Crypto

Des spéculateurs, organisés en groupes, n’hésitent plus à lancer des opérations éclair pour gonfler artificiellement la valeur de ces actifs numériques très volatils et engranger rapidement des profits avant de voir le cours chuter. Ces organisations profitent d’une réglementation plus laxiste concernant les cryptomonnaies.

Mi-mai, une cryptomonnaie, l’Enzyme, est passée en quelques minutes de 30 à 74 dollars, avec un volume de transactions très élevé. Quelques heures plus tard, elle replongeait et ne vaut plus que 27 dollars aujourd’hui. À l’origine de ce mouvement, un groupe de la messagerie Telegram sur lequel plusieurs investisseurs ont choisi leur cible avant de passer à l’action. « Sur les marchés boursiers, c’est illégal, mais des malfaiteurs profitent du cadre réglementaire moins sévère concernant les cryptomonnaies », explique Mircea Mihaescu, de l’entreprise spécialisée Coinfirm.

Pour donner plus d’ampleur à leur action sur l’Enzyme, ils ont également utilisé un réseau social grand public, Twitter en l’occurrence, afin d’inciter d’autres personnes à investir également. « Les baleines (surnom des gros investisseurs) ramassent plein de MLN (nom abrégé d’Enzyme sur les marchés), ça vaut le coup d’essayer », a par exemple tweeté un certain Cryptosanta.

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Enzyme Finance, la société qui gère la cryptomonnaie, a tenté de calmer le jeu, invitant à se méfier des « faux comptes » qui cherchaient à gonfler soudainement sa valeur. Mais il était trop tard et de nombreux investisseurs s’étaient déjà lancés en suivant un procédé périlleux : acheter puis revendre suffisamment vite avant que le soufflé ne retombe et que la demande ne se tarisse. Presque tous ont perdu car, dans ces stratagèmes, il est essentiel d’agir très rapidement. Pour l’Enzyme, la poussée haussière n’a en effet duré que quelques minutes et les seuls qui avaient une chance de ne pas perdre de l’argent étaient les initiateurs du mouvement.

« Dans toutes ces manipulations, tout le monde est convaincu d’être celui qui va profiter de la montée du cours », explique l’économiste comportemental Stuart Mills, de la London School of Economics. Le phénomène n’est pas isolé. D’autres groupes sont en train de promouvoir une opération similaire dans les prochains jours.

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Selon le spécialiste des données Matt Ranger, la plupart de ces actions sont lancées par des personnes dotées avant tout d’un solide sens du marketing. « Vous n’avez pas besoin de savoir écrire une ligne de code », souligne-t-il. Il suffit de savoir rédiger des messages qui trouvent un écho auprès des investisseurs dans les cryptoactifs, par exemple en reprenant la thématique de la défaillance des grandes institutions économiques. Les théories conspirationnistes fourmillent et certains soupçonnent ainsi des grands fonds d’investissement américains d’avoir orchestré le naufrage actuel des cryptomonnaies, pour en acheter ensuite à un bon prix.

« Tout à coup, tous ces comportements non éthiques deviennent plus justifiés avec ces théories, relève Stuart Mills, car les spéculateurs se disent : Je me suis fait avoir, donc à mon tour de rouler les autres ». La baisse récente de la demande pour les cryptomonnaies et le recul des cours qui en découle rendent toutefois d’autant plus périlleuses ces opérations. « Les seuls ordres d’achat viennent de ces gens sur Telegram ou Twitter », prévient Matt Ranger. Alors, à un moment, sans réelle demande d’investisseurs lambda pour la cryptomonnaie visée, « tout s’écroule », souligne-t-il.

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