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Trois victimes de cyber-harcèlement ont demandé au tribunal correctionnel de Paris de condamner Twitter, tenu responsable du classement sans suite de leurs plaintes faute d’avoir coopéré avec la justice française.

Le tribunal se prononcera le 27 mars sur la citation à comparaître d’une rescapée de l’attaque contre le Bataclan en 2015, Aurélia Gilbert, du père d’une victime de l’attentat, Georges Salines, et de l’ancien journaliste Nicolas Hénin, otage en 2013 du groupe État islamique. En août 2020 pour les deux premiers et durant l’été 2019 pour Nicolas Hénin, ils ont été ciblés par une vague de harcèlement sur Twitter, après avoir pris position en faveur du rapatriement des enfants de jihadistes français retenus en Syrie.

« Je pense qu’il faut passer tous les abrutis de collabos par les armes, ou encore mieux, en les jetant d’un pont », avait écrit un internaute sous pseudonyme dans un fil de réponses à Georges Salines. Chacun a porté plainte et des réquisitions ont été adressées au réseau social afin de remonter jusqu’aux auteurs des messages haineux : Twitter a soit refusé, soit n’a pas répondu, et les trois enquêtes ont été classées sans suite, ont fait valoir les parties civiles.

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La citation vise Twitter Incorporation (à San Francisco), Twitter International Company (Dublin) et Twitter France (Paris), pour complicité d’injure et de provocation non suivie d’effet, ainsi que pour refus de déférer à une demande d’une autorité judiciaire. « Il y a une forme d’impunité de Twitter, qui n’a pas répondu à la demande de notre justice », a estimé Aurelia Gilbert qui, au-delà des menaces, avait vu son compte piraté : un internaute avait posté à sa place un message avec son numéro de téléphone et les mots « traître à la patrie ».

« Twitter décide tout simplement d’inventer des nouvelles règles du jeu », a plaidé Me Laura Ben Kemoun côté parties civiles. « Tout le monde a fait son travail et la justice est bloquée par Twitter, c’est inacceptable et insuffisant ». La procureure a d’abord souligné que pour des questions de procédure, Twitter ne pouvait être poursuivi pour complicité d’injure et de provocation. Elle a ensuite dit « partager le constat » d’une « grande difficulté » à poursuivre les cyber-harceleurs, et « comprendre le combat » des parties poursuivantes. Mais « force est de constater » que les « règles procédurales » notamment internationales « s’imposent au parquet comme à tous », a-t-elle néanmoins ajouté.

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L’avocat de Twitter a réfuté la « caricature » selon laquelle l’entreprise se croirait « au-dessus des lois », assurant qu’elle était « en relation étroite avec les services d’enquête ». Me Karim Beylouni a plaidé la relaxe, relevant notamment que les entités françaises et américaines n’avaient pas la qualité d’hébergeur pour la France, et que les réquisitions auraient dû être adressées à l’entité irlandaise.

Jugés pour les mêmes infractions, Twitter France et son directeur général Damien Viel avaient été relaxés à Versailles en mars 2022. Dans une procédure civile lancée à Paris par des associations anti-discriminations, Twitter s’est vu ordonner, en première instance puis en appel, de détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne. Le réseau social a formé un pourvoi en cassation.

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