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Spécialiste du son, Christophe Henrotte s’est aperçu que l’anonymisation des voix présentait des failles en termes de protection des sources. Il a créé sa propre solution, Voxprotect.

Après plus de 30 ans de service en tant qu’ingénieur du son via son propre studio, pour des documentaires ou des reportages, Christophe Henrotte a été souvent amené à masquer la voix de témoins qui devaient rester anonymes. « Le procédé classique consiste à modifier le pitch de l’extrait sonore, donc d’accélérer ou ralentir ce qui change le timbre de la voix », raconte-t-il. Seul hic : la modification n’altère en rien le fichier de départ. « Pendant les années 80, tout ce qui concernait le son était difficilement accessible, mais désormais, chacun peut revenir à la voix de départ très facilement. C’est un très grand problème dont personne ne parle », avance Christophe Henrotte.

Avec un iPhone, tout le monde a un studio dans la poche. Quid de la protection des sources ? « La voix est même utilisée dans les procès où un témoin sous X peut faire une déclaration anonyme », ajoute-t-il. Il serait donc possible de simplement réidentifier la personne par sa voix en remodifiant le pitch… C’est ainsi qu’il s’est associé avec l’Inria de Nancy pour développer une solution de brouillage de la voix sans possibilité de revenir à l’étape précédente. « Nous pouvions passer par une voix de synthèse, ou un comédien, mais nous perdions en authenticité et en sincérité », détaille-t-il. D’autant plus que la production a parfois besoin de brouiller le son en temps réel pour des directs. Il a alors développé une nouvelle manière de transformer le signal audio d’origine : deux modulations linéaires, à laquelle s’ajoute la somme des deux. « Et nous ajoutons une part d’aléatoire dans la modification. Donc le traitement n’est jamais le même et le logiciel ne fait jamais deux fois le même brouillage », assure-t-il. Les données ne sont pas gardées dans l’ordinateur, l’opération est donc irréversible.

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Christophe Henrotte a donc monté son entreprise, Swealink, et édité un logiciel, Voxprotect, en juillet 2022, afin de le commercialiser. Le logiciel est accessible pour 62 dollars par mois, ou peut-être acheté pour près de 650 dollars. « Nous faisons tout de même attention à ce que la solution nécessite un logiciel professionnel et une certaine habitude. Le but n’est pas qu’elle soit accessible au tout-venant pour ne pas tomber entre de mauvaises mains », tempère-t-il. Boîte de prod, médias… La solution est la seule au monde et commence à dépasser les frontières. Alors même que la voix devient une donnée personnelle de plus en plus partagée, Voxprotect pointe les lacunes de réflexion de notre société sur le sujet.

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