Pour promouvoir sa collection estivale, la marque de lingerie Undiz en a surpris plus d’un avec une campagne d’affichage générée par l’intelligence artificielle, en complément d’un film promotionnel plus que traditionnel. Une prise de risque cosignée par l’agence Cowboys.

La marque de lingerie Undiz qui profite de l'arrivée des beaux jours pour faire la promotion de ses maillots de bain autour d’une campagne 360 – comprenant donc film et prints : rien d’exceptionnel jusqu’ici. C’était sans compter l’utilisation par la marque d’une technologie qui est au cœur de tous les débats : l’intelligence artificielle. À y regarder de plus près, il est vrai que les visages féminins sur leur campagne d’affichage paraissent presque trop… lisses ? faux ? poupins ? Avant de se lancer à corps perdu dans l'intelligence artificielle générative, Undiz avait déjà produit et réalisé la campagne avec un vrai shooting en Amérique du Sud, mais le résultat n’était pas concluant. En cause, les contraintes techniques liées à la prise de photo de mannequins sous l’eau – cheveux qui ne tiennent pas en place, yeux rouges, apnée – pour montrer les fameux maillots de bain de la nouvelle collection.

Au même moment, l’agence Cowboys venait de poster un article lié à l’intelligence artificielle. Pure coïncidence ou non, la directrice générale d’Undiz tombe dessus et a le déclic : « Nous ne nous positionnons pas comme les précurseurs de ces technologies car 95% de notre business reste traditionnel. De plus, nous avons construit la campagne print à partir de ce que la marque avait déjà produit en amont. Mais à la suite d’un casting réalisé auprès de plusieurs agences, elle nous a sélectionnés pour notre travail, qui était apparemment le plus abouti », explique Martin Playoust, cofondateur de l’agence Cowboys.

Entre réalité et imaginaire

Outre les contraintes techniques, Undiz se veut, quant à elle, être précurseur de ces nouvelles technologies, dans le but de séduire la cible chouchoute, ultra-connectée, des marques, la génération Z. Le mot d’ordre de l’enseigne : avoir quelque chose qui surfe entre la réalité et l’imaginaire. C’est à la suite de plusieurs allers-retours que l’agence trouvera l’équilibre parfait. « On a construit la campagne en essayant plusieurs choses. En premier lieu, nous avons proposé des environnements naturels avec des filles assises sur un rebord de piscine, mais le résultat paraissait trop réaliste. Nous nous sommes donc tournés vers quelque chose de plus futuriste, avec des mannequins plongées sous l’eau, entourées de plantes luxuriantes, un peu dans le style Avatar. Finalement, nous avons opté pour un entre-deux, entre réalité et 3D, avec des mannequins immergées sous l’eau, habillées simplement des produits de la marque. Il fallait aller à l’essentiel », retrace Martin Playoust.

Afin de traduire ces idées, l’agence s’est aidée de deux plateformes spécialisées dans l’IA, Midjourney et Stable Diffusion, qui ont reçu des directives pour retravailler des photos prises sur fond vert d’un mannequin « lambda ». « Finalement, cette campagne n’est pas si différente à produire d’une campagne traditionnelle, ce sont les mêmes étapes. Habituellement, le photographe travaille avec le directeur de la création, avec l’IA on a fait appel à un "ingénieur prompt" qui est le pendant du photographe. Sans oublier l’étape de la postproduction pour retravailler les photos comme sur une campagne traditionnelle », note le cofondateur. Dernier impératif imposé par la maison de lingerie, montrer une diversité des corps et d’ethnicité. L’inclusivité reste le maître mot, même dans le virtuel. Une inclusivité qui va jusqu’à assumer les imperfections liées à cette technologie, à l’image du grain de peau ultra-lisse et du regard presque étrange de ces personnages, afin de proposer une nouvelle imagerie.

Une technique controversée

Un plongeon dans la nouveauté qui ne plaît pas à tout le monde, et notamment aux professionnels de la photographie. Car même si Undiz précise sur la campagne que ces images ont été générées à partir de l’IA, il n’en fallait pas plus pour attirer les détracteurs. « Undiz est l’une des premières marques à s’être affranchie des codes, forcément cela entraîne des bons comme des mauvais retours. Aujourd’hui, l’IA arrive comme une nouvelle écriture créative mais sans l’humain elle n’est rien », rappelle à juste titre Nicolas Tzipin, associé fondateur de l’agence Cowboys. « Nous recevons des briefs entrants et nous remarquons que la demande évolue autour de l’IA. Nous faisons le pari de cet outil seulement quand c’est pertinent », complète Martin Playoust. Le monde des agences n’est pas épargné et les débats ne font que commencer.