Tribune

Le rapport annuel est dans nos métiers du « corporate » un exercice imposé qui a peu évolué et souffre d’immobilisme. Et les aménagements récemment apparus de type « rapport intégré » sont cosmétiques quand ils n’ont pas appauvri par trop de normes, concept et créativité.

Le rapport annuel est assurément l’outil le plus stratégique qu’une entreprise adresse à ses parties prenantes : il porte la raison d’être, la vision, les enjeux et bien sûr les résultats financiers de l’entreprise. Dans le même temps, il se doit d’expliquer, d’impulser, de rassurer, de convaincre de la validité et de la pérennité de la stratégie entrepreneuriale suivie.

C’est un cahier des charges d’autant plus dense et complexe qu’au fil du temps le rapport annuel en est venu à faire office de plaquette institutionnelle et par suite à dépasser la sphère financière pour laquelle il était originellement conçu pour s’ouvrir aux leaders d’opinion, à la presse, aux salariés voire aux clients. Et tout cela, sur un rythme annuel.

Rater l’exercice peut donc s’avérer catastrophique et on ne peut que se féliciter de la prudence dont les annonceurs font montre pour choisir le partenaire qui les aidera de la façon la plus pertinente qui soit.

Réinventer le rapport annuel

Pour autant, doit-on s’interdire de le repenser ? Dans un monde en mutation où la totalité des frontières sont revues et repensées, non. Et l’exercice qui consiste à lui faire subir « l’épreuve de la virtualisation » est intéressant. À la manière des « jumeaux numériques » développés dans la quasi-totalité des domaines industriels, rien ne nous empêche d’opérer sur nos modèles de rapports annuels existants un traitement similaire.

Le rapport annuel en tant qu’outil essentiel de la stratégie de l’entreprise ne disparaîtra pas. Il sera la production d’une immersion sensorielle virtuelle ; sa forme va connaître des bouleversements considérables en le transformant en un territoire plurisensoriel qui donnera le ton et l’atmosphère de l’entreprise. Il reflétera la culture de l’entreprise dans toute sa complexité en développant des stimuli, des univers uniques.

L’entreprise dispose de caractéristiques majeures inspirées d’archétypes fondamentaux à la structure des organisations. Qu’elle soit entreprenante, apprenante, protectrice, ou bien encore pragmatique ou altruiste, l’entreprise orchestre des qualités qui lui sont propres et qui se doivent d’être priorisées, ce qui dessine le caractère unique de l’entreprise : sa culture.

C’est ainsi que le rapport annuel, qui ne sera plus écrit dans un monde devenu digital, comprendra des formats globalisés, universalisés. Images, vidéos, photos, musiques dessineront cette culture de l’entreprise, faisant du rapport annuel un guide de lecture de l’univers de référence, auquel sera adjoint le rapport financier. Il organisera un véritable « voyage » au cœur de l’entreprise, et sera en lui-même une expérience du vivre, du ressentir l’entreprise. Dans cette hypothèse, le texte sera réduit à une portion congrue.

Vers une immersion sensorielle virtuelle

Devenu un rapport polymorphe et plurisensoriel – appelons-le un « human progress report » –, il racontera une histoire, une expérience, une émotion nourrie de preuves. La promesse n’est alors plus assenée mais projetée. Elle rendra compte de sa réalité, sera une porte d’entrée de l’entreprise. Ce nouveau rapport annuel proposera dans son « parcours de lecture » de regrouper, de réunir, de rediriger son lecteur-spectateur vers la multiplicité des outils de communication de l’entreprise. Il sera l’entreprise en elle-même. Et la simplification de son ressenti rendra compte de toutes ses complexités.

D’ici quelques années, l’exercice du rapport annuel sera bouleversé. C’est le sens de l’histoire et il nous séduit puisqu’il permet de fuir l’immobilisme, la répétition et l’inefficacité. Le rapport annuel dont l’objectif est au final de convaincre et surtout de séduire pour engager ses parties prenantes continuera donc pleinement à remplir son rôle. Il ira beaucoup plus loin dans l’expression de sa promesse. Si, bien sûr, l’exercice est réussi.

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