L'événement

Dans le sillage d’une crise sanitaire ayant rebattu les cartes, le marché connaît une dynamique sans précédent dans la plupart des régions françaises. Alors que les besoins se multiplient, les acteurs cherchent tous à profiter de l’embellie.

Souvent espérée et rarement au rendez-vous, la décentralisation deviendrait-elle une réalité en France ? C’est ce que laisse penser le marché de la communication, particulièrement dynamique dans des régions comme les Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine ou Provence-Alpes-Côte d’Azur. Car sans nier la puissance historique du marché parisien, tous les acteurs sont unanimes : il ne s’agit plus d’une arlésienne. Et même si cette montée en régime s’avère palpable depuis plusieurs années, un vent nouveau souffle depuis mars 2020. « Le local a bénéficié de la crise sanitaire, qui a mis en exergue l’attractivité de ce marché au niveau publicitaire mais pas seulement », note Franck Kaddouch, CEO du groupe indépendant Ekstend, présent - entre autres - à Marseille. Un constat valable pour la plupart des métiers donc, alors qu’un certain nombre d’annonceurs ont, dans le même temps, franchi le pas.

Prise de conscience.

« Il y a eu une prise de conscience des institutions et des entreprises durant la pandémie quant à un outillage insuffisant et un manque de relais sur le terrain au niveau local. Ce n’est qu’un début et il y a de la place pour tout le monde », juge Vincent Deshayes, directeur de Havas Territoires, qui opère depuis Paris mais voit les « demandes entrantes exploser ». « Pour beaucoup d’annonceurs, ne plus avoir son siège social à Paris ou ne plus travailler forcément avec une agence parisienne sont devenus une évidence », assure Céline Marcillac, co-présidente de l’agence nantaise Notchup, qui en veut pour preuves les gains de « Dell'Arte face à Rosa Paris, Madrange contre Australie.GAD, Bonobo contre Havas Paris... » Un mode de fonctionnement moins centralisé que note aussi Ingrid Berthé, co-dirigeante de l’agence B Side (Nantes). « Bien sûr qu’il nous arrive d’être sollicités sur des pitchs nationaux. Sur nos 20 dernières demandes entrantes, 50% proviennent de l’extérieur de la région », chiffre-t-elle. « Il n'y a plus de territorialisation, le marché est très ouvert », confirme Céline Jolly, vice-présidente de Lévénement, qui regroupe les acteurs de la communication événementielle. Autre terrain sur lequel la crise aurait favorisé les structures dites locales : le recrutement, avec une mobilité et une capacité à télétravailler favorisant la venue de profils recherchés, lassés de la vie francilienne. Un exode à tempérer selon Guillaume Rieth, directeur associé de l’agence lyonnaise Mouton Noir, qui avoue « rester mesuré » à ce sujet. Au-delà de ce mouvement de fond dont l’ampleur et la continuité restent à cerner, une chose est sûre, le gâteau est devenu conséquent. « C’est un marché qui représente près de 10 milliards d’euros : 7,5 investis par des marques locales dans les médias locaux et 2,5 émanant d’acteurs nationaux consommant du média local », avance Franck Kaddouch. Réponse à cette attractivité économique et aux besoins grandissants des acteurs en régions : une offre pléthorique au sein de laquelle repointent depuis peu des acteurs comme Publicis ou Havas qui, après avoir désinvesti le tissu régional, tentent de reprendre position.

Effet de mode.

« Il pouvait y avoir un snobisme parisien mais le covid a tout changé. Il y a même une certaine hype à venir en région, y compris pour les sociétés », pointe Céline Marcillac. Franck Kaddouch, lui, ne cache pas une certaine irritation. « Cette prise de conscience se double d’un phénomène de mode. Pendant longtemps, le local n’était pas considéré comme assez noble. D’autre part, la connaissance terrain ne se décrète pas », tacle le dirigeant, dont le groupe vient de racheter les agences Be Brandon à Paris et Sweet Punk à Montpellier. Une opération significative quant à la recomposition du marché qui se joue actuellement. De la masse des indépendants, émergent ainsi plusieurs structures ayant réussi à bâtir un modèle intégré et souvent multivilles dont la taille (plus de 150 salariés) permet de rivaliser sur les budgets de premier ordre. Y figurent pêle-mêle Copylot, Syneido, Becoming, Insign, Ekstend… Des groupes qui, au-delà de leur croissance organique, tendent à agréger au fil du temps des structures plus modestes selon une logique d’acquisitions ciblées. De quoi redessiner substantiellement la carte de France de la com dans les années à venir.

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