PARTENARIAT Entre les Jeux olympiques et l'Exposition universelle, Paris et le gouvernement balancent. Les entreprises et les marques, elles, y voient surtout des occasions de communiquer différentes et complémentaires.

Jeudi 12 février, sous les plafonds dorés de l’Hôtel de Ville de Paris, devant plusieurs centaines d’invités et les caméras des chaînes d’information, Anne Hidalgo, maire de la capitale, recevait l’étude d’opportunité pour sa ville d'une candidature pour l’organisation des Jeux olympiques d'été en 2024. Au même moment, sur l’autre rive de la Seine, à l’Hôtel de l’industrie, c’est le comité de candidature pour l’Exposition universelle de 2025 (Expo France 2025) qui convoquait les journalistes.

Le duel entre les deux projets ne fait que commencer. Selon un sondage d’Uniteam Sport réalisé pour Stratégies, l’idée d’une Exposition universelle à Paris séduirait plus que celle des Jeux olympiques (voir ci-après). Mais quel est l’intérêt pour les marques? Chaque événement porte ses valeurs, ses avantages et ses contraintes. «Finalement, le meilleur moyen d'amortir les énormes investissements nécessaires serait d'organiser les deux et de refaire ainsi de la France un grand carrefour d'échanges et d'idées», estime Frédéric Bedin, président de Hopscotch Global PR Group, spécialiste de l'évenementiel. La France l'a déjà fait... en 1900.

 

Les valeurs



JO 2024. «Il existe d’importantes différences entre les deux événements, mais cela ne signifie pas qu'il y en ait un qui soit mieux que l'autre, avance Hubert Genieys, senior VP Corporate Communications & Sponsoring de Nestlé Waters. Les Jeux olympiques portent des valeurs fortes comme le dépassement de soi, l'amitié, le respect voire l’universalité.»«Les JO offriraient l’occasion de rassembler les Français et d’avancer sur de grands sujets de société, comme le handicap, le développement durable, l’engagement citoyen, la jeunesse et le vivre ensemble», affirme Bernard Lapasset, président du Comité français du sport international (CFSI). Ce rassemblement national pourrait se concrétiser dès la candidature, avance Frédéric Léonard, président du groupe de communication Territoires Conseil, spécialisé dans la communication en région: «Son budget pourrait être assuré par un programme de financement participatif qui, donc, permettrait de toucher l’ensemble des Français.» Les JO pourraient ainsi mobiliser tout le pays et non la seule région parisienne.

 

Expo France 2025. «Dans une France qui doute, cette initiative montrera une France qui entreprend et qui innove. Cela peut contribuer à réconcilier les Français avec la mondialisation», pense Bruno de Laage, directeur général délégué du Crédit agricole SA, partenaire. Optimisme partagé par Pierre Auberger, directeur corporate communications du groupe Bouygues, autre partenaire: «Une exposition universelle met en avant l'excellence technique, le partage des connaissances et l'ouverture sur le monde, des valeurs proches de ce que vit le groupe au quotidien.» Mais c'est aussi le concept même du projet français qui a convaincu certaines entreprises. «L'idée, pour la première fois, de ne pas avoir un site unique mais plusieurs lieux, témoigne d'une volonté de fédérer des territoires, qui correspond parfaitement à nos métiers de proximité», avance Benjamin Ferniot, directeur du développement et des relations institutionnelles France de Suez Environnement, partenaire fidèle des Expositions universelles, qui ajoute: «Ce type de manifestation, plus fédérateur que les JO par exemple, assure de plus fortes retombées économiques.»

 

L'impact médiatique

 

JO 2024. Difficile de rivaliser sur ce point avec les Jeux dont les épreuves sont regardées par 3,7 milliards de personnes sur la planète et mobilisent quelque 20 000 journalistes. «A Londres, en 2012, 11 millions de billets ont été vendus et 8 millions de personnes se sont rendues dans l’une des “fans zones”, rappelle Bernard Lapasset, président du CFSI. Plus de 15 millions de Britanniques sont venus voir passer la flamme olympique.» Dans le match entre les deux événements, Kantar Media apporte d’autres chiffres: depuis début 2015, quand, dans les médias, 335 sujets concernaient la candidature de Paris pour l’Exposition universelle, il y en avait 2 163 pour parler de celle des Jeux olympiques! «Les JO, c’est un show planétaire», commente Lucien Boyer, président d’Havas Sports & Entertainment. «C’est un événement populaire inscrit au patrimoine mondial», renchérit Hubert Genieys, de Nestlé Waters.



Expo France 2025. «L'Exposition universelle n'est pas un coup médiatique de quinze jours, mais un événement structurant en matière de politiques publiques qui dure six mois et accueillera 80 millions de visiteurs», rappelle le député-maire (UDI) de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromentin, président d'Expo France 2025. Un nombre de visiteurs qui est clairement une force pour Frédéric Bedin, d'Hopscotch Global PR Group: «Une Exposition universelle est une vitrine pour les entreprises et offre davantage d'opportunités de business.» Ce que confirme aussi, en matière de B to B, Pierre Auberger, de Bouygues: «N'ayant pas de produits grand public, nous pouvons plus efficacement toucher nos cibles, à savoir les décideurs politiques et économiques, qui sont fortement représentés lors de ces expositions.»

 

Les opportunités de communication

 

JO 2024. «Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le cadre structurel de communication autour des Jeux peut être très vaste», affirme Lucien Boyer. Ainsi, au-delà des partenariats très encadrés, qu’ils soient internationaux ou nationaux, le patron d’Havas Sports & Entertainment met en avant d’autres opportunités de communication pour les marques: «Elles peuvent s’associer à des athlètes, ceux de leur région, par exemple. Il existe aussi beaucoup d’opportunités grâce à tous les événements organisés en marge, et notamment culturels.» Les Jeux paralympiques, qui se déroulent un mois après les JO, sont une autre occasion de communication. Par ailleurs, des Jeux ne se limitent pas à la quinzaine de jours durant lesquels se disputent les épreuves. Le mouvement olympique saura motiver les marques pour animer les mois précédents l’événement. «Mais attention, prévient Frédéric Léonard, de Territoires Conseils, si la marque ou l’entreprise n’est pas déjà présente dans le sport ou le mécénat, ce sera difficile pour elle d’émerger en arrivant seulement durant l’événement.»

 

Expo France 2025. «Pour les partenaires, le cahier des charges d'une Exposition universelle est beaucoup plus ouvert que pour les JO, où il faut entrer dans des cases préétablies par le CIO, lance Jean-Christophe Fromentin, d'Expo France 2025. Nous avons la maîtrise totale du marketing de l'événement et pouvons nous adapter en fonction des entreprises, qui ne sont pas seulement des sponsors mais aussi des acteurs de l'événement.» D'ores et déjà, la plupart des partenaires participent à l'élaboration concrète du projet, aux côtés d'étudiants issus d'une douzaine de grandes écoles et universités. Et tous commencent à mobiliser leurs réseaux en interne comme en externe, tel le Crédit agricole via les assemblées générales de ses caisses locales et régionales. «Plus que la visibilité, c'est l'engagement sociétal qui compte, et le formidable outil de mobilisation interne que cela offre», note Benjamin Ferniot, de Suez Environnement, qui, vis-à-vis de ses clients, notamment les collectivités, a coutume de faire visiter ses sites locaux comme lors de l'Exposition de Shanghai. 

 

Le coût pour les entreprises

 

JO 2024. «Les Jeux financent les Jeux», clame Bernard Lapasset, qui avance un budget prévisionnel global de 6,2 milliards d’euros, dont 3 milliards pour l’organisation. Ce coût sera entièrement pris en charge par une subvention de 2 milliards versée par le Comité international olympique, et le solde par les revenus du programme marketing du comité d’organisation. Au niveau international, les budgets des Top sponsors s’élèvent de 10 à 20 millions d’euros annuels, et quelques millions pour un partenaire national. Les marques et les entreprises privées seraient appelées à financer la moitié du reste des coûts, quelques enceintes sportives et, essentiellement, des infrastructures de transport nécessaires dans un plan d’aménagements du territoire. Des investissements qui profiteraient, pour l’après JO, à... l’Exposition universelle.

 

Expo France 2025. Le coût du projet de la candidature française est évalué entre 3 et 4 milliards d'euros, hors dépenses d'infrastructures, comme celles prévues pour le Grand Paris et sur lesquelles le projet compte bien s'appuyer. A cela s'ajoute environ 50 millions d'euros pour le seul budget de candidature jusqu'en 2018, «entièrement couvert par les partenaires», avance Jean-Christophe Fromentin. «Le projet vise l'autofinancement par la billetterie, 2,1 milliards d'euros, un emprunt relais garanti par l'Etat, 500 millions, et le parrainage, 500 millions», détaille Christian de Boissieu, professeur d'économie et vice-président d'Expo France 2025. Pour l'heure, les quinze partenaires fondateurs ont déjà versé 120 000 euros. De 2016 à 2018, les partenaires officiels de la candidature (25 à 30 sociétés) contribueront à hauteur de 300 000 euros par an chacune et les partenaires (une cinquantaine d'entreprises) aux alentours de 50 000 euros annuellement. Les PME et les TPE paieront 1 000 euros par an. «Quant au programme de parrainage, si la France est retenue en 2018, il n'est pas encore arrêté», souligne Ghislain Gomart, directeur général d'Expo France 2025.

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