Saga
McDonald’s fête cette année ses 30 ans de collaboration avec TBWA. Presque toujours fidèle à son agence de la première heure, McDo, pour les intimes, a su s’imposer au pays de la gastronomie avec une stratégie marketing bien ficelée, un réel goût pour l’innovation et des créations publicitaires pertinentes.

En 1972, faux départ pour McDonald's. Le géant américain laisse le soin à un homme d’affaires français, Michel Dayan, de développer sa marque dans l'Hexagone. Après l’ouverture de quatorze restaurants en région parisienne, une bataille judiciaire oppose la firme d'Oak Brook dans l'Illinois à l'entrepreneur français. McDo souhaite lui racheter ses restaurants florissants mais ce dernier s’y refuse. L'Américain aura finalement gain de cause.

L'enseigne ouvrira son premier «restaurant officiel» en 1979 à Strasbourg et retiendra cette date comme celle du lancement de la marque en France. Le groupe, qui ne pariait pas grand-chose sur l’Hexagone, se rend à l’évidence: la France a le potentiel nécessaire pour accueillir cet ovni et en faire le nouveau rendez-vous des dimanches soir et mercredi midi en famille. Avec son drive, ses sandwichs qui ne tarderont pas à devenir cultes et son mode de consommation régressif, sans couverts, le restaurant américain s’impose rapidement dans le paysage alimentaire des Français.

Mode de vie nouveau

«Il y a eu des grandes phases dans le succès de McDo en France, explique Xavier Royaux, vice-président marketing France de McDonald's, la première fut celle de l’importation du modèle. McDonald’s fut l’inventeur du fast-food en France, nous étions dans une phase pionnière, où il y avait un aspect mythique à être Américain et une fascination autour de ce nouveau mode de vie avec des grandes campagnes marquantes pour des marques comme Levi’s par exemple.» 

Mais ce mode de vie, encore faut-il en faire la pédagogie. En 1985, une compétition d’agences est menée depuis la direction marketing aux Etats-Unis et BDDP, toute jeune hotshop face aux grandes agences du moment, remporte tous les suffrages. Un premier film verra le jour en 1986 et introduira la toute première signature made in France: «Ça se passe comme ça chez McDonald’s». Mais il faudra attendre 1989 pour qu’un film iconique voit le jour, celui du «Grand-père», symbole de ce que McDonald’s représente à l’époque, et dans lequel on voit un grand-père accompagner ses petits-enfants au restaurant, mais être démuni l’espace de quelques secondes face à ce nouveau sandwich, servi sans couverts. Un jeune couple lui montre la voie et il finit par mordre à plein dentier dans son hamburger avec un plaisir non dissimulé.

Restaurant familial

McDonald’s s'installe comme le restaurant de la famille, surtout avec son offre remarquée du Happy Meal, le menu des enfants qui offre toujours de nouvelles surprises. En 1996, c’est à un autre rendez-vous alimentaire que McDonald’s s'attaque avec son McMorning, son menu dédié au petit déjeuner.

Quelques années plus tard, la France s’est tellement bien appropriée la marque, qu’elle a renommé l’Américain «McDo». Une requête est alors effectuée à la maison mère pour pouvoir utiliser ce nom dans les communications de la marque. Les Français remportent la partie et en 1995, l’emblématique signature «McDo pour les intimes» voit le jour.

Mais la lune de miel ne dure pas. Au début des années 2000, la marque est placée, à son insu, sous le feu des projecteurs. Avec le drame du 19 avril 2000 tout d’abord, et l’attentat du restaurant de Quévert qui coûtera la vie à une employée. McDonald’s publie alors un texte d’indignation pour crier son ras-le-bol de voir la marque stigmatisée.

McDo bashing

Accusée de tous les maux, d’autant plus que le scandale de la vache folle fait rage, la marque devenue le symbole de la malbouffe met les bouchées doubles pour lever toute suspicion et redorer son blason. Elle décide de communiquer sur son engagement en matière de filière agricole, en s’offrant un stand au salon de l’Agriculture tout d’abord, puis en diffusant un film rassurant les consommateurs sur l’origine de la viande. «Après les années “insouciantes” où la marque s'est installée, les consommateurs l'ont questionnée, note Xavier Royaux. Il a alors fallu donner un certain nombre de gages de qualité, notre contribution à l’agriculture, à l’emploi et la composition de nos aliments». Une autre campagne suivra en 2003 sur les «bonnes pratiques de McDonald’s» dans lequel on verra que la marque laisser le temps au blé de pousser et au bœuf de grandir dans de verts pâturages.

Premier McCafés

Mais pour renouer avec les consommateurs, le discours de la transparence ne suffit pas, McDonald’s s’attaque donc à un monstre emblématique: Astérix. Après une longue négociation, Uderzo finit par réaliser une campagne dans laquelle on voit les irréductibles Gaulois attablés dans un restaurant à l’arche d’or, ayant troqué leur sanglier pour un hamburger. Avant de confier en 2004 la réalisation de ses publicités à un autre monstre français: le réalisateur Jacques Audiard, qui sublimera les restaurants et en fera le théâtre de jolies histoires. L'année 2004 signe aussi le début d’une nouvelle ère, celle de la signature encore utilisée aujourd’hui: «C’est tout ce que j’aime».

Mais 2004 est également l’année du renouveau avec l’ouverture en France des premiers McCafés, qui proposent des boissons chaudes élaborées et des cookies, cheesecakes et autres. Si des McCafés ouvrent un peu partout dans le monde, en France, la pertinence business est décuplée puisque les Français ne se restaurent pas chez McDonald’s en dehors des repas. Pas de snacking, donc pas de visites au beau milieu de l’après-midi. Un trou dans la caisse que les McCafés visent à combler en faisant des restaurants des lieux de passage qui répondent aux besoins de la journée dans son intégralité.

Positionnement écolo

En 2008, retour à une communication plus corporate avec des campagnes sur l’engagement environnemental de la marque dont le logo est désormais passé au vert. Dans un «souci de meilleure intégration des restaurants dans leur environnement», se justifiera la marque là où d’autres y verront l’exemple d’un parfait greenwashing. Mais quoi de mieux pour communiquer sur sa politique écologique (la marque a créé un département environnement en 2005) que de passer au vert? Depuis, de nombreux autres pays ont abandonné leur rouge criard au profit de cette nouvelle couleur plus naturelle.

C’est au cœur de ce mouvement vers plus de naturalité qu’est née la campagne «Venez comme vous êtes», réalisée par BETC. Une petite infidélité à TBWA qui permettra à la marque de recréer du lien et de la proximité avec le consommateur en se présentant comme le restaurant ouvert à tous. L'enseigne s'efface alors derrière une galerie de portraits colorés, qui mêle les sexes, les âges, les races. Petit à petit, la campagne évolue pour intégrer des images plus léchées et des personnages qui parlent à tous: des Tintin, Dark Vador et autres Cendrillon se bousculent eux aussi pour croquer dans un Big Mac.

Pas besoin de mots

Le Big Mac, justement, c’est l’une des clés du succès du McDo «à la française» à l’échelle mondiale. Car c’est au pays des Gaulois que l’on vend le plus de Big Mac par restaurant, et que le montant moyen dépensé par repas est l’un des plus élevés. Le Big Mac est si iconique qu’il devient aux côtés d’autres best-sellers de la marque l’élément central d’une campagne imaginé par TBWA en 2013. Astucieusement baptisée «No logo», la campagne montre les produits dans leur plus simple appareil et prend le pari de n’inscrire ni logo, ni accroche. Et ça fonctionne. Les scores d’attribution de la campagne battent tous les records avec plus de 99% des consommateurs qui reconnaissent la marque. «Les produits sont tellement iconiques et consommés par tellement de personnes, rapporte Luc Bourgery, directeur général de TBWA Paris, que mettre des mots, les résumer aurait été inexact. Si chacun a ses mots pour qualifier ce plaisir-là, il faut laisser les gens mettre leurs mots dessus. Ça nous a paru incroyablement juste à ce moment-là.»

Tee-shirt hamburger

Et 2014 signe le coup d’après. Comment faire mieux que «No logo»? Créer un langage McDo avec des pictos. Tout simplement. Une idée de génie qui s’affiche aujourd’hui sur des t-shirts, dont étaient équipés les collaborateurs mais qu’ont détourné des blogueuses et autres figures de la mode comme Moschino qui a créé une collection en référence, à peine voilée, à la marque. McDo, plus que jamais, est entrée dans le sérail très exclusif de la pop culture. Qui aurait arboré il y a vingt ans un T-shirt hamburger?

Mais les raisons du succès se trouvent aussi dans les services apportés par la marque, avec le drive dès les débuts, puis plus récemment la commande à distance. Avec une stratégie digitale aux petits oignons pilotée par DDB, l’enseigne a su s’inviter autrement dans les foyers et créer une autre dynamique dans ses restaurants. Signe de premiumisation ultime, le service à table est en test dans 500 restaurants avant de se généraliser. «Avant, McDonald’s c’était du fast-food, observe Luc Bourgery. Aujourd’hui, le Big Mac est préparé à la commande.» Il paraîtrait même que le roi du hamburger s'est mis au bio…

Repères

1979 Premier restaurant McDonald's en France.

1340 Nombre de restaurants en France en 2014.

1,8 million de repas servis par jour.

243,46 millions d’euros investis en publicité en 2014.

99% Taux d’attribution de la campagne « No logo ».

2,6%. Taux de progression des ventes en 2014 par rapport à 2013.

 

Les agences McDo

TBWA : création publicitaire et stratégie depuis trente ans.

Havas Paris : expertise de l'influence depuis douze ans et création publicitaire pour le Menu Casse-croûte depuis 2013.

DDB : stratégie digitale, accompagnement des campagnes de communication sur internet et expérience consommateur, présence de Mc Donald's sur les réseaux sociaux.

BETC : campagne « Venez comme vous êtes » en 2005.

Agence W : aménagement des restaurants.

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