fonds dédié à l’innovation, proche d’Alibaba, de Tencent... Pour nous, c’est une sacrée sécurité dans ce contexte politique.

Les récents mouvements des autorités chinoises pour reprendre la main sur le numérique vous ont beaucoup affectés ?

Tous les sous-traitants du numérique ont été touchés. A l’instar du RGPD en Europe, et du CCPA aux Etats-Unis, la Chine a mis en place une «Personal Information Protection Law» (PIPL), qui est un équivalent. Résultat, plus personne n’a le droit de sortir la donnée du pays, et leur utilisation est beaucoup plus encadrée. Nous, nous sommes implantés sur le territoire depuis longtemps. Netbooster, que nous avons racheté il y a cinq ans, était déjà implanté là-bas. Nous avons pu être consultés en amont de la loi, ce qui nous a permis de savoir à quelle sauce on allait être mangé. Cela n’a pas eu d’impact sur le projet financier. Au contraire, cela a conforté nos positions en tant qu’expert sur place. Nous sommes la seule entreprise indépendante non-chinoise partenaire Databank pour Alibaba. Cela nous permet de faire des croisements de données, de récupérer des informations granulaires sur qui consulte les produits Alibaba. Sur toute la base, nous avons accès à 1000 data points par utilisateur. Avec cette certification, nous faisons partie des premiers fournisseurs de données en Chine.

Vous avez annoncé que le management participait aussi à l’opération financière. Qu’en est-il exactement ?

Nous sommes tous réinvestisseurs dans ce mouvement, et avons participé à l’opération. C’est un gage de stabilité et d’engagement pour les équipes. Cela faisait partie du deal. Ce qu’ont acheté Ardian et Cathay, c’est avant tout la continuité stratégique. Il fallait que l’on reste associés et aux commandes. L’objectif est ainsi vraiment de faire grandir la boîte à long terme.

En chiffres

800. Nombre d'employés.

15. Nombre de bureaux dans le monde.

330 million d'euros. Valeur de l'entreprise à la date de fin de cotation.

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