Après l'attentat contre Charlie hebdo, beaucoup de marques ont choisi de stopper leur communication sur les réseaux sociaux. Certaines ont cherché à s'associer à l'élan de solidarité. A leurs risques et périls.

Les agences membres de l’Association des agences-conseils en communication (AACC) se sont concertées afin de bien réaffirmer à leurs clients que si la liberté d’expression est un droit inaliénable, quand on est une marque, parfois, le silence est d’or. Voici un extrait de mail échangé entre plusieurs agences que Stratégies s’est procuré: «Malgré le fait que nous soyons bien conscients qu'il faut continuer à vivre […], la communication sur les médias sociaux doit consister en une conversation et non une interruption. Parler de marques aujourd'hui serait inapproprié dans la mesure où les gens parlent de deuil national et se concentrent à juste titre sur la liberté d'expression en utilisant le hashtag #JeSuisCharlie sur tous les réseaux sociaux.»



Certaines marques aux publicités festives – au sortir des fêtes de fin d’année et à l’entrée des soldes – ont choisi de stopper leurs publicités sur les sites de presse. Et ce afin d’éviter les télescopages malencontreux, toujours catastrophiques pour la marque, l’internaute étant déjà défiant vis-à-vis de la publicité en ligne. Dans le même sens, de nombreux sites de presse ont supprimé les bannières publicitaires de leur «direct» ou de leurs articles en lien avec le drame, pour y insérer à la place le très populaire et symbolique visuel «JeSuisCharlie».

 

Friands de détournement

 

D'autres ont choisi de s’associer à l'émotion du moment. Donner une dimension humaine à la marque ou profiter de la visibilité? En tant qu’acteur de la vie sociale, une marque peut-elle s’inviter dans ce type de conversation? La question est toujours délicate. Le marketing des réseaux sociaux est friand du «newsjacking» et les marques, dans leur volonté de dialogue avec les internautes, aiment s’inviter au cœur des sujets en discussion. Quels qu’ils soient.

 

Mais dans un tel drame, le moindre geste peut être rapidement interprété pour du «mercantilisme honteux», comme l'ont souligné certains internautes. A l’image des 3 Suisses, qui ont subi leurs foudres pour avoir mixé JeSuisCharlie avec leur signature.

 

«Le geste nous a paru naturel, se justifie Olivier Gimpel, directeur de la marque et du e-commerce. Nous avons voulu intégrer Charlie aux 3 Suisses et non l’inverse. Tout le monde dans l’entreprise est choqué depuis [l'attentat]. Et nos équipes ont souhaité faire part de leur émotion. Cette signature, c’est qui nous sommes. Elle apparaît sur nos cartes de visite, sur nos goodies. Ce n’est en aucun cas une récupération mercantile.»

 

 

Bad buzz

 

Pourtant, la maladresse est bel et bien là. Et après avoir légitimement annulé une opération spéciale sur Facebook prévue pour les soldes, les 3 Suisses se sont retrouvés au cœur d'une campagne de «bad buzz»: près de 700 partages, tous aussi négatifs les uns que les autres, plus de 900 commentaires peu glorieux et des articles de presse à l'avenant. Les internautes, pas forcément habitués aux codes d'expression de la marque, n’y ont vu que le détournement d’un objet qu’ils considèrent comme sacré.

 

«Exprimer sa solidarité, justement, c’est s’effacer derrière le symbole unanimement approuvé, analyse Téa Lucas de Peslouan, directrice générale adjointe I & E Burson Marsteller, spécialiste de la communication de crise. Il est inutile de le mêler à des attributs de votre marque à des fins marketing, c'est inapproprié dans un contexte aussi tragique. Vous êtes déjà l’émetteur, pas besoin d’en rajouter. » Au contraire, la beauté du geste est d’effacer sa propre identité devant un symbole aussi fort.

 

D’autres marques ont choisi la sobriété, comme... La Redoute qui n’a ajouté qu’un ruban noir sur son logo. Ou Google et Carrefour qui a décoloré son «C» et y a posé un ruban noir. Le Paris Saint-Germain, lui, a complètement effacé sa Tour Eiffel, au profit du visuel de Charlie. Citons aussi le site My Little Paris, qui a injecté dans son logo le Charlie au lieu du Paris. Si le mélange est aussi douteux que celui des 3 Suisses, le détournement a beaucoup moins choqué les internautes et les avis sont très majoritairement positifs.

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