L'année vue par

Emmanuelle Soin, CEO d'Omnicom Media Group, revient sur les grands thèmes d'actualité qui ont marqué l'année 2021.

Les plateformes qui coupent les comptes sociaux de Donald Trump. 

On savait que les plateformes jouaient un rôle important dans le débat public, mais il s’est élargi. Elles dépassent la fédération de communauté. Plus qu’un espace de conversation, ce sont des espaces de conviction, où chacun s’exprime à titre personnel. Le vrai sujet, c’est la complexité de la redéfinition de la liberté d’expression. Comment protéger les structures démocratiques, ne pas mettre les populations en danger sans aller contre la liberté de parole à titre individuel ? C’est une ligne de crête complexe sur laquelle il faut rester. Nous nous sommes aperçus de la jeunesse des réseaux sociaux dans le débat politique. Nous n'avions pensé les plateformes que sous l’angle de la protection des données. 

La campagne en faveur de la vaccination

Toute cette période nous rappelle qu’en période de crise non anticipée et de grande ampleur, personne n’est omniscient. Cela repose la question du collectif. On ne peut pas agir et faire face de façon individuelle. La solution vient d’un collectif. Mais la liberté individuelle doit être considérée dans le cadre du bien commun. Les gens ne vivent pas coupés les uns à côté des autres. Ça ne peut pas être le ressort d’une prise de décision, et il faut adapter la communication gouvernementale. D’ailleurs, il est intéressant de voir à quel point les gouvernements ont ultra-communiqué. Chez OMG, nous gérons le gouvernement au Royaume-Uni et, en volume, la progression est considérable. On peut s’interroger sur l’impact long terme de ces habitudes d’investissements sur les prochaines campagnes de prévention.

La mise en place de la loi Climat. 

Ce qui étonne le plus, c’est le complet décalage entre les mesures qu’on nous présente et l’état des connaissances scientifiques ou les aspirations de la population. Nous n’allons pas assez vite sur ces choses-là. La loi climat est bien en deçà des conclusions de la Convention citoyenne, plus sévère sur la publicité. Alors certes, l’interdiction de la publicité sur les énergies fossiles ou l’écoscore sont des choses positives. Mais il faut être honnête avec nous-mêmes. Le but de la publicité consiste à faire aimer des marques et à vendre. Nous ne sommes pas des acteurs positifs sur le climat. Certes, nous pouvons changer les référentiels et l’inconscient collectif, mais on ne peut pas demander à la pub d’avoir un impact carbone positif. Lors des débats, on cherchait à limiter la publicité pour les produits polluants. Il faudrait à l’inverse favoriser la publicité pour les alternatives non polluantes.

Le projet de fusion TF1-M6. 

Difficile de se prononcer sur un tel projet dont nous ne connaissons, finalement, que très peu de détails. Nous participons aux consultations de l’Autorité de la concurrence et du CSA. Cette fusion peut être positive sur les capacités de production, les négociations de droits, face à des mastodontes comme les Gafam ou les plateformes de streaming. Mais le sujet qui nous importe en tant qu’agence média, c’est la défense des intérêts de nos clients, et nous n’avons que peu d’informations granulaires sur les conséquences à ce sujet. Quid des prix, des régies ? Sur le marché, la concurrence a toujours été saine et le groupe TF1 n’a jamais été aussi performant que depuis que la TNT est arrivée. Le problème, c’est que bien malin est celui qui saura exactement comment on achètera la publicité TV dans cinq ans. 

La montée en puissance du candidat Zemmour. 

Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’a eu aucun appui d’un parti. Depuis le début, sa parole n’est que personnelle. Alors cela questionne sur comment une personne devient légitime dans l’espace publique. Les médias n’ont pas forcément joué un rôle dans sa montée en puissance, mais sur sa légitimation. Quand une parole personnelle est reprise et diffusée, elle devient parole publique. 

L'ubérisation qui semble marquer le pas.

Je ne pense pas qu’on puisse parler de recul précisément, mais oui, il y a des avancées avec différentes décisions de justice concernant la régulation sur les transports et les VTC, pour une meilleure prise en charge des personnes et un meilleur partage de la valeur. Mais l’ubérisation en termes de désintermédiation s’étend. On la voit se déplacer dans les services comme la livraison des courses à domicile qui explose. 

Facebook qui devient Meta. 

Ce rebranding et repositionnement sur le métavers ne change pas, pour le moment, l’offre publicitaire. En revanche, je m’interroge : est-ce vraiment une aspiration réelle et profonde de la jeunesse à l’heure actuelle ? Je la sens, personnellement, davantage investie dans le réel : comment continuer à vivre dans trois décennies, quelle protection pour l’environnement ? En tant que parent, je me demande si on en a réellement besoin. Il faut aussi faire attention à long terme. Le but des métavers consiste à rendre tout « achetable », à créer un univers où tout s’achète. C'est questionnable, non ?

La reprise en main du pouvoir chinois sur les plateformes 

Les plateformes chinoises sont aussi des éléments géopolitiques. Ce qui se passe est en Chine est inquiétant car les plateformes chinoises sont désormais des alternatives sérieuses dans le monde. 2021 a clairement été l’année de l’essor de TikTok, qui a battu tout le monde en téléchargements et en croissance. Mais la démonstration de force chinoise est aussi politique. Le pouvoir de Pékin est très enclin à aider des entreprises comme Huawei, qui avec leur puissance de frappe économique ou d’innovation peuvent servir la Chine. Mais ces entreprises ne doivent pas dépasser des barrières claires. Leur rôle doit rester de servir les intérêts chinois dans le monde. C'est ce que rappelle le gouvernement.

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