Audiovisuel
Yannick Bolloré, président d’Havas, a donné une conférence consacrée aux contenus lors du MIP TV qui s’est ouvert lundi 13 avril à Cannes. Une semaine avant ce rendez-vous, il s’était déjà confié à Stratégies.

Pourquoi Havas, groupe de communication, est au MIP TV?

Yannick Bolloré. Il y a énormément de points de convergence et d’interaction entre le monde de la communication et celui du contenu. Il y a dix ans, nous avions une vision exhaustive des contenus existants, l’inventaire était fini et les plateformes de distribution peu nombreuses. Aujourd’hui, les plateformes de distribution se sont développées sur les canaux traditionnels et digitaux. Nous sommes dans une profusion infinie de contenus. À chaque minute, 100 heures de programmes sont créées.



Quelles nouvelles problématiques pose cette profusion de contenus?

Y.B. Comment faire pour que le consommateur, placé au centre de ce nouvel écosystème, puisse s’y retrouver? Comment ce contenu peut faire du sens pour lui ? Nous avons tous vécu cette expérience sur Twitter où, avec trop d’abonnements, nous sommes perdus dans l’information. Du coup, cela devient très compliqué de savoir quel contenu regarder. Notre enjeu est donc de proposer au consommateur du contenu susceptible de l’intéresser. Cela passe par l’utilisation des algorithmes et des données. 

 

C’est aussi devenu un enjeu économique pour les agences...

Y.B. Oui. C’est l’enjeu de la monétisation. La fragmentation des supports accroît la vulnérabilité des médias et crée une déflation des recettes publicitaires. Pour un acteur de la communication comme Havas, qui doit, lui aussi, faire face à cette problématique, le travail est de faire converger ces contenus et d’en créer sous de nouvelles formes. Il faut imaginer des engagements et des conversations encore plus innovants et performants entre les marques et les consommateurs. Le spot de 30 secondes ne disparait pas, mais une partie des 500 milliards de dollars investis mondialement dans la publicité sera engagée dans ces contenus. 

 

Peut-on mesurer l’efficacité de ces contenus?

Y.B. Les outils de mesure existent grâce aux données et aux médias digitaux. En croisant ces datas, issues notamment des panels consommateurs, nous sommes capables de mesurer l’impact de chacun des médias sur les ventes. Nous pouvons construire des plans médias de manière plus efficace. Havas a beaucoup investi sur ce point. C’est important d’être capable de démontrer scientifiquement et rationnellement à nos clients l’impact de la publicité sur les ventes. C’est un investissement productif et non une charge. 

 

Que peuvent apporter comme valeur ajoutée les groupes de communication en matière de brand content ?

Y.B. Nous assistons à une évolution de la consommation des contenus. Celle-ci est passée du pur linéaire, avec des espaces pour la publicité entre les programmes, à une délinéarisation complète où les contenus sont partagés et consommés en mobilité. Il faut comprendre ces changements et étudier comment ils impactent la construction des plans médias. Et puis, au-delà du conseil, nous devons proposer des produits innovants sur mesure capables de parler aux cibles consommatrices de nos clients tout en créant de l’engagement.

En ce qui concerne Havas, nous avons innové dès 2010 avec la création d’Havas production, structure située à mi-chemin entre une agence de publicité et une société de production. Nous y faisons collaborer des spécialistes de la marque et du contenu et cela a fonctionné dès le début. Le contenu est une vraie force de différenciation pour Havas. 

 

Pourquoi les agences de communication seraient-elles plus légitimes en matière de brand content ?

Y.B. Parce qu’il faut être capable de comprendre la problématique d’un client donné, et elle est différente à chaque fois. N’importe quel type de contenu ne correspond pas à n’importe qui. Une agence est justement assez en amont pour proposer une idée sur mesure et répondre aux problématiques d’un annonceur. Nous avons une connaissance très précise des problématiques de nos clients, donc nous sommes plus à même de leur apporter les bonnes réponses. Et puis, le brand content ne peut pas être géré indépendamment des autres outils de communication. Au final, c’est le même consommateur qui est touché par l’ensemble des messages. La coordination des messages est donc importante. 

 

Les marques sont-elles appelées à devenir des médias à part entière ?

Y.B. Certains actifs de nos clients sont des médias, c’est le cas pour ceux disposant de présence physique, comme des boutiques. Il existe aussi l’écosystème digital des marques qui permet d’exposer des contenus à leurs consommateurs. Ce «owned media» doit aussi être traité en coordination totale avec la stratégie média. 

 

Le flou entre information et brand content ne risque-t-il pas de poser un problème ?

Y.B. Je crois beaucoup à l’authenticité et la sincérité. Pour créer un écosystème durablement profitable pour les médias et les groupes de communication, il est important que le contrat de lecture soit clair et respecté pour le consommateur. Il faut bien différencier ce qui relève d’une part de la responsabilité éditoriale du média et d’autre part de la publicité. Il ne faut en aucun cas tenter de manipuler le consommateur sinon il se détournera des contenus de brand content.

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