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Mickaël Vigreux, responsable des partenariats pour l’Afnic, est coach numérique auprès des TPE-PME avec les Foliweb. Pour Stratégies, il revient sur les besoins précis de ce tissu économique local.

Avec les Foliweb, vous organisez des événements en France, pour aider les TPE-PME à passer au numérique. Comment ce besoin est-il né ?

Mickaël Vigreux. Je suis depuis 2014 à l’Afnic, une association de droit privé qui a une concession de service public pour la gestion des noms de domaines en « .fr ». Je suis en charge de la relation entre l’Afnic et les bureaux d’enregistrement comme OVH, les agences de com, etc. : toutes les organisations qui proposent à des entreprises de créer et d’enregistrer un site web en « .fr ». Tous les cinq ans, la concession de droit public est remise à appel d’offres. Nous avons des concurrents parfois privés en face, mais pour le moment nous avons été reconduits à chaque fois. Au départ, nous sensibilisions le public au nom de domaine. L’État nous challenge sur notre capacité à développer le nombre total de noms de domaine enregistrés. Mais l’objectif indirect, c’est aussi de l’aider à faire passer les TPE-PME au numérique, pour qu’elles soient présentes en ligne et développer ce tissu économique. Nous allions donc sur les salons partout en France ou organisions des événements pour convaincre de créer un site web. Et là, nous avions des avalanches de questions en face de nous.

Leurs besoins ne se limitaient pas au nom de domaine ?

Très vite, ils disaient : « OK, je veux bien faire un site vitrine, mais une fois que je l’ai mis en ligne, que j’ai indiqué l’adresse sur mes cartes de visite et que j’ai floqué ma voiture professionnelle, comment je fais ? » Ils demandent comment remonter sur Google, comment créer du business. Ce n’est pas tout d’avoir un site, il faut en faire un canal d’acquisition, et ça, ça dépasse le savoir de beaucoup de TPE-PME. C’est une vraie culture que l’on n’a pas quand on est un artisan spécialisé ou que l’on travaille sur des métiers techniques. Alors avec l’Afnic nous avons créé « Réussir en .fr », puis nous nous sommes associés à l’agence lyonnaise Neocamino et à Jimdo, pour créer les Foliweb. Nous organisons des conférences gratuites dans les régions, ou des ateliers. Il y a un besoin immense.

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Mais comment fait-on pour créer cette culture ?

La première des choses, c’est de donner des actions simples et claires. Quand on est spécialisé dans la couture, moniteur de kayak, expert en hypnose ou en traitement de la mérule (un champignon qui s’attaque au bois), on est tout seul, et rester spécialiste de son business demande déjà beaucoup de temps. On se fait un monde du numérique. Ces personnes ont parfaitement conscience qu’il faut être sur internet, mais rétorquent qu’elles ne savent pas coder. Alors la plupart s’inspirent de leur utilisation personnelle. Un compte Facebook, Instagram, Gmail… Mais comme pour le site, c’est une vitrine, qui ne sert à rien si vous n’en faites rien. Le risque, c’est qu’ils soient déçus du numérique. Donc nous, nous leur donnons les cinq premières actions à faire. Le but consiste à créer un engouement, une curiosité, à les former un minimum pour avoir les codes et réussir à transformer un site pour gagner des clients. C’est ainsi qu’avec France Num est née aussi l’émission Connecte ta boîte sur BFM Business, sorte de téléréalité où on suit une TPE qui se forme au numérique, à laquelle j’ai participé. Nous organisons également des webinaires, mais rien ne remplace les rendez-vous physiques. Ce sont des rendez-vous de 18 heures à 20 heures, gratuits. Nous arrivons à trouver des partenariats locaux pour la logistique. Nous avons accompagné entre 20 000 entreprises par an depuis 2015. Je me souviens d’un atelier à Quimper qui a réuni 220 personnes. Toutes extrêmement curieuses. Et nous formons des ambassadeurs locaux à nos méthodes, pour que le discours se répande.

Vous leur recommandez des outils ? Comment abordez-vous la souveraineté numérique ?

Nous restons neutres, toujours, et ne poussons personne sur telle ou telle solution. Mais nous organisons parfois des ateliers sur des outils spécifiques comme PrestaShop ou WordPress. On s’adresse soit à des créateurs d’entreprise, soit à des porteurs de projets en PME. Donc c’est essentiel d’aborder la souveraineté, nous sommes leur première acculturation au numérique. Le but n’est pas de faire peur mais de sensibiliser aux questions que cela pose. Que ce soit Amazon, TheFork, Leboncoin ou Booking, on ne peut pas leur dire de ne pas y aller, car cela reste un canal d’acquisition. Mais cela ne doit pas être le seul. Il faut trouver d’autres leviers. C’est vraiment un nouvel état d’esprit pour eux : comment je donne envie aux clients de venir chez moi ? D’où l’importance aussi d’avoir son propre site, son blog, pour garder son indépendance. Car au bout du compte, le titulaire du nom de domaine choisit ses propres règles, et n’est pas soumis aux desiderata d’une plateforme particulière, qui vous propose de plus en plus de tout gérer.

Malgré tout ce travail, les derniers chiffres de l’Afnic montrent qu’il reste encore beaucoup de TPE à passer au numérique…

On en a encore clairement sous le pied en France. Les structures existent [voir encadré], mais il faut structurer le marché pour que l’accessibilité à cette nouvelle culture soit encore plus simple. Car ce n’est pas tout de créer l’étincelle, les TPE ont aussi besoin d’accompagnement dans la durée et d’éviter les arnaques. Je connais une petite entreprise qui, pour un même besoin, a fait appel à trois agences web différentes et a eu en retour trois devis qui allaient de 700 à 14 000 euros ! Comment ne pas être perdu face à ces cas de figure ? Sans compter les prestataires qui « développent » et industrialisent des sites Wix [tout faits] sur lesquels vous n’avez pas la main pour des sommes aberrantes. Nous avons commencé à mettre en place un label qualité pour ces entrepreneurs locaux du web, afin d’aider à y voir plus clair. Mais il reste clairement encore beaucoup de choses à faire partout en France.

Lire aussi : Meta lance de nouveaux outils pour les TPE-PME

Boîte à outils

Pour se développer sur le numérique, un panel d’outils existe.

- Tousenlignemaintenant.fr : des formations 100 % en ligne financées par l’État pour les TPE-PME de plus de deux ans (2000 entreprises ont déjà été formées)

- Les replays des tutos de l’émission Connecte ta boîte de BFM Business (France Num)

- Le livre de Mickaël Vigreux, Tout le monde peut trouver des clients avec internet ! (Vuibert)

- Les Foliweb (tutos et conférences partout en France)

- Le label « Je passe au numérique », qui référence les offres répondant aux critères de qualité définis par l’Afnic

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