Dossier Dossier mondes virtuels

Que ce soit dans le métavers ou avec les NFT, les marques se lancent dans l'expérimentation du nouvel internet. Rencontre avec les pionniers du genre.

« Vous êtes en 2000, au début d’internet : vous savez qu’il y a quelque chose qui va se passer », s’enthousiasme Diaa Elyaacoubi, CEO de Monnier Paris. Si le Web3 n’en est qu’à ses balbutiements, les marques et leurs agences commencent à prendre les paris sur l’avenir du web. Certaines franchissent le portail du métavers, ces mondes virtuels dits « persistants et immersifs », popularisés fin 2021 par la keynote de Mark Zuckerberg, le patron de Meta. Début 2022, Carrefour, Leader Price (groupe Casino) ou encore Havas, ont fait des annonces concernant l’achat de terrains (appelés « lands ») dans The Sandbox, l’un des métavers les plus en vue de cette nouvelle économie, qui se base sur la blockchain Ethereum. Fondée en 2011 par deux Français, Sébastien Borget et Arthur Madrid, la société hongkongaise a levé 93 millions de dollars en 2021 et est classée par le Times parmi les 100 entreprises les plus influentes de 2022.

Activations « gamifiées »

Leader Price et Carrefour ont souhaité aller au bout de leur démarche en proposant des activations « gamifiées », en cohérence avec leur positionnement, dans The Sandbox. Les deux enseignes se sont tournées vers la jeune société Bem.Builders, fondée en 2020, pour le développement d’expériences sur leur terrain respectif. Pour Leader Price, Bem.Builders a conçu une trame narrative dans laquelle le joueur devait « cuisiner pour tout un village, relate Neal Robert, l’un des six cofondateurs du studio. Il y avait 13 quêtes, comme aller chercher des tomates en haut de la Vallée de la mort et combattre des corbeaux agressifs ». À la fin de l’expérience, le joueur obtenait des codes promotionnels.

Pour Carrefour, le studio a développé une expérience de « play-to-learn » (jouer pour apprendre), autour de la reine des pollinisateurs, l’abeille, qui sera dévoilée cet été. « On voulait créer une activation ludique qui permette d’apprendre des choses sur les problématiques de la biodiversité et les façons de produire de Carrefour », raconte Aurélie Fossoux, directrice commerciale du compte au sein de Publicis Conseil.

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De son côté, Havas, qui a acheté son terrain sur The Sandbox pour 143 000 euros en février dernier, travaille actuellement à l’architecture de son « village » avec la société Gameloft du groupe Vivendi. Le monde virtuel de Havas comprendra une zone événementielle pour des « concerts, des avant-premières de films, des lancements de produits », promet Frédéric Saint-Sardos, président de Socialyse Paris et vice-président de Metaverse by Havas, qui dispose déjà de son avatar sur la plateforme. Le lieu pourrait être mis à disposition des clients de la société. Il est aussi sérieusement envisagé pour servir à de futurs recrutements.

« Rooftop avec vue »

Bien sûr, il existe d’autres mondes virtuels que peuvent investir les entreprises. Davantage tourné vers une dimension artistique, le métavers Cryptovoxels a, par exemple, été choisi par l’agence conseil NellyRodi qui y possède « un bâtiment avec une galerie d’art, une salle de conférences et un rooftop avec vue sur la mer », détaille Neal Robert. Ce dernier évoque également l’existence d’OVR (« Over The Reality ») qui « a cartographié le monde physique et qui permet l’acquisition d’une parcelle de celui-ci dans le monde virtuel », ce qui peut avoir un intérêt pour les entreprises du secteur du tourisme. Enfin, Decentraland, métavers tourné vers l’événementiel, a fait parler de lui en mars avec la création d’un quartier dédié à la fashion week.

Corollaires des métavers, les NFT, les « jetons non fongibles » qui révolutionnent la propriété de biens virtuels, font aussi l’objet d’un intérêt accru de la part des marques ces six derniers mois, comme le confirme Thomas Didier, head of marketing et new business d’Atomic Digital Design, qui reçoit de plus en plus de demandes à ce sujet. « Une économie est en train de se structurer avec des paramètres qui ne sont plus ceux de l’économie du monde réel », commente de son côté Frédéric Saint-Sardos.

Réunir les ultra-fans

Selon une étude réalisée début mars par l’agence digitale Heaven, si les actifs NFT sont encore peu possédés, ils suscitent un fort désir d’acquisition, en particulier chez les jeunes. 5 % des 18-25 ans en posséderaient (2 % pour la moyenne des Français), et près de 50 % disent envisager en acheter. Pour Gabriel Mamou-Mani, créateur de la collection de NFT Panda Dynasty, dont les 8 888 exemplaires se sont écoulés en l’espace de 24 heures en septembre 2021, il ne faut pas céder à la tentation de la « spéculation » mais créer « une communauté en affinité avec un projet ». Les NFT peuvent réunir les ultra-fans et peuvent même servir à repenser la relation-client. Les propriétaires de NFT d’une marque pourraient par exemple jouir d'avantages, à la manière d’un club privé.

Crypto-enthousiastes

Dans cette phase de test-and-learn, l’ensemble des acteurs, petits et gros, se positionnent. On peut citer WPP, qui a créé en février The Metaverse Foundry, « une équipe mondiale de plus de 700 créatifs, producteurs, artistes visuels, développeurs et technologues », détaille Mathieu Morgensztern, country manager de WPP France et CEO de GroupM en France. Début avril, le collectif WeAreWeb3 a vu le jour à l'initiative de Caroline Saslawsky, présidente de l'agence RP et influence Idenium. On peut aussi citer Géraldine Karolyi, fondatrice de l’agence design 17mars, qui fait valoir la légitimité de sa discipline dans l’exploration de ces nouveaux univers.

Car l'ensemble de ces nouveaux espaces impliquent de s’entourer d’experts qui connaissent les codes des métavers et des plateformes de communication (Twitter) et d’échanges (Discord) empruntées par les « crypto-enthousiastes ». Ils impliquent aussi le recrutement de community managers capables d’animer ces communautés, avec leur langage. Une fois bien accompagnées, les marques n'ont plus qu'à se lancer... et WAGMI [pour « We all gonna make it », « on va y arriver »], comme il est d’usage d’écrire sur les forums.

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