Contenus de marque
A l'occasion de la deuxième édition des MIP Digital Fronts qui se tiendront les 15 & 16 avril à Cannes, le MIP TV décernera le prix Brand of The Year au groupe international hôtelier Marriott, notamment pour ses créations de branded entertainment via son tout nouveau global content studio. Le vice-président de ce dernier, David Beebe, présente les ambitions du groupe dans ce domaine.

Pourquoi un groupe d'hôtellerie comme Marriott s'engage-t-il dans une politique aussi ambitieuse de production de contenus?

David Beebe. Nous avons lancé le Marriott Global Content Studio il y a environ neuf mois. Nous faisons cela pour entrer en contact avec les consommateurs et surtout les «millenials» [générations nées au tournant de l'an 2000]. Aujourd'hui, cette génération n'est pas intéressée par la publicité traditionnelle. Le spot TV de 30 secondes ou la bannière internet, ils n'aiment pas. Le meilleur moyen de les toucher est de leur fournir des contenus qui les intéressent mais sûrement pas en parlant de la marque. En ce qui nous concerne, nous produisons des contenus évidemment liés à l'univers du voyage et à tout ce qui touche à la découverte d'une destination, d'une ville... Mais la marque n'est pas mise en avant, elle fait partie du contenu. C'est un moyen de les mettre en confiance avec la marque.

 

Comptez-vous développer cette stratégie pour toutes vos marques?

D.B. Oui, nous voulons l'adopter pour chacune de nos 18 marques. Notre objectif est de présenter toute la diversité de notre portefeuille de marques, de nos offres luxe à celles destinées aux familles ou aux hommes d'affaires. Pour chacune d'entre elles, avec son identité, nous pouvons produire des contenus spécifiques. Pour nos hôtels Renaissance par exemple, nous produisons déjà, depuis environ six mois, une série d'émissions TV de 30 minutes, baptisée The Navigator Live et diffusée sur une chaîne du câble [AXS TV]. Elle met en scène des musiciens qui découvrent la ville et l'hôtel Renaissance de cette dernière où ils se produisent en concert. Nous avons également produit une série de saynètes comiques, Courtyard Camera, avec les joueurs de la NFL [fédération de football américain] en partenariat avec nos hôtels Courtyard by Marriott. Un tout autre exemple: nous avons aussi prêté à nos clients des kits de caméras Go Pro lors de leur séjour dans nos hôtels resorts pour filmer leurs propres expériences en famille. Là, ce sont nos propres clients qui créent des contenus pour nous. 

 

Concrètement, quels bénéfices attendez-vous de cette démarche de brand content?

D.B. Nous le faisons d'abord parce que nous n'avons pas le choix. Aujourd'hui, vous pouvez dépenser 3 millions de dollars pour un spot TV que personne ne regarde. Or les jeunes générations ne jurent plus que par les contenus qu'ils créent, regardent, partagent via leur smartphone. C'est pourquoi nous avons adopté la stratégie des 3C: contenu, communauté et commerce. C'est en produisant et en diffusant sur la durée un grand nombre de contenus de qualité que l'on crée des liens avec les gens et qu'on constitue ainsi une communauté. Et c'est quand on a une communauté forte et fidèle que l'on peut faire du commerce. Quand les membres de cette communauté veulent voyager, ils vont peut-être penser à nous. Un autre aspect à ne pas négliger: ces contenus ne sont pas de la publicité, ce sont avant tout de bonnes histoires, donc nous pouvons les vendre à d'autres diffuseurs. C'est là un grand changement, le marketing n'est plus un coût mais devient aussi une source de revenus. Toutefois, ce n'est pas là notre principal objectif. Notre programme de fidélisation compte sans doute le plus grand nombre de clients, 45 millions à travers le monde, notre site Marriott.com, en dix langues, attire 38 millions de visiteurs uniques par mois, bientôt nous aurons sur ce site une nouvelle section, baptisée Marriott Traveler, qui sera un véritable magazine life style sans espace de réservation mais proposant uniquement des contenus originaux autour du thème du voyage. Sans compter tous les magazines et autres produits d'éditions que nous réalisons chaque année. Avec tout cela, nous sommes déja le plus gros éditeur de contenus sur le voyage au monde. A nous de faire fructifier ce capital. 

 

De quel budget disposez-vous pour mener à bien ces projets?

D.B. C'est encore un investissement modeste. Mon équipe, basée à Washington DC où siège le groupe, est composé de 65 personnes, des créatifs, des planneurs stratégiques, des designers, des photographes pour produire toutes sortes de contenus pour les différentes marques du groupe. Pour le dernier film que nous avons produit, The Two Bellmen, un court-métrage de 15 minutes, nous avons investi environ 250 000 dollars, tout compris production, marketing et distribution. Avec tout ce que nous produisons au total cela fait un montant significatif mais cela reste dérisoire par rapport à un spot TV qui coûte en moyenne entre 1 et 3 millions de dollars. Pour démarrer, j'ai tenu à ce que nous ayons notre propre budget: en interne, certaines directions marketing sont encore réticentes à investir une part de leurs ressources dans ce type de projet. Mais déjà nos premières réalisations et leur impact commencent à faire bouger les lignes. Clairement, nous allons moins investir dans le marketing traditionnel et plus dans les contenus qui, non seulement offrent ce qu'attend le public, mais en plus permet grâce au digital de mieux cibler les publics que l'on vise. 

 

Pourquoi avoir intégré une équipe de contenu plutôt que de confier cela à une agence de publicité?

D.B. Nous travaillons avec des agences et des sociétés de production. Nous ne nous chargeons pas de la production, nous travaillons sur l'idée, le concept tout en nous appuyant sur des personnes de notre équipe basées à Londres, Dubaï et Hong-Kong pour tenir compte des sensibilités et cultures locales. Nous avons également des gens dédiés à la veille sur les réseaux sociaux notamment pour déceler les thèmes ou les sujets qui peuvent intéresser notre public en matière de contenus. Mais côté production, en matière de storytelling, mieux vaut travailler en direct avec ceux qui le font. Il est indispensable de nouer avec eux un lien durable, ce que nous faisons avec plusieurs réalisateurs et producteurs de contenus sur le web notamment sur You Tube. Récemment, nous avons mené une campagne sur Snapchat avec quatre influenceurs du web, Shaun McBride, Bretagne Furlan, Casey Neistat et Louis Coletout, qui s'est soldée par des millions d'impressions auprès d'une cible qui nous intéresse particulièrement, les jeunes, la prochaine génération de voyageurs. 

 

Dans le cas de votre dernière production, The Two Bellmen, quels sont concrétement vos objectifs?

D.B. The Two Bellmen est la première production d'un court-métrage que nous faisons pour la marque JW Marriott. C'est un film d'action plein d'humour que nous avons tourné à Los Angeles et qui évoque l'art, la musique, les affaires, le voyage et la culture, autant de thèmes attachés à la marque JW Marriott. C'est l'histoire de deux grooms qui font échec à une tentative de hold-up d'une oeuvre d'art dans l'hôtel. C'est pour nous l'occasion de montrer en situation tout ce qu'offre JW Marriott: sa salle de réception, sa nourriture, ses boissons, ses chambres... Nous avons déjà diffusé le trailer. Le film, lui, sera dévoilé le 10 mars. Notre objectif est juste de créer de l'intérêt autour de ce court-métrage et indirectement autour de la marque. Après ce permier opus, axé sur l'art et la culture, nous avons déjà prévu de réaliser cette année The Two Bellmen 2 dans un autre JW Marriott en Chine, plutôt autour du thème de la restauration, une de nos principales sources de revenus. Puis nous projetons de faire The Two Bellmen 3 sûrement à Dubaï début 2016, peut-être autour de l'univers du jeu. Au final, nous aurons trois court-métrages préfigurant une histoire consistante. Car la grande idée (mais cela n'est pour l'instant qu'un projet dans ma tête) est de réaliser, pourquoi pas dans deux ans, un long métrage de cinéma, comme Lego a pu le faire récemment. Ils préparent d'ailleurs une suite. Le patron de Lego a déclaré récemment combien ce film a eu directement un impact sur la notoriété et les ventes de la marque sans parler du succès en salles [fin février, La Grande Aventure Lego avait rapporté 468,7 millions de dollars à travers le monde, selon Box Office Mojo]. Ce sont des films produits par des marques, mais cela ne parle pas de la marque, c'est une expérience autour de la marque.

 

Que peut-on dire de votre dernier projet, The French Kiss?

D.B. Nous sommes en effet en train de produire un autre court-métrage, intitulé The French Kiss que nous annoncerons officiellement fin mars. C'est l'histoire d'un dirigeant d'entreprise qui vient à Paris pour une conférence sur le thème des nouvelles technologies, il y rencontre une jeune femme, interprétée par un mannequin français, dont il ne sait si elle est réelle ou non. C'est avant tout une histoire d'amour avec en toile de fond l'univers de l'innovation. Et une nouvelle fois, l'hôtel Marriott sera un personnage à part entière de ce film. C'est le premier film que nous produisons pour la marque Marriott. 

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